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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

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n'est pas arrêté dans ses bonds. Pour nous faire reconnaître des tigres ou des léopards sans
doute, le sculpteur se sert de cet artifice fréquent sur les marbres de la décadence, où le
trépan s'emploie volontiers pour obtenir des profondeurs qui donnent de l'ombre et simu-
lent (à distance) un grand travail de ciseau. Cet outil n'est pas toujours de trop dans de
grandes masses ornementées qui doivent être vues de loin, mais il devient souvent un moyen
de déguiser la paresse (si le spectateur est complaisant) et tourne même au ridicule sous
les mains malhabiles qui rêvent trop tin public complice de leurs prétendues ressources.

IV. — TOUR DE BRIOUDE.
Comme je passais au Puy, en février 1851 (si mes souvenirs ne me trompent d'un an),
on allait y mettre en vente diverses curiosités provenant, disait-on, d'un acquéreur de biens
nationaux qui avait eu la main dans l'abbaye de Saint-Julien à Rrioude, au moment des con-
fiscations révolutionnaires (sécularisations, comme on dit par euphémisme /éya/ ou /Mo/Hw).
J'ignore si le possesseur défunt avait jamais su apprécier les dépouilles de cet antique monas-
tère autrement que comme exploitation d'immeubles. Mais enfin, cette tour d'ivoire faisait
partie de la succession et ne paraissait pas avoir jamais été prise pour autre chose que
vieillerie curieuse. Je me trouvai consulté par hasard sur l'opportunité d'en faire l'achat;
et, sans dire toute ma pensée sur la valeur de l'objet, que je craignais de voir enlevé à la
France par suite d'enchères mal conduites, je déclarai tout bonnement au domestique du
mandataire qu'il y avait là une occasion à saisir, sous peine de ne la plus jamais retrouver.
L'acquéreur, M. Gueyffîer, eut la bonté de me confier plus tard ce monument précieux,
en me permettant de le conserver à Paris plusieurs semaines * ; mais j'eus alors toutes
les peines du monde à obtenir que le P. Martin trouvât assez de loisir pour le dessiner.
On sait que les artistes ont leurs fantaisies journalières, et mon ancien collaborateur ne
se décida qu'au dernier moment, pour échapper enfin tout d'un coup à mon assommante
insistance. Aussi dois-je déclarer que c'est une œuvre faite à contre-cœur et qui ne donne
guère l'idée du modèle L

i. On m'interdisait le moulage, et je ne pouvais évidem-
ment que me conformer à cette réserve dans une communi-
cation laite avec tant de bonne grâce. La photographie eût
absolument offert les moyens de conserver trace authen-
tique du ciselet. Mais pour une surface presque cylindrique
où les points saillants éteignent l'effet de leur entourage, il
eût été nécessaire d'obtenir quatre ou cinq épreuves prises
à différents points de vue. La délicatesse m'aurait demandé
en outre d'assister à toutes ces opérations pour que l'inten-
tion du prêteur ne fût pas trompée ; or mon exigence aurait
eu quelque chose de blessant pour l'artiste surveillé de si
près. Puis, il eût été nécessaire de raccorder consciencieu-
sement les données multiples et variables des diverses plan-
ches fournies par ces produits successifs.
«Quid facerem ! neque servitio me exire licebat,
Nec tam præsentes alibi cognoscere divos. "
Je crois bien que M. A. Forgeais m'aurait tiré d'affaire.
Alors je venais à peine de faire sa connaissance; et la jalou-
sie, trop juste, de M. Gueyffîer ne permettait pas que je me
dessaisisse de son trésor (c'en est bien un).

Depuis lors, après les retards que la guerre germanique
de 1870 (entre autres causes) avaient imposés à ma publica-
tion, est survenue vers février 1873 une aventure assez sin-
gulière. On s'est présenté chez moi au.nom d'un archéologue
de Bonn, pour savoir en quelles mains se trouve aujour-
d'hui cet ivoire dont l'antiquaire allemand voulait entre-
tenir son public prussien (catholique, d'ailleurs, je le sup-
pose ; puisque les provinces rhénanes portent le nom politique
de prussiennes depuis 1813). Mais d'abord j'ignorais où avait
passé depuis vingt-deux années ce rare échantillon des vieux
âges chrétiens; puis il y avait de quoi s'étonner qu'un calque
de ce dessin, fait pour moi seul, m'arrivât des provinces rhé-
nanes avec prière d'informations plus amples. Évidemment
l'archéologue de Bonn ne soupçonnait aucune malice; mais
par suite de quelle indélicatesse ou de quelle étourderie se
trouvait-il possesseur et se croyait-il propriétaire légitime
de cette curiosité presque introuvable, dont il ignorait même
la vraie provenance ? Cela ne me regarde pas en ce moment,
et l'on fera bien de ne pas me pousser à l'éclaircir; car je
n'y ai pas les yeux absolument bandés.
2. En conséquence, ne me permettrai-je guère d'insister.
 
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