IVOIRES SCULPTÉS (PL. Il), MISÉRICORDE. 13
présente une sébile (ou écuelle) de la main g-auche, tout en portant l'index de la main
droite à ses lèvres. Ce geste, pour indiquer la soif, se retrouve dans le vitrail de Bourges
(pl. IX) consacré au pauvre Lazare de l'Évangile. Le mauvais riche, tombé en enfer, adresse
un appel du même genre au patriarche Abraham (Luc. XVI, 24). Il lui demande que le
mendiant, si longtemps honni et propre tout au plus à remplir un message, soit chargé
de tremper son doigt dans l'eau pour tempérer la soif cruelle qu'éprouvent les damnés. Un
petit vase verse n'importe quelle boisson ' dans la coupe grossière que tend notre homme
altéré, et le cartouche porte ces mots : K Quand j'avais soif, vous m'avez donné à boire. B
Au-dessous, un voyageur appuyé sur son long bâton est introduit vers le siège qui
semble l'attendre, et l'inscription dit : a J'étais étranger, vous m'avez accueilli. B
Puis, c'est un homme entièrement nu, auquel on présente de quoi se revêtir. L'explica-
tion continue à rendre le sujet palpable : K J'étais nu et vous m'avez couvert.)) Là encore, un
suivant, que nous ne reverrons plus désormais, se tient prêt à fournir les aumônes aux-
quelles il s'attend comme à chose journalière. Ne serait-ce pas une délicatesse du maître qui
ne veut pas afficher ses aumônes, surtout devant un homme sans vêtements ?
Au bas de la feuille d'ivoire, un malade se dresse sur son séant. Le roi lui prend le
poignet, soit pour lui tâter le pouls, soit pour l'encourager à ne pas perdre tout espoir. C'est
Jésus-Christ visité dans les infirmes.
Vis-à-vis, c'est un prisonnier dont les mains et les bras sont assujettis par des ceps. Des
lignes courbes et anguleuses indiquent, autour de lui, qu'il est renfermé dans une forte-
resse h Mais le roi qui le visite pourrait passer pour vouloir étrangler le pauvre captif, si ce
n'était l'écriteau : « J'étais en prison et vous êtes venu à moi. )) Il nous est donc très-permis
de croire que la corde ou chaîne passée au cou du détenu et que son visiteur tient par l'extré-
mité, signifie qu'on va l'emmener hors du cachot pour lui rendre enfin la clef des champs.
Ces mêmes & 7?Ay<?ncor&? sont rappelées sommairement dans une représentation du
jugement dernier que le P. A. Martin avait dessinée d'après une châsse de Maestricht (si je
ne me trompe). Les groupes des maudits portent un grand cartouche avec ces mots de saint
Matthieu (XXV,41, sqq.), que je traduis en français : c Seigneur, quand est-ce que nous vous
avons vu affamé, et avons refusé de vous nourrir ; étranger, et ne vous avons pas accueilli ;
nu, et ne vous avons pas vêtu ^ ? B
Resterait à rendre raison des animaux qui occupent les interstices demeurés libres entre
les sujets principaux. A l'occasion de rRcror&M, j'ai dit qu'on faisait ici allusion au bestiaire *
en partant peut-être d'un calembour honorifique pour le roi Foulque. Le reste, par défaut
La réponse des bienheureux et des maudits se retrouve
dans une ancienne prose à couplets qui se peut voir parmi
les Poésies popMluires lutMies emlénewes aw xn" siècle qu'a
publiées M. Edéi. du Méril (p. 137) :
s Peccatores dicent: Christe, quando te vel pauperem,
Te, rex magne, vel itiRrmum contemnentes sprevimus ? Etc. «
4. Héron et fouique sont à peu près identifiés par ies di-
vers textes- qui s'inspiraient du PAysioioyMS. Aussi voit-on
des iexicographes du moyen Age fort embarrassés de dire
quel est ie véritable oiseau qui répond au nom iatin. Tel
même en fait un autour. Ii ne faut donc pas qu'on nous op-
pose ie /actes du voiatiie qui porte ici le mot HerodiMS. Cf.
Retute critique d'Aisioire..., novembre 1868, p. 298 (article
236).
1. Notre-Seigneur (Mattb. X, 42) n'exige pas même que
ce soit du vin ou de i'eau dégourdie, ii garantit le ciel à ce-
lui qui aura donné ce rafraîchissement quelconque : a Qui-
cumque potum dederit uni ex minimis istis calicem aquæ
frigidæ tantum; etc. B
2. Le moyen âge coupe souvent une tour, comme font les
décorations de théâtre, pour nous faire voir un intérieur.
Ici nous avons une coupe horizontale, et non plus verticale;
convention comme une autre. J'en ai dit quelque chose à
l'occasion du baquet où sont les trois petits enfants que bé-
nit saint Nicolas. Cf. CaraciérisiiqMes des SS., p. 3S4; etc.
