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IVOIRES SCULPTÉS (PL. i), PSYCHOMACHIE.
une partition ptus soutenable chez Vincent de Beauvais qui met aussi les vices aux prises
avec les vertus'. Mais notre affaire, en ce moment, est d'expliquer les petits bas-reliefs
exécutés en Terre-Sainte, ou du moins pour la cour française de Syrie.
Au sommet, comme l'entendait Prudence \ la Foi terrasse sans armes l'Idolâtrie et lui
brise le menton d'un vigoureux coup de pied. Elle lui saisit la chevelure et semble préparer
un rude soufflet. L'RorJMA suit (suivait) à peu près le même programme, mais en
se donnant du large. La Foi y est sans écu et son épée reste dans le fourreau ; elle étouffe
l'Idolâtrie en lui serrant la gorge des deux mains, et lui pose un pied sur l'épaule h
La Pudicité paraît à gauche de la seconde ligne, et c'est encore l'ordre suivi par le poète.
Le peu de champ laissé aux sculptures ne permettait pas grands détails ; mais le trait final
de Prudence n'a pas été omis par l'artiste. Le Libertinage a la gorge percée h L'abbesse
Herrade, qui pouvait se donner de l'espace, représente la Luxure à la tête d'un long chariot
qui porte son cortège et qu'ornent des pierres précieuses. Cette invention peut être consi-
dérée comme un autre emprunt fait au vieux poème de la Psychomachie, lorsqu'il peint la
déroute des vices A
A cet endroit, Prudence est laissé de côté pour un instant. La troisième vertu, au lieu
d'être la Patience, comme dans le poème, est l'Humilité. N'était-ce pas pour rapprocher la
défaite de Goliath et celle de l'Orgueil ? Car, à l'extrémité de la ligne, l'Humilité aurait pris
place entre le sacre de David et sa visite au grand-prêtre ; ce qui ne prêtait à aucune allu-
sion historique, et il en fallait bien au moins une pour le témoignage le plus saillant
de la protection divine envers le saint roi. Nous avons donc affaire à la mais notre
sculpteur, toujours trop resserré, continue de ne mettre aux prises que des piétons. L'Or-
gueil ne chevauche donc point ici son coursier fougueux que drape une peau de lion".
dans le petit mémoire que voici. Allons au plus pressé, sans
épisodes abusifs. En fait de bas-reliefs, on peut également
recourir au Trésor de p7ypHgttg, qui publiait un morceau de
ce genre emprunté au cabinet de M. Carrand. Mais une sé-
rie plus complète se rencontre dans le Porie/éMide nrcAéoZo-
yiyMC de Champagne, chap. X!l, p. 10, svv. Le P. Martin me
paraît avoir dessiné ce monument durant ses voyages, et n'eut
pas assez de temps pour le graver avant sa mort. Pendant
que ceci vient à s'imprimer, je suis dans mon lit; et ce peut
être ce qui m'empêche de retrouver les indications par où
j'aurais du comparer mes notes avec un livre dont la distri-
bution n'est pas énormément claire.
1. Spectd. Ttisloriale, libr. XXII, cap. 80-83 (ed. Duac., t. V,
p. 876, sqq.). Cela vient à l'occasion de saint Grégoire le
Grand, et des conseils qu'il donne aux prédicateurs; mais
le con/Ht se passe tout en paroles, bien que chacune des
contondantes s'avance en lice avec ses /ides. SMperèe est
soutenue par Vaine Gloire, Simalaliott (fausseté), Mépris (dé-
sobéissance; et Ramiliié mène à sa suite Crainte de Dien,
Vraie Religion (droite intelligence), Soumission (foi respec-
tueuse).
Moins d'embarras dans le train de chaque chef, permet-
tait de classer les files avec une sévérité plus théolo-
gique.
Dans les vitraux, on fait parfois mine d'armer les Vertus,
mais sans qu'il y ait vraie lutte corps à cor^s.
2. Prudent., PsycTtomacTt., v. 21, sqq. :
« Prima petit campum dubia sub sorte duelli
Puguatura Rdes, agresti turbida cultu;
Nuda bumeros, intonsa comas, exerta lacertos, etc. «
Les vieilles gloses disent sur nyresti : a Non enim ad præ-
dicandum philosophos, sed piscatores elegit. Etc., etc. ))
3. Le texte d'IIohenburg disait : a Hic strangulat tldes
ydolatriam (sic), et destruit idola sua. H On voit de petites
statuettes brisées. Le mot idolntria était à peu près reçu au
moyen âge, qui nous a transmis la forme française; et pour-
tant l'ivoire de Jérusalem écrit idololntria.
4. Psyc7tomac7t., v. 49, sq. :
<t Tune exarmata; jugulum meretricis adacto
TransRgit giadio. Etc. "
Les gloses réunies par le P. Arevalo ne donnent point rai-
son de cette blessure particulière qui termine la défaite de
la luxure. Probablement Prudence avait en vue ce passage
de Catulle dans l'épithalame de Thétis et Pélée (v. 377, sq.) :
" Non iltam nutrix, orienti luce revisens,
llesterno collum poterit circumdare Rio. "
8. Psyc7tomncA., v. 310, sqq. :
« Venerat occiduis rnundi de Rnibus bostis
Luxuria.
Sed violas lasciva jacit, foliisque rosarum
Dimicat, etc.
