DU BESTIATRE : STRASBOURG.
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toute l’énergie purement humaine ne suffit pas pour venir à bout de la séduction,
malgré ce qu’elle trouve de ressource contre les attaques violentes. Elle résiste aux
animaux les plus puissants, quand elle veut bien recourir à l’intelligence et à la
vigueur qu’elle a reçues de la nature ; et se laisse enlacer comme sans défense dans les
pièges de la convoitise.
Le tout se termine par un homme nu, livré à deux bêtes que je 11e me chargerai
pas de caractériser exactement (groupe Z). L’une lui croque le coude à belles dents ;
et l’autre, qui le saisit de ses pattes, est si sûre de sa proie, qu’elle semble sou-
rire en détournant la tête vers des objets qu’on ne nous montre pas.
En somme, Tatien (ou tout autre vieil auteur grec des premiers siècles du chris-
tianisme), avec une série d’apologues orientaux puisés dans l’histoire des bêtes,
prétendait inculquer la vie chrétienne telle qu’il l’entendait. Notre moyen âge latino-
germanique adopta ces leçons étroites pour les faire siennes ; et brisant çà et là
l’ancien cadre asiatique, il 11e se refuse pas d’y mêler des instructions puisées à autre
source. Marche ordinaire des choses humaines : l’antique y demeure à condition de
se modifier, et les générations nouvelles ne se conforment pas aux précédents les
plus vénérables sans y demander quelque dérogation qui les rajeunisse. Ni renon-
ciation brusque au passé acceptable, ni parti pris de 11e jamais se porter en avant, c’est
vraie sagesse dans tout ordre de conduite.
Nous voilà bien loin du spectacle burlesque ou superstitieux qui aurait prétendu
faire défiler sous nos regards un sabbat de sorcières. Cependant, pour amener
l’ensemble de ces frises à des enseignements utiles et sérieux, ai-je eu besoin
de forcer beaucoup l’interprétation, ou de faire intervenir des pensers médiocre-
ment répandus dans le christianisme? Quelqu’un trouvera plutôt que je prêche beau-
coup, qu’
« On ne s’attendait guère
A voir la Bible en cette affaire, » etc.
Je m’en rapporte à ce qui en est, comptant bien 11e pas avoir fait subir des entorses
à la valeur réelle des figures ; sans vouloir néanmoins affirmer que j’aie toujours
visé au plus juste, et mis absolument le doigt sur les intentions précises de l’imagier.
Dans tous ces détails à bâtons rompus sur le Bestiaire, le sujet primitif se trouve
plutôt éparpillé que condensé. C’est qu’il 11e s’agissait pas, pour moi, de mettre la
dernière main à une question si complexe. Nous avions surtout à montrer les applications
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toute l’énergie purement humaine ne suffit pas pour venir à bout de la séduction,
malgré ce qu’elle trouve de ressource contre les attaques violentes. Elle résiste aux
animaux les plus puissants, quand elle veut bien recourir à l’intelligence et à la
vigueur qu’elle a reçues de la nature ; et se laisse enlacer comme sans défense dans les
pièges de la convoitise.
Le tout se termine par un homme nu, livré à deux bêtes que je 11e me chargerai
pas de caractériser exactement (groupe Z). L’une lui croque le coude à belles dents ;
et l’autre, qui le saisit de ses pattes, est si sûre de sa proie, qu’elle semble sou-
rire en détournant la tête vers des objets qu’on ne nous montre pas.
En somme, Tatien (ou tout autre vieil auteur grec des premiers siècles du chris-
tianisme), avec une série d’apologues orientaux puisés dans l’histoire des bêtes,
prétendait inculquer la vie chrétienne telle qu’il l’entendait. Notre moyen âge latino-
germanique adopta ces leçons étroites pour les faire siennes ; et brisant çà et là
l’ancien cadre asiatique, il 11e se refuse pas d’y mêler des instructions puisées à autre
source. Marche ordinaire des choses humaines : l’antique y demeure à condition de
se modifier, et les générations nouvelles ne se conforment pas aux précédents les
plus vénérables sans y demander quelque dérogation qui les rajeunisse. Ni renon-
ciation brusque au passé acceptable, ni parti pris de 11e jamais se porter en avant, c’est
vraie sagesse dans tout ordre de conduite.
Nous voilà bien loin du spectacle burlesque ou superstitieux qui aurait prétendu
faire défiler sous nos regards un sabbat de sorcières. Cependant, pour amener
l’ensemble de ces frises à des enseignements utiles et sérieux, ai-je eu besoin
de forcer beaucoup l’interprétation, ou de faire intervenir des pensers médiocre-
ment répandus dans le christianisme? Quelqu’un trouvera plutôt que je prêche beau-
coup, qu’
« On ne s’attendait guère
A voir la Bible en cette affaire, » etc.
Je m’en rapporte à ce qui en est, comptant bien 11e pas avoir fait subir des entorses
à la valeur réelle des figures ; sans vouloir néanmoins affirmer que j’aie toujours
visé au plus juste, et mis absolument le doigt sur les intentions précises de l’imagier.
Dans tous ces détails à bâtons rompus sur le Bestiaire, le sujet primitif se trouve
plutôt éparpillé que condensé. C’est qu’il 11e s’agissait pas, pour moi, de mettre la
dernière main à une question si complexe. Nous avions surtout à montrer les applications