LA CHRONIQUE DES ARTS
dans un état repoussant de malpropreté, à cause
des mousses et des lichens que l'humidité des deux
dernières années a développés sur leur épiderme.
Cette malpropreté n'est pas seulement regrettable
au point de vue de la bonne tenue ordinaire de
nos jardins nationaux; elle est dangereuse pour
la conservation du bel ensemble de sculptures dé-
coratives que renferment les parcs de Versailles.
Vous n'ignorez pas, monsieur le directeur, que
si tant d'œuvres importantes nous sont parvenues
daus un état de conservation relativement aussi
complet, après de longues années d'exposition au
dehors, sous notre climat, c'est que. pendant l'an-
cien régime, il existait un service public qui fonc-
tionna près de cent ans, et était chargé de l'en-
tretien des statues des jardins royaux. Le maigre
budget de notre atelier du mouvement et de l'en-
tretien des statues, au Louvre, est loin de pou-
voir suffire aux exigences immédiates réclamées
par le nettoyage de toutes les figures signalées ci-
dessus. Cependant, je pense qu'il y aurait à ten-
ter un effort, dès que le beau temps permettra de
faire sortir le personnel de l'atelier, et j'estime
qu'il serait urgent de débarrasser, au plus tôt, de
la lèpre qui les rouge, les monuments les plus
attaqués. Je crois, en même temps, devoir vous
signaler le déplorable effet produit par l'abandon
absolu dans lequel est laissé le bosquet des Dômes.
C'est là une véritable souillure pour le parc de
Versailles; une tache qui s'étale à quelques pas
du tapis vert. Dans ce petit enclos, qui a l'air d'un
lieu maudit, les plaques de marbre sont éparses
sur le sol, au milieu des ronces et des hautes
herbes. Les statues, mutilées pour la plupart, sont
posées à terre et appuyées contre les piédestaux,
du haut desquels elles ont été renversées. Il est
indispensable de remédiera cet état de choses, et
je vous prie de vouloir bien faire faire les démar-
ches nécessaires auprès de l'administration com-
pétente, pour obtenir la réfection de ce petit en-
semble décoratif ou pour en provoquer la sup-
pression totale. Le statu quo ne saurait subsister.
Les bronzes des jardins ont naturellement beau-
coup moius souffert que la pierre ou le marbre.
Ils se trouvent dans un état qu'on peut déclarer
satisfaisant. Cependant, j'ai remarqué, dans le
bosquet de la Reine, qualres vases de bronze qui
sont très endommagés. Ils portent, sur notre In-
ventaire général de ta Restauration, les nos M. R.
3,440, 3,441, 3,442, 3,443. La gelée a fait éclater la
fonte, trop délicate en plusieurs endroits, et ré-
parée dès l'origine. Ces vases, avec leurs fines
bases de marbre de couleur, n'avaient pas, sans
doute, été destinés à une exposition en plein air.
Ils sont atteints certainement depuis longtemps,
et commencent à être menacés de destruction. J'ai
l'honneur de vous proposer de les faire rentrer
au Louvre, où nous les réparerons. Nous trouve-
rons aussi, à l'intérieur du Musée, dans la décora-
tion des escaliers ou des salles, un emploi très
heureux de ces beaux éléments d'ornementation
de style Louis XIV.
j'ai remarqué également, dans ce même bosquet
de la Rtihie, c'est-à-dire daus un enclos souvent
fermé et situé loin desparterres les plus fréquentés,
deux statues d'une très bonne fonte : un Gladia-
teur ai uue Vénus de Médicis. En ce moment ces
ligures ne souffrent p.is là où elles sont exposées,
mais elles sont digues d'être mises plus en évi-
dence... Nous possédons, dans nos magasins,
d'autres épreuves des mêmes bronzes, de beau-
coup inférieures en valeur à celles-ci et qui pour-
raient leur être substituées au grand avantage des
collections du Louvre, sans nuire à l'ordonnance
pittoresque du bosquet de la Reine. Je me borne
à vous signaler, à présent, l'existence de ces deux
brorizes, me réservaut, suivant les besoins de la
décoration des salles du Louvre, de vous proposer
plus tard l'échange désirable que je viens d'avoir
l'honneur de vous indiquer. Je formulerai en
même temps quelques vœux. Il y aurait, pour le
Musée de la sculpture moderne, grand iutérêt à
recueillir avant leur destruction complète, quel-
ques-uns des plus beaux ouvrages de marbre ou
de pierre exécutés pour Versailles. Certains mai-
tres éminents de notre école française du xvnc
siècle méritent que nous fassions pour eux ce que
nos prédécesseurs ont fait pour Pierre Puget.
