ET DE LA CURIOSITÉ
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commis par le service d'architecture à Ver-
sailles est aux Triaaons rie sont pas répa-
rables, et, comme nous le disions au début,
la campagne des restaurations funestes aété
commencée par tous les points à la fois. Il
est vrai, la Commission a reculé d'horreur
devant les pavillons remis à neuf ; elle a
ordonné que les sphinx, dont nous avons
signalé la dénaiuration, seraient enlevés et
portés en magasin (c'est une dépense de
douze mille francs désavouée, perdue) ; mais,
mal guidée, elle n'a pas encore tout vu ; on
a derechef abusé de son ignorance; les
mascarons du Palais, soigneusement recou-
verts de toiles, ont été audaeieusement sous-
traits à son examen. Aussi regrettons-nous
vivement qu'aucun, rapport ne clôture les
opérations de la Commission et n'établisse,
pour l'avenir la position nette de la question.
L'avenir, pour notre part, nous trouvera
dorénavant, attentifs et nous nous engageons
à. renouveler périodiquement une euqtuH«
qui a amené les meilleurs et les plus com-
plets résultats.
Les Fragoiiard de Grasse
Nous avons parlé à maintes reprises des pein-
tures de Kragonard conservées à Grasse, et leur
existence n'était un mystère pour aucun connais-
seur. Elle viennent d'être acquises le 8 février,
de M. M al vilain, leur propriétaire, par un mar-
chand anglais, M. Ch. Wertheimer, qui les a.
payées un mil ion deux cent cinquante mille-
francs. Rappelons brièvement leur histoire,
déjà racontée dans la (ïazette (').
Lorsque Kragonard s'enfuit de Paris en 178!),
il emporta quatre ouvrages qui, d'abord destinés
au château de Mm» du Barry, à Louvecionnes,
pour lequel l'artiste avait déjà dessiné quatre
dessus de porte, étaient, pour des raisons jus-
qu'ici peu cjnnues, restées pour compte à l'ar-
tiste. Le fugitif adapta ces quatre compositions
aux murs du grand salon, au rez-de-chaussée de
la maison qu'il habitait à Grasse, et ajouta à la.
série un cinquièmesujet. Les pointures, exécutées
sur toile et tendues sans cadre sur les cloisons
de bois qui garnissent la pièce, mesurent 3,'"50 de
hauteur sur 2,"' :0 à ->,mhO et sont complétées par
des dessus de porte correspondants.
Les sujets sont de ces thèmes amoureux si fa-
miliers à l'artiste et pourraient s'appeler : La
Surprise, La Poursuite, Les Souvenirs, L'Amant
couronné, L'Abandon. Ce fut le dernier travail
important de Kragonard et une de ses maîtresses
œuvres.
Il est. certain que ces compositions ne feront
nulle part un si heureux effet que dans l'apparte-
ment silenci eux où elles é taient demeurées et où tou I,
tapis, consoles, chaises, chaises longues, tabou-
rets, etc., datait de l'époque. Nous ne pouvons
dissimuler, malgré l'énormité du prix qui confine
à l'aberration, notre déplaisir de voir passer en
mains étrangères ces fragiles chefs-d'œuvre.
Rappelons que les peintures de Grasse ont été
gravées par besboutin; des copies vont être fai-
tes avant le transport en Angleterre.
Quelques Meubles du Château de Versailles
AU MUSÉE DE BERLIN
M. le Dr Lessing, directeur du Musée d'Art dé-
coratif de Berlin, trouva aux environs de Hano-
vre, il y a deux ans, quelques meubles remaïqua-
bles du xvni» siècle, dont certains portaient des
étiquettes anciennes avec l'inscription : Boudoir
de la reine, à Versailles. Le fait fut annoncé
alors par la Chronique (1).
M. Lessing vient de publier ces objets dans le
vingt et unième fascicule du Recueil de modèles
tirés du Musée d'Art décoratif do Berlin. Nous
allons résumer brièvement son arlicl j, en faisanI.
quelques réserves au sujet d'une hypothèse qui
s'y trouve formulée.
Ces meubles furent vendus, comme tous ceux
du château de Versailles, en 1798 1794. Ils arrivè-
rent entre les mains du propriétaire do l'hôtel
Schrœder, à Ryrmont, où la reine Louise de
Prusse aurait habité en 1797 et en 18UC. Plus tard,
les propriétaires do cet hôtel quittèrent Pyrmonl
et allèrent s'établir près de Hanovre, emportant
leurs meubles anciens à cause des souvenirs qui
s'y rattachaient. M. Lessing a trouvé chez leurs
descendants trois fauteuils, une chaise, un écran
et la garniture d'un grand canapé.