Turpiter, beu ! dextris languentibus obstupefacti,
Dum currum varia gemmarum luce micantem
Mirantur; etc., etc. "
6. PsycTtomacA., v. 178, sqq. :
t Forte per effusas inHata superbia turmas
IVOIRES SCULPTÉS (PL. i), PSYCHOMACHIE.
une partition ptus soutenable chez Vincent de Beauvais qui met aussi les vices aux prises
avec les vertus'. Mais notre affaire, en ce moment, est d'expliquer les petits bas-reliefs
exécutés en Terre-Sainte, ou du moins pour la cour française de Syrie.
Au sommet, comme l'entendait Prudence \ la Foi terrasse sans armes l'Idolâtrie et lui
brise le menton d'un vigoureux coup de pied. Elle lui saisit la chevelure et semble préparer
un rude soufflet. L'RorJMA suit (suivait) à peu près le même programme, mais en
se donnant du large. La Foi y est sans écu et son épée reste dans le fourreau ; elle étouffe
l'Idolâtrie en lui serrant la gorge des deux mains, et lui pose un pied sur l'épaule h
La Pudicité paraît à gauche de la seconde ligne, et c'est encore l'ordre suivi par le poète.
Le peu de champ laissé aux sculptures ne permettait pas grands détails ; mais le trait final
de Prudence n'a pas été omis par l'artiste. Le Libertinage a la gorge percée h L'abbesse
Herrade, qui pouvait se donner de l'espace, représente la Luxure à la tête d'un long chariot
qui porte son cortège et qu'ornent des pierres précieuses. Cette invention peut être consi-
dérée comme un autre emprunt fait au vieux poème de la Psychomachie, lorsqu'il peint la
déroute des vices A
A cet endroit, Prudence est laissé de côté pour un instant. La troisième vertu, au lieu
d'être la Patience, comme dans le poème, est l'Humilité. N'était-ce pas pour rapprocher la
défaite de Goliath et celle de l'Orgueil ? Car, à l'extrémité de la ligne, l'Humilité aurait pris
place entre le sacre de David et sa visite au grand-prêtre ; ce qui ne prêtait à aucune allu-
sion historique, et il en fallait bien au moins une pour le témoignage le plus saillant
de la protection divine envers le saint roi. Nous avons donc affaire à la mais notre
sculpteur, toujours trop resserré, continue de ne mettre aux prises que des piétons. L'Or-
gueil ne chevauche donc point ici son coursier fougueux que drape une peau de lion".
dans le petit mémoire que voici. Allons au plus pressé, sans
épisodes abusifs. En fait de bas-reliefs, on peut également
recourir au Trésor de p7ypHgttg, qui publiait un morceau de
ce genre emprunté au cabinet de M. Carrand. Mais une sé-
rie plus complète se rencontre dans le Porie/éMide nrcAéoZo-
yiyMC de Champagne, chap. X!l, p. 10, svv. Le P. Martin me
paraît avoir dessiné ce monument durant ses voyages, et n'eut
pas assez de temps pour le graver avant sa mort. Pendant
que ceci vient à s'imprimer, je suis dans mon lit; et ce peut
être ce qui m'empêche de retrouver les indications par où
j'aurais du comparer mes notes avec un livre dont la distri-
bution n'est pas énormément claire.
1. Spectd. Ttisloriale, libr. XXII, cap. 80-83 (ed. Duac., t. V,
p. 876, sqq.). Cela vient à l'occasion de saint Grégoire le
Grand, et des conseils qu'il donne aux prédicateurs; mais
le con/Ht se passe tout en paroles, bien que chacune des
contondantes s'avance en lice avec ses /ides. SMperèe est
soutenue par Vaine Gloire, Simalaliott (fausseté), Mépris (dé-
sobéissance; et Ramiliié mène à sa suite Crainte de Dien,
Vraie Religion (droite intelligence), Soumission (foi respec-
tueuse).
Moins d'embarras dans le train de chaque chef, permet-
tait de classer les files avec une sévérité plus théolo-
gique.
Dans les vitraux, on fait parfois mine d'armer les Vertus,
mais sans qu'il y ait vraie lutte corps à cor^s.
2. Prudent., PsycTtomacTt., v. 21, sqq. :
« Prima petit campum dubia sub sorte duelli
Puguatura Rdes, agresti turbida cultu;
Nuda bumeros, intonsa comas, exerta lacertos, etc. «
Les vieilles gloses disent sur nyresti : a Non enim ad præ-
dicandum philosophos, sed piscatores elegit. Etc., etc. ))
3. Le texte d'IIohenburg disait : a Hic strangulat tldes
ydolatriam (sic), et destruit idola sua. H On voit de petites
statuettes brisées. Le mot idolntria était à peu près reçu au
moyen âge, qui nous a transmis la forme française; et pour-
tant l'ivoire de Jérusalem écrit idololntria.
4. Psyc7tomac7t., v. 49, sq. :
<t Tune exarmata; jugulum meretricis adacto
TransRgit giadio. Etc. "
Les gloses réunies par le P. Arevalo ne donnent point rai-
son de cette blessure particulière qui termine la défaite de
la luxure. Probablement Prudence avait en vue ce passage
de Catulle dans l'épithalame de Thétis et Pélée (v. 377, sq.) :
" Non iltam nutrix, orienti luce revisens,
llesterno collum poterit circumdare Rio. "
8. Psyc7tomncA., v. 310, sqq. :
« Venerat occiduis rnundi de Rnibus bostis
Luxuria.
Sed violas lasciva jacit, foliisque rosarum
Dimicat, etc.
Turpiter, beu ! dextris languentibus obstupefacti,
Dum currum varia gemmarum luce micantem
Mirantur; etc., etc. "
6. PsycTtomacA., v. 178, sqq. :
t Forte per effusas inHata superbia turmas