Girardon, par exemple, dont nos salles ne possè-
dent rien d'important, adroit aussi à sa place au
Louvre. Dans quelques années, son chef-d'œuvre.
YEnlèvement de Proserpine, n'existera plus ; les
charmants bas-reliefs de la base sont déjà bien
attaqués. Une fonte en bronze, commandée pen-
dant qu'il en est temps encore, conserverait au
parc de Versailles, ce remarquable ornement, et
permettrait au Louvre, en abritant l'original dans
les galeries, de combler une lacune regrettable
dans la série des ouvrages de la sculpture
moderne.
Dans l'état où est le groupe de Girardon, son
exposition continuée en plein air équivaut à une
condamnation et semble indiquer que l'admini-
stration s'est résignée à le sacrifier. Si tel n'est
pas son sentiment. Caveant consules...\
{A suivre) Lotis Courajod.
LUS ARTISTES FRANÇAIS EN ITALIE
Le XVI* Siècle
{Suite. — Voir le n° précédent)
STATC.VIRES
Les noms de Jacques d'Augoulème, de Jean
Bologne, de Pierre de Francheville, de Nicolas
Bachelier, de Nicolas d'Arras et de Nicolas Cordier
sont trop connus pour que je m'arrête à retracer
la vie de ces maîtres. Il serait surtout difficile
d'ajouter des informations nouvelles à la biogra-
phie, du plus illustre d'entre eux, Jean Bologne,
après l'ouvrage si consciencieux et si brillant que
M. Desjardins vient de lui consacrer, véritable
monument élevé à la gloire d'un grand artiste
français dont, jusqu'à ces derniers temp-, la mé-
moire a été plus honorée dans sa patrie adoptive
que dans son pays natal.
Je me garderai bien également de loucher à un
de leurs confrères, maître Jauni ou Giau Francese,
(mentionné par Vasari èt par M. Dussieux), sachant
que notre savant collaborateur, M. de iMoutaiglon,
se propose de lui consacrer prochainement une
étude approfondie, pour l'illustration de laquelle
il a fait graver son Saint Roch, de Florence.
Voici, par contre, quelques noms qui ne sem-
blent pas avoir été relevés jusqu'ici :
« Magister Dominicus, alias Franzesinus, olim
dans un état repoussant de malpropreté, à cause
des mousses et des lichens que l'humidité des deux
dernières années a développés sur leur épiderme.
Cette malpropreté n'est pas seulement regrettable
au point de vue de la bonne tenue ordinaire de
nos jardins nationaux; elle est dangereuse pour
la conservation du bel ensemble de sculptures dé-
coratives que renferment les parcs de Versailles.
Vous n'ignorez pas, monsieur le directeur, que
si tant d'œuvres importantes nous sont parvenues
daus un état de conservation relativement aussi
complet, après de longues années d'exposition au
dehors, sous notre climat, c'est que. pendant l'an-
cien régime, il existait un service public qui fonc-
tionna près de cent ans, et était chargé de l'en-
tretien des statues des jardins royaux. Le maigre
budget de notre atelier du mouvement et de l'en-
tretien des statues, au Louvre, est loin de pou-
voir suffire aux exigences immédiates réclamées
par le nettoyage de toutes les figures signalées ci-
dessus. Cependant, je pense qu'il y aurait à ten-
ter un effort, dès que le beau temps permettra de
faire sortir le personnel de l'atelier, et j'estime
qu'il serait urgent de débarrasser, au plus tôt, de
la lèpre qui les rouge, les monuments les plus
attaqués. Je crois, en même temps, devoir vous
signaler le déplorable effet produit par l'abandon
absolu dans lequel est laissé le bosquet des Dômes.
C'est là une véritable souillure pour le parc de
Versailles; une tache qui s'étale à quelques pas
du tapis vert. Dans ce petit enclos, qui a l'air d'un
lieu maudit, les plaques de marbre sont éparses
sur le sol, au milieu des ronces et des hautes
herbes. Les statues, mutilées pour la plupart, sont
posées à terre et appuyées contre les piédestaux,
du haut desquels elles ont été renversées. Il est
indispensable de remédiera cet état de choses, et
je vous prie de vouloir bien faire faire les démar-
ches nécessaires auprès de l'administration com-
pétente, pour obtenir la réfection de ce petit en-
semble décoratif ou pour en provoquer la sup-
pression totale. Le statu quo ne saurait subsister.
Les bronzes des jardins ont naturellement beau-
coup moius souffert que la pierre ou le marbre.
