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La chronique des arts et de la curiosité — 1922

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Nr. 14 (15 Août)
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https://doi.org/10.11588/diglit.25682#0122
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CHRONIQUE DES ARTS

11 o

CORRESPONDANCE DE BELGIQUE

Le Salon triennal de Gand

La ville de Gand, reprenant une tradition inter-
rompue par la guerre, mais qui date du xvme siècle,
vient d'ouvrir pour deux mois une fort intéres-
sante exposition des Beaux-Arts. Comme elle le fut
au xixe siècle pour les Courbet et les Manet, qui
triomphèrent très tôt à Gand, alors que Paris les
combattait encore, la Triennale, une fois déplus, s’est
montrée largement accueillante à la participation étran-
gère et notamment à notre jeune école française (i).

Des quatre sections qui composent l’exposition :
section rétrospective, section d’art monumental, section
belge, section étrangère, cette dernière paraît bien être
l’une des plus remarquables, grâce, nous sommes
heureux de le constater, à la qualité tout à fait parti-
ticulière de ses toiles françaises et à l’ensemble très
cohérent et très logique que constituent celles-ci. Nous
avons là, lumineusement expliquée par des œuvres
souvent les plus caractéristiques de l’artiste, condensée
en i$o numéros environ, l’évolution de notre peinture
pendant ces dernières années.

Une science sûre, une vision éclairée, où se recon-
naît l’heureuse influence de M. Hulin de Loo, a chois1
pour nous parmi les innombrables peintres qui se
pressent à tous nos Salons,, aux Indépendants aussi
bien qu’aux Champs-Elysées, les plus personnels, les
mieux doués, les plus chercheurs ou les plus probes, et
dans l’œuvre de ces peintres les toiles les mieux
venues. Dans cette section presque point de ces pein-
tures où l’artiste n’a mis que son procédé et non son
âme et que le maître Gustave Moreau désignait à ses
élèves de ce joli nom de « sommeils ». C’est une
heureuse surprise et une joie de trouver réunies, allé-
gées de toutes les non-valeurs, tant d’œuvres vibrantes
et chantantes.

Comme point de départ, deux remarquables pastels
de Degas qui expriment magistralement tout le carac-
tère du maître : l’un {Femme se coiffant) réaliste, vivant,
précis et simplifié, l’autre {Deux danseuses) tout soulevé
de lyrisme et d’entrain coloré. Un Portrait de femme
de Renoir, par comparaison, paraît bien ordinaire et
semble montré là pour justifier la distance que le
temps, de plus en plus, marque entre les deux artistes.
Puis c’est le beau groupe de MM. Besnard, Simon,
Cottet, Lebourg, très bien représentés ici ; et, après
cette préface glorieuse, l’air et la jeunesse, le soleil
et l’audace semblent pénétrer par cette Fenêtre
ouverte de M. Bonnard, étonnante impression de
chaleur et de lumière papillotante et vibrante avec
des délicatesses de jaunes, d’oranges, de bleus et de
violets bien faits poijg réjouir les yeux au pays de
Rubens et de Van Dyck. C’est aussi un Paysage pro-
vençal de M. Jules Flandrin, où une maison rose
flamboie au soleil tandis que l’ombre se colore délica-
tement sur une vasque et que la lumière miroite sur
une table au premier plan ; deux Lebasque, l’un de
1912, Sous les mimosas, tout léger, compliqué et char-
mant, l’autre, Jeune fille sur une terrasse, calme et

(1) Sur ce salon triennal de Gand voir le numéro
spécial de la revue « Gand artistique » avec nombreuses
reproductions.

simple, traité par grandes masses montrant bien l’évo-
lution de l’artiste vers une évidente recherche du style.
Les charmantes et fraîches Fillettes au bain de M. G.
d’Espagnat sont peut-être le chef d’œuvre du peintre.
Un Nu de M. Ottmann, à la peau lumineuse, souple et
chaude, s’oppose au beau Marquet, Nu au coussin jaune,
vision âprement véridique d’un corps jeune encore, mais
déjà fatigué et flétri, morceau magistral où l’artiste a mis
toute sa force et tout son talent, toile la plus parfaite
peut-être de tout le Salon. Puis nous touchons aveç
M. Dufresne et sâ somptueuse Nature morte aux con-
fins du cubisme qui influença tant de peintres : tels
M. Zingg dont le Labour solidement construit montre
un style remarquable, M. Sabbagh et son Violon-
celliste, M. Barat-Levraux et son Concert, M. Camoin
et sa charmante Tête de 'jeune fille avec de lointaines
réminiscences de Fantin-Latour, M. Asselin et son
Portiait pénétrant et simple, d’une belle facture puis-
sante et lumineuse.

Plusieurs artistes figurent aussi dans cette section
bien qu’ils ne soient pas, croyons-nous, de natio-
nalité française ; mais c’est à Paris qu’ils travail-
lent, à nos Salons qu’ils exposent : Mm° Olga de
Bosnanska avec deux portraits attachants, où les tons
effacés et la simplification du détail aident si bien à la
puissance de l’expression, Miss Béatrice How et ses
délicieux bébés, M. Fo.ujita et sa délicate Nature morte,
M,ne Mêla Muter avec un Portrait d'homme d’une
magistrale brutalité, M. Jacovlev et son intéressante
Boucherie à Pékin.

Il faudrait encore s’arrêter devant les Maurice
Denis, ou les Henri Martin, et tant d’autres toiles inté-
ressantes. Notons seulement combien une grande
figure à effet de M. Van Dongen semble, dans un tel
milieu, superficielle et vide ; déplorons qu’un Nu de
M. Henri Matisse, dénotant un rare talent, reste cepen-
dant gâté par de si graves imperfections. Plusieurs
jeunes peintres fort doués ne figurent malheureuse-
ment pas à Gand et ceci malgré leur désir et les
démarches pressantes des organisateurs: le marchand
qui détient leurs œuvres refusa de les montrer ici, vou-
lant choisir le moment de les jeter sur le marché. Le
fait ouvre un jour curieux sur les bas trafics qui
s’organisent sous le couvert de l’art et sur la façon
dont on lance actuellement tel ou tel artiste : espérons
que le public prévenu saura mieux se défendre.

La sculpture française est aussi bien représentée:
on y remarque surtout le beau buste du Dr Koeberlé
par M. Bourdelle et le Buste aux deux mains de
M. Joseph Bernard, deux œuvres de premier ordre dans
des tendances si diverses, une charmante et fraîche
Jeunesse de Mme Yvonne Serruys que la Gazette repro-
duisait naguère (1), de simples figures des.Petits bergers
bretons de M. Quillivic.

Après une section anglaise où nous notons, surtout,
à côté des envois de MM. Roger Fry, Nicholson,
Lavery, les curieuses scènes religieuses de M. Sims, et
une section hollandaise presque uniquement réduiteaux
toiles étranges de M. Sluyters, nous arrivons aux
rétrospectives belges qui mériteraient chacune des
études séparées. Rétrospective de Jean Delvin (185 3-

(1) V. Gazette des Beaux-Arts, 1921, t. Il, p. 349.
 
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