Les bois do ces meubles sont d'une exécution
remarquable. Les pieds des fauteuils sont formés
de faisceaux de flèches, entourés de rubans; fes
accoudoirs, terminés par des têtes de king-char-
les, sont supportés par des colonnes torses quj
reposent sur le dos de sphinx ailés. Dans le cou-
ronnement du dossier, orné de cornes d'abon-
dance, on remarque les tètes du coq gaulois et de
l'aigle autrichienne. Ces bois portentla marque de
l'ébéniste Georges Jacob, qui fut reçu maître en
1765, et dont quelques œuvres importantes, com-
parables à celles qu'a recueillies le Musée de Ber-
lin, sont conservées au palais de Kontainchleau et
dans la collection du comte Gretfûlhe.
La garniture de ces meubles se compose de soie;
lilas clair, sur laquelle sont brodées des guir-
landes de feuillages et de fleurs, avec do petits
sujets chinois. Elle est très bien conservée, et
d'un ton délicieux.
D'après leur style, ces objets ne doivent pas être
antérieurs à 1780..
M. Lessing serait porté à croire qu'ils ornaient
autrefois, à Versailles, le salon connu sous le
nom de Cabinet doré de la Reine, dont les boise-
ries ornées de sphinx sont en effet de la même
époque, comme le prouvent des documents dé-
couverts par M. de Nolhac. Pour nous, cette sup-
position doit être écartée. Les sièges, portent la
mention : boudoir de la Reine; or,, lo boudoir,
d'après les anciens plans, c'est la petite pièce ap-
pelée aussi la Méridienne, construite par Miquo
eu 1781. C'est donc, à notre avis, dans ce char-
mant cabinet qu'ont dû jadis être placés les meu-
bles trouvés par M. le Dr Lessing.
•lean-,1. Mabquet de VaSsElot.
(1) l"pér.,t. sxni,p. 18'Jet2'pér., t.xxxir, p.481.
(1) Voir le numéro du 7 mars 1895, p. 66.
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commis par le service d'architecture à Ver-
sailles est aux Triaaons rie sont pas répa-
rables, et, comme nous le disions au début,
la campagne des restaurations funestes aété
commencée par tous les points à la fois. Il
est vrai, la Commission a reculé d'horreur
devant les pavillons remis à neuf ; elle a
ordonné que les sphinx, dont nous avons
signalé la dénaiuration, seraient enlevés et
portés en magasin (c'est une dépense de
douze mille francs désavouée, perdue) ; mais,
mal guidée, elle n'a pas encore tout vu ; on
a derechef abusé de son ignorance; les
mascarons du Palais, soigneusement recou-
verts de toiles, ont été audaeieusement sous-
traits à son examen. Aussi regrettons-nous
vivement qu'aucun, rapport ne clôture les
opérations de la Commission et n'établisse,
pour l'avenir la position nette de la question.
L'avenir, pour notre part, nous trouvera
dorénavant, attentifs et nous nous engageons
à. renouveler périodiquement une euqtuH«
qui a amené les meilleurs et les plus com-
plets résultats.
Les Fragoiiard de Grasse
Nous avons parlé à maintes reprises des pein-
tures de Kragonard conservées à Grasse, et leur
existence n'était un mystère pour aucun connais-
seur. Elle viennent d'être acquises le 8 février,
de M. M al vilain, leur propriétaire, par un mar-
chand anglais, M. Ch. Wertheimer, qui les a.
payées un mil ion deux cent cinquante mille-
francs. Rappelons brièvement leur histoire,
déjà racontée dans la (ïazette (').
Lorsque Kragonard s'enfuit de Paris en 178!),
il emporta quatre ouvrages qui, d'abord destinés
au château de Mm» du Barry, à Louvecionnes,
pour lequel l'artiste avait déjà dessiné quatre
dessus de porte, étaient, pour des raisons jus-
qu'ici peu cjnnues, restées pour compte à l'ar-
tiste. Le fugitif adapta ces quatre compositions
aux murs du grand salon, au rez-de-chaussée de
la maison qu'il habitait à Grasse, et ajouta à la.
série un cinquièmesujet. Les pointures, exécutées
sur toile et tendues sans cadre sur les cloisons
de bois qui garnissent la pièce, mesurent 3,'"50 de
hauteur sur 2,"' :0 à ->,mhO et sont complétées par
des dessus de porte correspondants.
