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La chronique des arts et de la curiosité — 1910

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Nr. 16 (16 Avril)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19767#0134
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124

.LA CHRONIQUE DES ARTS

M. René Ménard etM. Raoul Ulmann, M. Albert Bes-
nard appartient au groupe de la Société Nouvelle ;
la contribution prépondérante de ses membres
attribue à ce Salon un de ses caractères distinc-
tifs. A un court intervalle la latitude est laissée de
retrouver maint artiste dont le crédit s’affirme
hors du bruit et des contestations. Pour M.
Charles Cottet et M. Lucien Simon, le secret de
cette préférence unanime tient aux voies qu’em-
prunte, pour se satisfaire, un amour du pittores-
que romantique et réaliste à la fois; ils se sont
formés tous deux à l’école du passé; ils ont les
yeux ouverts autant sur les tableaux des musées
que sur la campagne et sur la vie; en vertu
d'une transposition involontaire, spontanée, les épi-
sodes de l’existence contemporaine revêtent dans
leurs toiles l’allure et le style qu’ils prendraient
sous les pinceaux d’un maître disparu. Alphonse
Legros n’eût pas peint la Cérémonie dans la ca-
thédrale de Burgos autrement que nous la repré-
sente M. Charles Cottet. Pour le Bain des Bigou-
dines, c’est bien à notre gré un des meilleurs
ouvrages de M. Lucien Simon; la qualité de son
goût et l'étendue de son savoir s’y laissent mesu-
rer; pris en soi et examiné isolément, le tableau
s’impose; cependant vous n’y trouverez ni l’âpreté
grave, ni l’originalité, ni la jeunesse d’aspect
qu’offre l’interprétation antérieure du même sujet
par Paul Gauguin.

Le contact direct, permanent, aveclanature garan-
tit mieux les paysagistes contre ces regards rétros-
pectifs et inconscients. Certains, comme M. Le Sida-
ner, s’obligent à changer d’horizons afin de prévenir
les redites; ainsi succèdent aux souvenirs de
Venise et du lac Majeur une série de Nuits de
Paris, des vues du boulevard, de la place, du quai,
du faubourg, où rien ne se voit, où tout se devine,
sous le voile des ténèbres, aux lueurs tremblo-
tantes des réverbères qui constellent l’ombre vio-
lette. — L’iclée de grandeur, M. André Dauchezla
suggère par le simple décor d’un rideau de pins
espacés sur la grève. — Henri et Marie Duhem ne
se lassent pas d’être fidèles au vieux pays fla-
mand; ils y vivent pour se mieux recueillir,
comme vit àOrthez l’admirable Francis Jammes; de
leur communion fervente avec la terre ancestrale,
ils tirent le texte d’un art pur, franc, tout pénétré
de saveur locale : dans leur peinture, comme dans
les portraits de Mlle de Boznanska, on sent inté-
gral le don, l’abandon de soi-même. Rare et pré-
cieuse aventure, en vérité !

A constater la faillite de tant d’espérances, l’étroi-
tesse de tant de formules, on se demande si l’iso-
lement n’offre pas à la sincérité un port de salut,
un sûr refuge. L’exercice d’un art personnel, réflé-
chi, s’accommode mal de la hâte, des fièvres et du
trouble où jette la vie à Paris ; du moins faut-il, à qui
veut réagir contre les contingences, lafaculté de ren-
trer en soi-même et de s’abstraire; elle n’est pas dé-
volue à tous ; pour un François Guiguet qui la pos-
sède et dont l’ingénuité demeure indemne, dont la
subtilité s’aiguise et la volonté se fortifie sans
arrêt, combien d'autres s’abîment et se profanent
lamentablement? Vaut-il pas mieux se dérober par
la retraite aux risques de déchéance? Certains
surent s’y résoudre ; d’un hameau perdu au fond
des Basses-Alpes, M. Eugène Martel envoie les effi-
gies véridiques des pauvres hères dont il par-
tage l’existence, et c’est à Saint-Germain-en-Laye
que s'élabore l’œuvre aimé de M. Maurice Denis.

Je ne serais pas surpris que l’on tirât ar-
gument du contraste des sujets pour célébrer,
de façon peut-être exclusive, l’abondance géné-
reuse de son imagination; de fait, M. Maurice
Denis intervient cette fois comme peintre de
nu et comme peintre religieux, comme peintre
du mythe et de l’histoire ; cette souple di-
versité d’un idéalisme tour à tour grave ou
souriant n’a pas plus de prix à nos yeux que
l’unité de l’émotion et l’appropriation opportune
des moyens à la fin ; le poète délicieux, le croyant
fervent, ne cesse pas d’interpréter en peintre les
symboles de sa foi, les conceptions de son rêve ;
les ouvrages de M. Maurice Denis acquièrent par
là même leur caractère de plénitude et la vertu de
grâces plus efficaces; on y sent l’expression de
la pensée régie par l’esprit critique qui arrête le
choix des lignes, des tons, des volumes et varie
l’ordonnance selon la nature de chaque Ihème.

Dans la Communion de Jeanne d’Arc, l’absence
de fond, le groupement compact des personnages
qui occupent tout le champ de la toile, feront
l’image semblable d’aspect à la miniature de quel-
que vieux missel; tout à l’opposé, une alternance
savamment rythmée essaime, le long de la grève où
la mer déferle, les baigneuses nues, qui hâtent le
pas à demi-transies et lentement se revêtent aux
chaudes clartés du soleil ; à côté de ce poème ra-
dieux de la chair, voici une vision d’opéra : une
futaie aux troncs argentés, que peuplent des for-
mes blanches, un paysage élyséen baigné de pâ-
les effluves parmi lequel s’avance craintif et ravi
l’amant d’Eurydice ; enfin, au cmcher du soleil,
sur la côte qui domine la nappe d’or de l’Océan im-
mense, dans une pénombre favorable à l’évocation
du mystère, le Sauveur laisse venir à lui les en-
fants du peintre, leur parle, les réconforte, sous
le regard de Maurice Denis présent à la scène, le
visage recueilli, les mains jointes... On se repro-
che de parler avec précipitation d’œuvres d’une telle
portée. Je n’en sais pas de plus nobles et de plus
touchantes ; alentour, tout semble artificiel et
vain, tant cette peinture est « en profondeur »,
tant l’habileté de pratique en est bannie ; et c'est
peut-être parce qu’elle se présente sous des dehors
simples qu’elle trouve plus sûrement le chemin
de la sympathie, et que l’art devient, avec M.
Maurice Denis, un moyen de communion univer-
selle, le verbe sublime de l’émotion et delà pensée?

R. M.

Institut de France

Séance trimestrielle (6 avril)

Sur le rapport de M. Etienne Lamy, au nom de
la commission administrative centrale, l'Institut
a accepté différents legs en nue propriété montant
ensemble à environ 1.900.0’00 francs, qui ont été
faits en sa faveur par M. Dulac et dont l'un a pour
but de faire exécuter dans les églises par des
artistes désignés par l’Académie des Beaux-Arts
des peintures, sculptures, etc.

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