3. Le P. Martin avait gravé ce sujet, dont je ne retrouve
plus la planche. Peut-être, comme plus d'une autre fois,
s'était-il servi d'acier qu'il aura laissé envahir par la rouille
dans un coin où il l'oubliait.
présente une sébile (ou écuelle) de la main g-auche, tout en portant l'index de la main
droite à ses lèvres. Ce geste, pour indiquer la soif, se retrouve dans le vitrail de Bourges
(pl. IX) consacré au pauvre Lazare de l'Évangile. Le mauvais riche, tombé en enfer, adresse
un appel du même genre au patriarche Abraham (Luc. XVI, 24). Il lui demande que le
mendiant, si longtemps honni et propre tout au plus à remplir un message, soit chargé
de tremper son doigt dans l'eau pour tempérer la soif cruelle qu'éprouvent les damnés. Un
petit vase verse n'importe quelle boisson ' dans la coupe grossière que tend notre homme
altéré, et le cartouche porte ces mots : K Quand j'avais soif, vous m'avez donné à boire. B
Au-dessous, un voyageur appuyé sur son long bâton est introduit vers le siège qui
semble l'attendre, et l'inscription dit : a J'étais étranger, vous m'avez accueilli. B
Puis, c'est un homme entièrement nu, auquel on présente de quoi se revêtir. L'explica-
tion continue à rendre le sujet palpable : K J'étais nu et vous m'avez couvert.)) Là encore, un
suivant, que nous ne reverrons plus désormais, se tient prêt à fournir les aumônes aux-
quelles il s'attend comme à chose journalière. Ne serait-ce pas une délicatesse du maître qui
ne veut pas afficher ses aumônes, surtout devant un homme sans vêtements ?
Au bas de la feuille d'ivoire, un malade se dresse sur son séant. Le roi lui prend le
poignet, soit pour lui tâter le pouls, soit pour l'encourager à ne pas perdre tout espoir. C'est
Jésus-Christ visité dans les infirmes.
Vis-à-vis, c'est un prisonnier dont les mains et les bras sont assujettis par des ceps. Des
lignes courbes et anguleuses indiquent, autour de lui, qu'il est renfermé dans une forte-
resse h Mais le roi qui le visite pourrait passer pour vouloir étrangler le pauvre captif, si ce
n'était l'écriteau : « J'étais en prison et vous êtes venu à moi. )) Il nous est donc très-permis
de croire que la corde ou chaîne passée au cou du détenu et que son visiteur tient par l'extré-
mité, signifie qu'on va l'emmener hors du cachot pour lui rendre enfin la clef des champs.
Ces mêmes & 7?Ay<?ncor&? sont rappelées sommairement dans une représentation du
jugement dernier que le P. A. Martin avait dessinée d'après une châsse de Maestricht (si je
ne me trompe). Les groupes des maudits portent un grand cartouche avec ces mots de saint
Matthieu (XXV,41, sqq.), que je traduis en français : c Seigneur, quand est-ce que nous vous
avons vu affamé, et avons refusé de vous nourrir ; étranger, et ne vous avons pas accueilli ;
nu, et ne vous avons pas vêtu ^ ? B
Resterait à rendre raison des animaux qui occupent les interstices demeurés libres entre
les sujets principaux. A l'occasion de rRcror&M, j'ai dit qu'on faisait ici allusion au bestiaire *
en partant peut-être d'un calembour honorifique pour le roi Foulque. Le reste, par défaut
La réponse des bienheureux et des maudits se retrouve
dans une ancienne prose à couplets qui se peut voir parmi
les Poésies popMluires lutMies emlénewes aw xn" siècle qu'a
publiées M. Edéi. du Méril (p. 137) :
s Peccatores dicent: Christe, quando te vel pauperem,
Te, rex magne, vel itiRrmum contemnentes sprevimus ? Etc. «
4. Héron et fouique sont à peu près identifiés par ies di-
vers textes- qui s'inspiraient du PAysioioyMS. Aussi voit-on
des iexicographes du moyen Age fort embarrassés de dire
quel est ie véritable oiseau qui répond au nom iatin. Tel
même en fait un autour. Ii ne faut donc pas qu'on nous op-
pose ie /actes du voiatiie qui porte ici le mot HerodiMS. Cf.
Retute critique d'Aisioire..., novembre 1868, p. 298 (article
236).
1. Notre-Seigneur (Mattb. X, 42) n'exige pas même que
ce soit du vin ou de i'eau dégourdie, ii garantit le ciel à ce-
lui qui aura donné ce rafraîchissement quelconque : a Qui-
cumque potum dederit uni ex minimis istis calicem aquæ
frigidæ tantum; etc. B
2. Le moyen âge coupe souvent une tour, comme font les
décorations de théâtre, pour nous faire voir un intérieur.
Ici nous avons une coupe horizontale, et non plus verticale;
convention comme une autre. J'en ai dit quelque chose à
l'occasion du baquet où sont les trois petits enfants que bé-
nit saint Nicolas. Cf. CaraciérisiiqMes des SS., p. 3S4; etc.
3. Le P. Martin avait gravé ce sujet, dont je ne retrouve
plus la planche. Peut-être, comme plus d'une autre fois,
s'était-il servi d'acier qu'il aura laissé envahir par la rouille
dans un coin où il l'oubliait.