CHASSE D'AÎX-LA CHAPELLE.
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l'inépuisable diversité des compartiments presque toujours heureusement combinés; et ies
cabochons, les perles richement enchâssées vous sourient au milieu des filigranes comme des
fleurs au milieu du feuillage. Auprès de ces riches détails les lignes trop unies des principaux
profils auraient pu paraître monotones, mais elles se couvrent de crêtes à jour où se déploie
une végétation élégante et forte ; enfin sur les sommets des pignons et de distance en distance
sur le faîtage s'élèvent, supportées par des branches fleuries, des pommes où il me semble
voir les plus beaux résultats que l'art du filigraniste ait jamais atteints.
Je sens parfaitement combien des descriptions sont impuissantes à donner seules une idée
juste des effets d'art que l'œil n'aurait jamais vus; heureusement il m'a été possible de recourir
à un procédé plus efficace. Outre la gravure ( Planche 111 ) qui rend compte des crêtes fleu-
ronnées et des estampages servant de bordures, la lithographie en couleurs nous a fourni des
représentations plus vraies. La Planche IY, qui reproduit un des petits côtés de la châsse,
rend assez bien l'effet général. Dans les Planches Y et Y1 les pommes de faîtage sont peintes
de grandeur naturelle et avec toute la fidélité possible. La pomme à facettes de la Planche Y
est celle du centre de la croix. Les Planches YÏI et YIIl reproduisent les émaux des plates-
bandes, et la Planche IX ceux qui forment les nimbes des apôtres ou qui décorent les
petits pignons et la corniche. Tous ces émaux sont de ceux que l'on appelle cloisonnés,
c'est à dire où les couleurs à teinte plate sont séparées par des filets dorés que l'on a disposés
en compartiments sur le fond de métal, à la différence des émaux champlevés, que l'on
nuançait dans des compartiments creusés. L'ancien système *, qui prévalut au treizième siècle,
est le plus simple, et, à parler en général, c'est celui qui produit le plus d'effet. En ouvrant
dans le métal la place de l'émail on se condamnait à de trop larges séparations entre ies
couleurs ; en les nuançant dans chaque compartiment on avait pour résultat ordinaire
quelque confusion dans l'ensemble. Ici, au contraire, la franchise du ton des couleurs ajoute
à leur éclat en même temps que l'extrême délicatesse des résilles dorées rapproche les
teintes, et leur permet, grâce à la petite dimension des cases cloisonnées, de se fondre har-
monieusement en parvenant à l'œil. En un mot ces filets d'or de la peinture en émail ré-
pondent complètement aux rubans de plomb de la grande peinture sur verre. Il n'est pas de
système de compartiments dans les mosaïques ou même dans la charpente générale des ver-
rières de style primitif qui ne se retrouve ici ; et, comme le système est le même, les effets se
ressemblent. Une même physionomie décèle le génie d'un même art, d'un art savant autant
qu'inspiré.
Cependant cette décoration, toute riche qu'elle était des plus beaux produits du monde ina-
nimé, serait demeurée loin de l'idéal chrétien si elle avait été autre chose qu'un vaste cadre
* M. Jules Labarte, qui, après M. l'abbé Texicr, a publié de depuis l'impression de son ouvrage, que la couronne de Mon/a
précieux renseignements sur les émaux dans la belle descrip- est ornée d'émaux cloisonnés. Nous les voyons aussi dominer
tion de sa galerie (Co^ccaoH a vérifié, sur les riches couvertures de plusieurs manuscrits carlovingiens. *
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l'inépuisable diversité des compartiments presque toujours heureusement combinés; et ies
cabochons, les perles richement enchâssées vous sourient au milieu des filigranes comme des
fleurs au milieu du feuillage. Auprès de ces riches détails les lignes trop unies des principaux
profils auraient pu paraître monotones, mais elles se couvrent de crêtes à jour où se déploie
une végétation élégante et forte ; enfin sur les sommets des pignons et de distance en distance
sur le faîtage s'élèvent, supportées par des branches fleuries, des pommes où il me semble
voir les plus beaux résultats que l'art du filigraniste ait jamais atteints.
Je sens parfaitement combien des descriptions sont impuissantes à donner seules une idée
juste des effets d'art que l'œil n'aurait jamais vus; heureusement il m'a été possible de recourir
à un procédé plus efficace. Outre la gravure ( Planche 111 ) qui rend compte des crêtes fleu-
ronnées et des estampages servant de bordures, la lithographie en couleurs nous a fourni des
représentations plus vraies. La Planche IY, qui reproduit un des petits côtés de la châsse,
rend assez bien l'effet général. Dans les Planches Y et Y1 les pommes de faîtage sont peintes
de grandeur naturelle et avec toute la fidélité possible. La pomme à facettes de la Planche Y
est celle du centre de la croix. Les Planches YÏI et YIIl reproduisent les émaux des plates-
bandes, et la Planche IX ceux qui forment les nimbes des apôtres ou qui décorent les
petits pignons et la corniche. Tous ces émaux sont de ceux que l'on appelle cloisonnés,
c'est à dire où les couleurs à teinte plate sont séparées par des filets dorés que l'on a disposés
en compartiments sur le fond de métal, à la différence des émaux champlevés, que l'on
nuançait dans des compartiments creusés. L'ancien système *, qui prévalut au treizième siècle,
est le plus simple, et, à parler en général, c'est celui qui produit le plus d'effet. En ouvrant
dans le métal la place de l'émail on se condamnait à de trop larges séparations entre ies
couleurs ; en les nuançant dans chaque compartiment on avait pour résultat ordinaire
quelque confusion dans l'ensemble. Ici, au contraire, la franchise du ton des couleurs ajoute
à leur éclat en même temps que l'extrême délicatesse des résilles dorées rapproche les
teintes, et leur permet, grâce à la petite dimension des cases cloisonnées, de se fondre har-
monieusement en parvenant à l'œil. En un mot ces filets d'or de la peinture en émail ré-
pondent complètement aux rubans de plomb de la grande peinture sur verre. Il n'est pas de
système de compartiments dans les mosaïques ou même dans la charpente générale des ver-
rières de style primitif qui ne se retrouve ici ; et, comme le système est le même, les effets se
ressemblent. Une même physionomie décèle le génie d'un même art, d'un art savant autant
qu'inspiré.
Cependant cette décoration, toute riche qu'elle était des plus beaux produits du monde ina-
nimé, serait demeurée loin de l'idéal chrétien si elle avait été autre chose qu'un vaste cadre
* M. Jules Labarte, qui, après M. l'abbé Texicr, a publié de depuis l'impression de son ouvrage, que la couronne de Mon/a
précieux renseignements sur les émaux dans la belle descrip- est ornée d'émaux cloisonnés. Nous les voyons aussi dominer
tion de sa galerie (Co^ccaoH a vérifié, sur les riches couvertures de plusieurs manuscrits carlovingiens. *
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