SOURCES OU PUISAIT L’ART.
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pas à s’enquérir sans cesse auprès de l’étranger, c’est précaution de bon sens pratique qui
a pu devenir usage ordinaire pour le campagnard, quand les églises étaient clair-semées et de
fréquentation difficile durant plusieurs mois. Chacun se mettait ainsi en mesure de suppléer
tout seul aux annonces paroissiales. Mais à qui fera-t-on croire qu’un dignitaire ecclésias-
tique se soit piqué de copier le paysan? Qu’il s’inspirât de la cathédrale et de l’abbatiale,
à la bonne heure! Or nous avons vu, et nous verrons encore que l’art des basiliques
s’efforcait de transformer les notions de chaque jour en un degré quelconque d’enseignement
religieux.
IV. — SCIENCES HUMAINES.
Ici auraient pu absolument prendre place certaines curiosités cosmographiques, dont le
spectacle était donné (sons bénéfice d’inventaire) à ceux qui visitaient les cathédrales. Au
fond, nous avons eu quelque droit de rattacher ces descriptions à la Genèse, qui raconte
l’origine du monde (cf. supra, p. 266). C’est là que les différents jours de la création
mettent sous nos yeux la terre émergeant du chaos, les astres semés dans le firmament, les
plantes surgissant du sol, la vie animale apparaissant sur le globe, et le monde recevant son
roi par la formation d’une créature raisonnable. Cependant les arts et les sciences, comme
moyen d’élever l’esprit de l’homme vers Dieu, et de nous rappeler que toute lumière
vient de lui, figurent aussi dans bien des églises U Lors donc qu’en 1850, un inspecteur
général des monuments historiques trouva étrange2 la découverte des Arts libéraux peints
dans une annexe de la cathédrale du Puy, sa surprise dut étonner beaucoup tous ceux
qui étaient initiés à quelque connaissance du moyen âge. Nos chroniqueurs du xne siècle
veulent que Charlemagne ait eu de ces peintures dans son palais 3, ou sur son tombeau,
en quoi ils pourraient ne pas se tromper de beaucoup, puisque Martianus Capella 4 est
bien antérieur à l’empire franc, et que les œuvres d’Alcuin prêtent aux personnifications
des sciences 5 déjà ébauchées par Boèce 6 avant lui. Mais du xie siècle au xvie cela se
rencontre quasi partout7. Quand on ne le retrouverait plus dans les églises, par suite des
ravages qu’elles ont subis, il est assez connu que les études valaient privilège de clergie
à qui avait suivi les cours de l’enseignement officiel. Le clergé devait donc arborer la
représentation de ces facultés, comme .un drapeau qu’on entoure avec contenance fière.
1. Cf. Abside d’Auxerre (Vitraux de Bourges, étude XVII,
fig. D). Sens, Paris, Reims, Milan, Chartres, Fribourg en
Brisgau, et bien d’autres répètent encore le même ensei-
gnement. Aussi ne manquons-nous pas de détails écrits,
peints ou sculptés sur ce sujet. On peut consulter : V. Di-
dron, Iconographie... de Dieu, p. 416, svv.; et 160. —
Viollet-le-Duc, Dictionn.... de l’architecture franç., y. Arts,
t. 11, p. 1-10. •—Annales archéolog., t. XVII, p. 39, svv.;
p. 104, svv. — Ibid., t. XV, p. 263, sv., etc. — Jubinal,
Œuvres... de Rutebeuf, t. II, p. 415-435. — Hortus delicia-
rum, ap. Annales de philosophie chrétienne, t. XIX (1838-
1839), p. 164. — Ennod., Parœnes. didascalica (Collect.
Pisaur., t. VI, p. 111). — Notices des mss., t. V, p. /i96,
svv.; et 5Z|6, svv. — Carmina œvi Carolin., ap. Maï, Classic.
auctor., t. V, p. 420-424; etc., etc.
Je ne m’explique pas aisément pourquoi les auteurs de
l’ouvrage intitulé Moyen âge et Renaissance (t. Ier, pl. 11
et 11 bis) ont classé cela sous le titre Superstitions. Il est
vrai qu’on ajoute à cet intitulé, les mots : et croyances
populaires, en façon de circonstance atténuante (pour le
titre, ou pour nos ancêtres?).
2. Cf. Revue archéologique, 9e année (1850), p. 510-514 :
Lettre au Ministre de l’intérieur, reproduite par plusieurs
journaux.
3. Cf. G. Paris, Hist. poétique de Charlemagne, p. 370.
4. Denuptiis philologiœ, passim.
5. De dialectica (Àlcuini Opp., ed. Froben, t. II, p. 334-
336). Cf. Maï, Classic. auct., t. V, p. 420, sqq.
6. De consolât, philosophiœ, libr. I.
7. Cf. Curmer, les Évangiles... de l’année, t. III, p. 37-43,
45-47 (Attavante) ; etc. — Pistolesi, Il Vaticano clescritto,
t. III, tav. XLI-XLIV ; etp. 107, sgg.
Il ne s’agit pas de ne rien omettre ; sinon, que d’œuvres
on aurait à énumérer ! Les cathédrales du xme siècle sont
très-suffisamment visibles, sans compter ce que nous avons
perdu et dont les vestiges demeurent.
