160
MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
les oreilles pour éviter les charmes de l’enchanteur h Cet animal, dans l’art du moyen âge,
a plusieurs fois des ailes avec des pattes et un cou d’oiseau1 2. Mais figure-t-il réellement
ici comme bouchant ses oreilles? Il semble que non; et ce serait une instruction
pour le fidèle, qui doit savoir être sourd aux accents dangereux. D’ailleurs,
l’Écriture parle souvent du funeste venin de l’aspic 3, et répète à diverses reprises
qu’il y a des lèvres humaines aussi empoisonnées que celles du terrible reptile 4.
Avis au spectateur pour ne pas se laisser prendre par le chant des sirènes, et se
tenir près du Maître souverain 5, qui seul nous fera fouler aux pieds aspic ou basilic
(Ps. xc, 13).
Une distraction du P. Martin dans le groupe suivant (S, p. 159) a besoin d’être corrigée
par la photographie (A 6). Entre ces deux hommes qui se prennent aux cheveux, il faut
supposer un tablier de jeu ou échiquier, sur lequel trois dés annoncent qu’on avait débuté
naguère comme d’assez bons amis. L’intérêt s’en mêlant, on en est venu à la colère
et aux coups. La verrière de Bourges qui représente l’Enfant prodigue6 nous montre ce
malheureux jouant ses dernières hardes dans une cave ou taverne souterraine, préci-
sément avec le costume simplifié de nos deux partners strasbourgeois; et des Allemands
sont fort suspects d’avoir réuni en un même plaisir le tripot et les consolations du
cabaret. Cela se traduirait donc par les mauvaises compagnies et la passion du gain
dans les jeux de hasard; pièges qui se mêlent à ceux delà luxure vagabonde provoquant
elle-même sa subversion par la recherche du péril.
Toutefois, comme le chemin le plus glissant est bien celui des relations entre les
deux sexes, nous reverrons de plus belle les centauresses et les sirènes avec appli-
cation indubitable à l’espèce humaine. On commence par le chien (groupe T, p. 161) que
le tambourin fait danser quasi malgré lui. L’air piteux du pauvre danseur, et la corde
qu’on lui tient passée au cou durant cet exercice agréable, font bien voir que sa
volonté ne s’v porte qu’à demi ; et la musicienne lui montre un visage qui signifie
clairement qu’elle se sent maîtresse. Cela ne rappellerait-il pas la leçon des Proverbes,
répétée par saint Pierre 7 ? « Le pourceau lavé revient à sa souille, et le chien retourne
à ce qu’il avait vomi ; ainsi en est-il de l’écervelé qui renouvelle sa sottise. » — Puis-
1. Ps. lvii, 5, sq. «Furor illis secundum similitudinem
» serpenlis: sicut aspidis surdæ el obluranlis aures suas,
» quæ non exaudiet vocem incantantium, et veuefici
» incantanlis sapienter. »
2. Cf. Mélanges, Ire série, t. H, p. 71, sv. Dansles minia-
tures moralisées (avec sermon), l’aspic n’a pas d’ailes;
mais il n’en vole pas moins, en vertu de je ne sais quelle
propriété que lui accorde le peintre des mustoiles. l.e
P. A. Martin l’avait gravé, mais l'effaça ensuite pour faire
place à d’autres planches.
3. Deuter. xxxii, 33: «Venenum aspidum insanabile. »
Cf. Job. xx, il\. — Isai. lix, 5 ; etc.
l\. Ps. xni, 3: «Venenum aspidum sub labiis eorum. »
Cf. Ps. cxxxix, d ; Rom. ni, 13.
5. C’est pourquoi saint Augustin disait (in psalm. cxxm;
Opp. t. IV, p. /i09) : « Venantes erant persequentes, et
» posuerunf escam in muscipula. Quam escam ? Dulcedi-
» nem vifæ hujus; ut unusquisque propter dulcedinem
» hujus vitæ, mittat capul in nequitiam, et muscipula com-
» primatur... Quia in ipsa anima Dominus erat; ideo sicut
» passer eruta est anima de muscipula venantium. Quarc
» sicut passer? Quia incauta ceciderat sicut passer... 0
» passer instabilis, fige potius pedes in petra; noli ire ad
» muscipulam. Caperis, consumeris, obtereris. Sit in te
» Dominus, et de majoribus minis eruet te de muscipula
>) venantium. Quo modo si videas avem veluli jam cadere
» in muscipulam, facis majorem strepitum ut volet de
» muscipula ; sic et martyres. Jam forte aliqui ipsorum in-
» tendebant collum in dulcedinem vitæ hujus ; Dominus,
» qui erat in illis, fecit strepitum gehennarum ; et erutus
» est passer de muscipula venantium. »
6. Vitraux de Bourges, pl. IV. J’y faisais remarquer que
les trois dés ne manquent presque jamais en pareil cas; et
je ne suis pas beaucoup plus en mesure d’en donner le motif
aujourd’hui que je ne l’étais alors en déclarant mon incom-
pétence absolue dans toute question relative aux jeux ou
aux affaires de toilette. En ce genre, ni les siècles passés, n
le nôtre ne peuvent compter sur moi pour un éclaircis-
sement qui vaille. Cf, Orell., Inseriptt., t. Il, p. M7, sq.
. 7. Prov. xxvi, 2; II Petr. n, 22.
MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
les oreilles pour éviter les charmes de l’enchanteur h Cet animal, dans l’art du moyen âge,
a plusieurs fois des ailes avec des pattes et un cou d’oiseau1 2. Mais figure-t-il réellement
ici comme bouchant ses oreilles? Il semble que non; et ce serait une instruction
pour le fidèle, qui doit savoir être sourd aux accents dangereux. D’ailleurs,
l’Écriture parle souvent du funeste venin de l’aspic 3, et répète à diverses reprises
qu’il y a des lèvres humaines aussi empoisonnées que celles du terrible reptile 4.
Avis au spectateur pour ne pas se laisser prendre par le chant des sirènes, et se
tenir près du Maître souverain 5, qui seul nous fera fouler aux pieds aspic ou basilic
(Ps. xc, 13).
Une distraction du P. Martin dans le groupe suivant (S, p. 159) a besoin d’être corrigée
par la photographie (A 6). Entre ces deux hommes qui se prennent aux cheveux, il faut
supposer un tablier de jeu ou échiquier, sur lequel trois dés annoncent qu’on avait débuté
naguère comme d’assez bons amis. L’intérêt s’en mêlant, on en est venu à la colère
et aux coups. La verrière de Bourges qui représente l’Enfant prodigue6 nous montre ce
malheureux jouant ses dernières hardes dans une cave ou taverne souterraine, préci-
sément avec le costume simplifié de nos deux partners strasbourgeois; et des Allemands
sont fort suspects d’avoir réuni en un même plaisir le tripot et les consolations du
cabaret. Cela se traduirait donc par les mauvaises compagnies et la passion du gain
dans les jeux de hasard; pièges qui se mêlent à ceux delà luxure vagabonde provoquant
elle-même sa subversion par la recherche du péril.
Toutefois, comme le chemin le plus glissant est bien celui des relations entre les
deux sexes, nous reverrons de plus belle les centauresses et les sirènes avec appli-
cation indubitable à l’espèce humaine. On commence par le chien (groupe T, p. 161) que
le tambourin fait danser quasi malgré lui. L’air piteux du pauvre danseur, et la corde
qu’on lui tient passée au cou durant cet exercice agréable, font bien voir que sa
volonté ne s’v porte qu’à demi ; et la musicienne lui montre un visage qui signifie
clairement qu’elle se sent maîtresse. Cela ne rappellerait-il pas la leçon des Proverbes,
répétée par saint Pierre 7 ? « Le pourceau lavé revient à sa souille, et le chien retourne
à ce qu’il avait vomi ; ainsi en est-il de l’écervelé qui renouvelle sa sottise. » — Puis-
1. Ps. lvii, 5, sq. «Furor illis secundum similitudinem
» serpenlis: sicut aspidis surdæ el obluranlis aures suas,
» quæ non exaudiet vocem incantantium, et veuefici
» incantanlis sapienter. »
2. Cf. Mélanges, Ire série, t. H, p. 71, sv. Dansles minia-
tures moralisées (avec sermon), l’aspic n’a pas d’ailes;
mais il n’en vole pas moins, en vertu de je ne sais quelle
propriété que lui accorde le peintre des mustoiles. l.e
P. A. Martin l’avait gravé, mais l'effaça ensuite pour faire
place à d’autres planches.
3. Deuter. xxxii, 33: «Venenum aspidum insanabile. »
Cf. Job. xx, il\. — Isai. lix, 5 ; etc.
l\. Ps. xni, 3: «Venenum aspidum sub labiis eorum. »
Cf. Ps. cxxxix, d ; Rom. ni, 13.
5. C’est pourquoi saint Augustin disait (in psalm. cxxm;
Opp. t. IV, p. /i09) : « Venantes erant persequentes, et
» posuerunf escam in muscipula. Quam escam ? Dulcedi-
» nem vifæ hujus; ut unusquisque propter dulcedinem
» hujus vitæ, mittat capul in nequitiam, et muscipula com-
» primatur... Quia in ipsa anima Dominus erat; ideo sicut
» passer eruta est anima de muscipula venantium. Quarc
» sicut passer? Quia incauta ceciderat sicut passer... 0
» passer instabilis, fige potius pedes in petra; noli ire ad
» muscipulam. Caperis, consumeris, obtereris. Sit in te
» Dominus, et de majoribus minis eruet te de muscipula
>) venantium. Quo modo si videas avem veluli jam cadere
» in muscipulam, facis majorem strepitum ut volet de
» muscipula ; sic et martyres. Jam forte aliqui ipsorum in-
» tendebant collum in dulcedinem vitæ hujus ; Dominus,
» qui erat in illis, fecit strepitum gehennarum ; et erutus
» est passer de muscipula venantium. »
6. Vitraux de Bourges, pl. IV. J’y faisais remarquer que
les trois dés ne manquent presque jamais en pareil cas; et
je ne suis pas beaucoup plus en mesure d’en donner le motif
aujourd’hui que je ne l’étais alors en déclarant mon incom-
pétence absolue dans toute question relative aux jeux ou
aux affaires de toilette. En ce genre, ni les siècles passés, n
le nôtre ne peuvent compter sur moi pour un éclaircis-
sement qui vaille. Cf, Orell., Inseriptt., t. Il, p. M7, sq.
. 7. Prov. xxvi, 2; II Petr. n, 22.