Les sujets sont de ces thèmes amoureux si fa-
miliers à l'artiste et pourraient s'appeler : La
Surprise, La Poursuite, Les Souvenirs, L'Amant
couronné, L'Abandon. Ce fut le dernier travail
important de Kragonard et une de ses maîtresses
œuvres.
Il est. certain que ces compositions ne feront
nulle part un si heureux effet que dans l'apparte-
ment silenci eux où elles é taient demeurées et où tou I,
tapis, consoles, chaises, chaises longues, tabou-
rets, etc., datait de l'époque. Nous ne pouvons
dissimuler, malgré l'énormité du prix qui confine
à l'aberration, notre déplaisir de voir passer en
mains étrangères ces fragiles chefs-d'œuvre.
Rappelons que les peintures de Grasse ont été
gravées par besboutin; des copies vont être fai-
tes avant le transport en Angleterre.
Quelques Meubles du Château de Versailles
AU MUSÉE DE BERLIN
M. le Dr Lessing, directeur du Musée d'Art dé-
coratif de Berlin, trouva aux environs de Hano-
vre, il y a deux ans, quelques meubles remaïqua-
bles du xvni» siècle, dont certains portaient des
étiquettes anciennes avec l'inscription : Boudoir
de la reine, à Versailles. Le fait fut annoncé
alors par la Chronique (1).
M. Lessing vient de publier ces objets dans le
vingt et unième fascicule du Recueil de modèles
tirés du Musée d'Art décoratif do Berlin. Nous
allons résumer brièvement son arlicl j, en faisanI.
quelques réserves au sujet d'une hypothèse qui
s'y trouve formulée.
Ces meubles furent vendus, comme tous ceux
du château de Versailles, en 1798 1794. Ils arrivè-
rent entre les mains du propriétaire do l'hôtel
Schrœder, à Ryrmont, où la reine Louise de
Prusse aurait habité en 1797 et en 18UC. Plus tard,
les propriétaires do cet hôtel quittèrent Pyrmonl
et allèrent s'établir près de Hanovre, emportant
leurs meubles anciens à cause des souvenirs qui
s'y rattachaient. M. Lessing a trouvé chez leurs
descendants trois fauteuils, une chaise, un écran
et la garniture d'un grand canapé.
Les bois do ces meubles sont d'une exécution
remarquable. Les pieds des fauteuils sont formés
de faisceaux de flèches, entourés de rubans; fes
accoudoirs, terminés par des têtes de king-char-
les, sont supportés par des colonnes torses quj
reposent sur le dos de sphinx ailés. Dans le cou-
ronnement du dossier, orné de cornes d'abon-
dance, on remarque les tètes du coq gaulois et de
l'aigle autrichienne. Ces bois portentla marque de
l'ébéniste Georges Jacob, qui fut reçu maître en
1765, et dont quelques œuvres importantes, com-
parables à celles qu'a recueillies le Musée de Ber-
lin, sont conservées au palais de Kontainchleau et
dans la collection du comte Gretfûlhe.
La garniture de ces meubles se compose de soie;
lilas clair, sur laquelle sont brodées des guir-
landes de feuillages et de fleurs, avec do petits
sujets chinois. Elle est très bien conservée, et
d'un ton délicieux.
D'après leur style, ces objets ne doivent pas être
antérieurs à 1780..
M. Lessing serait porté à croire qu'ils ornaient
autrefois, à Versailles, le salon connu sous le
nom de Cabinet doré de la Reine, dont les boise-
ries ornées de sphinx sont en effet de la même
époque, comme le prouvent des documents dé-
couverts par M. de Nolhac. Pour nous, cette sup-
position doit être écartée. Les sièges, portent la
mention : boudoir de la Reine; or,, lo boudoir,
d'après les anciens plans, c'est la petite pièce ap-
pelée aussi la Méridienne, construite par Miquo
eu 1781. C'est donc, à notre avis, dans ce char-
mant cabinet qu'ont dû jadis être placés les meu-
bles trouvés par M. le Dr Lessing.
•lean-,1. Mabquet de VaSsElot.
(1) l"pér.,t. sxni,p. 18'Jet2'pér., t.xxxir, p.481.
(1) Voir le numéro du 7 mars 1895, p. 66.