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pas à s’enquérir sans cesse auprès de l’étranger, c’est précaution de bon sens pratique qui
a pu devenir usage ordinaire pour le campagnard, quand les églises étaient clair-semées et de
fréquentation difficile durant plusieurs mois. Chacun se mettait ainsi en mesure de suppléer
tout seul aux annonces paroissiales. Mais à qui fera-t-on croire qu’un dignitaire ecclésias-
tique se soit piqué de copier le paysan? Qu’il s’inspirât de la cathédrale et de l’abbatiale,
à la bonne heure! Or nous avons vu, et nous verrons encore que l’art des basiliques
s’efforcait de transformer les notions de chaque jour en un degré quelconque d’enseignement
religieux.
IV. — SCIENCES HUMAINES.
Ici auraient pu absolument prendre place certaines curiosités cosmographiques, dont le
spectacle était donné (sons bénéfice d’inventaire) à ceux qui visitaient les cathédrales. Au
fond, nous avons eu quelque droit de rattacher ces descriptions à la Genèse, qui raconte
l’origine du monde (cf. supra, p. 266). C’est là que les différents jours de la création
mettent sous nos yeux la terre émergeant du chaos, les astres semés dans le firmament, les
plantes surgissant du sol, la vie animale apparaissant sur le globe, et le monde recevant son
roi par la formation d’une créature raisonnable. Cependant les arts et les sciences, comme
moyen d’élever l’esprit de l’homme vers Dieu, et de nous rappeler que toute lumière
vient de lui, figurent aussi dans bien des églises U Lors donc qu’en 1850, un inspecteur
général des monuments historiques trouva étrange2 la découverte des Arts libéraux peints
dans une annexe de la cathédrale du Puy, sa surprise dut étonner beaucoup tous ceux
qui étaient initiés à quelque connaissance du moyen âge. Nos chroniqueurs du xne siècle
veulent que Charlemagne ait eu de ces peintures dans son palais 3, ou sur son tombeau,
en quoi ils pourraient ne pas se tromper de beaucoup, puisque Martianus Capella 4 est
bien antérieur à l’empire franc, et que les œuvres d’Alcuin prêtent aux personnifications
des sciences 5 déjà ébauchées par Boèce 6 avant lui. Mais du xie siècle au xvie cela se
rencontre quasi partout7. Quand on ne le retrouverait plus dans les églises, par suite des
ravages qu’elles ont subis, il est assez connu que les études valaient privilège de clergie
à qui avait suivi les cours de l’enseignement officiel. Le clergé devait donc arborer la
représentation de ces facultés, comme .un drapeau qu’on entoure avec contenance fière.
1. Cf. Abside d’Auxerre (Vitraux de Bourges, étude XVII,
fig. D). Sens, Paris, Reims, Milan, Chartres, Fribourg en
Brisgau, et bien d’autres répètent encore le même ensei-
gnement. Aussi ne manquons-nous pas de détails écrits,
peints ou sculptés sur ce sujet. On peut consulter : V. Di-
dron, Iconographie... de Dieu, p. 416, svv.; et 160. —
Viollet-le-Duc, Dictionn.... de l’architecture franç., y. Arts,
t. 11, p. 1-10. •—Annales archéolog., t. XVII, p. 39, svv.;
p. 104, svv. — Ibid., t. XV, p. 263, sv., etc. — Jubinal,
Œuvres... de Rutebeuf, t. II, p. 415-435. — Hortus delicia-
rum, ap. Annales de philosophie chrétienne, t. XIX (1838-
1839), p. 164. — Ennod., Parœnes. didascalica (Collect.
Pisaur., t. VI, p. 111). — Notices des mss., t. V, p. /i96,
svv.; et 5Z|6, svv. — Carmina œvi Carolin., ap. Maï, Classic.
auctor., t. V, p. 420-424; etc., etc.
Je ne m’explique pas aisément pourquoi les auteurs de
l’ouvrage intitulé Moyen âge et Renaissance (t. Ier, pl. 11
et 11 bis) ont classé cela sous le titre Superstitions. Il est
vrai qu’on ajoute à cet intitulé, les mots : et croyances
populaires, en façon de circonstance atténuante (pour le
titre, ou pour nos ancêtres?).
2. Cf. Revue archéologique, 9e année (1850), p. 510-514 :
Lettre au Ministre de l’intérieur, reproduite par plusieurs
journaux.
3. Cf. G. Paris, Hist. poétique de Charlemagne, p. 370.
4. Denuptiis philologiœ, passim.
5. De dialectica (Àlcuini Opp., ed. Froben, t. II, p. 334-
336). Cf. Maï, Classic. auct., t. V, p. 420, sqq.
6. De consolât, philosophiœ, libr. I.
7. Cf. Curmer, les Évangiles... de l’année, t. III, p. 37-43,
45-47 (Attavante) ; etc. — Pistolesi, Il Vaticano clescritto,
t. III, tav. XLI-XLIV ; etp. 107, sgg.
Il ne s’agit pas de ne rien omettre ; sinon, que d’œuvres
on aurait à énumérer ! Les cathédrales du xme siècle sont
très-suffisamment visibles, sans compter ce que nous avons
perdu et dont les vestiges demeurent.