Ils se trouvent dans un état qu'on peut déclarer
satisfaisant. Cependant, j'ai remarqué, dans le
bosquet de la Reine, qualres vases de bronze qui
sont très endommagés. Ils portent, sur notre In-
ventaire général de ta Restauration, les nos M. R.
3,440, 3,441, 3,442, 3,443. La gelée a fait éclater la
fonte, trop délicate en plusieurs endroits, et ré-
parée dès l'origine. Ces vases, avec leurs fines
bases de marbre de couleur, n'avaient pas, sans
doute, été destinés à une exposition en plein air.
Ils sont atteints certainement depuis longtemps,
et commencent à être menacés de destruction. J'ai
l'honneur de vous proposer de les faire rentrer
au Louvre, où nous les réparerons. Nous trouve-
rons aussi, à l'intérieur du Musée, dans la décora-
tion des escaliers ou des salles, un emploi très
heureux de ces beaux éléments d'ornementation
de style Louis XIV.
j'ai remarqué également, dans ce même bosquet
de la Rtihie, c'est-à-dire daus un enclos souvent
fermé et situé loin desparterres les plus fréquentés,
deux statues d'une très bonne fonte : un Gladia-
teur ai uue Vénus de Médicis. En ce moment ces
ligures ne souffrent p.is là où elles sont exposées,
mais elles sont digues d'être mises plus en évi-
dence... Nous possédons, dans nos magasins,
d'autres épreuves des mêmes bronzes, de beau-
coup inférieures en valeur à celles-ci et qui pour-
raient leur être substituées au grand avantage des
collections du Louvre, sans nuire à l'ordonnance
pittoresque du bosquet de la Reine. Je me borne
à vous signaler, à présent, l'existence de ces deux
brorizes, me réservaut, suivant les besoins de la
décoration des salles du Louvre, de vous proposer
plus tard l'échange désirable que je viens d'avoir
l'honneur de vous indiquer. Je formulerai en
même temps quelques vœux. Il y aurait, pour le
Musée de la sculpture moderne, grand iutérêt à
recueillir avant leur destruction complète, quel-
ques-uns des plus beaux ouvrages de marbre ou
de pierre exécutés pour Versailles. Certains mai-
tres éminents de notre école française du xvnc
siècle méritent que nous fassions pour eux ce que
nos prédécesseurs ont fait pour Pierre Puget.
Girardon, par exemple, dont nos salles ne possè-
dent rien d'important, adroit aussi à sa place au
Louvre. Dans quelques années, son chef-d'œuvre.
YEnlèvement de Proserpine, n'existera plus ; les
charmants bas-reliefs de la base sont déjà bien
attaqués. Une fonte en bronze, commandée pen-
dant qu'il en est temps encore, conserverait au
parc de Versailles, ce remarquable ornement, et
permettrait au Louvre, en abritant l'original dans
les galeries, de combler une lacune regrettable
dans la série des ouvrages de la sculpture
moderne.
Dans l'état où est le groupe de Girardon, son
exposition continuée en plein air équivaut à une
condamnation et semble indiquer que l'admini-
stration s'est résignée à le sacrifier. Si tel n'est
pas son sentiment. Caveant consules...\
{A suivre) Lotis Courajod.
LUS ARTISTES FRANÇAIS EN ITALIE
Le XVI* Siècle
{Suite. — Voir le n° précédent)
STATC.VIRES
Les noms de Jacques d'Augoulème, de Jean
Bologne, de Pierre de Francheville, de Nicolas
Bachelier, de Nicolas d'Arras et de Nicolas Cordier
sont trop connus pour que je m'arrête à retracer
la vie de ces maîtres. Il serait surtout difficile
d'ajouter des informations nouvelles à la biogra-
phie, du plus illustre d'entre eux, Jean Bologne,
après l'ouvrage si consciencieux et si brillant que
M. Desjardins vient de lui consacrer, véritable
monument élevé à la gloire d'un grand artiste
français dont, jusqu'à ces derniers temp-, la mé-
moire a été plus honorée dans sa patrie adoptive
que dans son pays natal.
Je me garderai bien également de loucher à un
de leurs confrères, maître Jauni ou Giau Francese,
(mentionné par Vasari èt par M. Dussieux), sachant
que notre savant collaborateur, M. de iMoutaiglon,
se propose de lui consacrer prochainement une
étude approfondie, pour l'illustration de laquelle
il a fait graver son Saint Roch, de Florence.
Voici, par contre, quelques noms qui ne sem-
blent pas avoir été relevés jusqu'ici :
« Magister Dominicus, alias Franzesinus, olim