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IVOIRES SCULPTÉS. VIII, PLAQUES A SUJETS CHRETIENS.

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pas à la similitude des originaux, et doit être mis tout entier sur le compte du P. A. Mar-
tin. Lorsqu'une planche gravée n'était pas Unie séance tenante, elle risquait beaucoup sous
sa main d'être ajournée indéfiniment. S'il la reprenait ensuite, souvent fort tard, c'était par
acquit de conscience, et comme on fait une besogne dont il faut se débarrasser. Tant pis
alors, pour les retouches ; elles n'étaient plus faites sous l'impression de la nouveauté, ni
au même point de vue qui avait guidé l'artiste en commençant. Il voulait quelquefois sup-
pléer de sa main à ce que la gravure mécanique eût donné de fond appréciable d'avance.
Bientôt n'ayant pas la patience de maintenir les tons doux et le parallélisme matériel des
traits, il surchargeait par des corrections malencontreuses ce qu'il avait rêvé tout autre le
premier jour. Lorsque ensuite il prétendit faire clicher typographiquement des gravures
exécutées en creux, ce procédé n'avait pas encore atteint toute la délicatesse qu'on en peut
espérer aujourd'hui. L'alourdissement presque inévitable en résultait, comme on le voit;
aussi l'aspect d'ivoire ne se retrouve plus guère, surtout dans la planche que voici (p. 56).
Dès le premier coup d'œil, tout le monde reconnaîtra Notre-Seigneur baptisé dans le
Jourdain par saint Jean-Baptiste. Cette scène évangélique occupe fréquemment les artistes
anciens, parce que les saints Pères latins et grecs prennent souvent le Jourdain comme
point de départ de la mission publique du Sauveur' et de son règne sur la Terre. Ce n'est
pas précisément que le baptême chrétien commence là (sauf comme à un indice préliminaire),
puisque Jésus-Christ n'y vint que s'humilier devant son précurseur. Mais c'était déjà un
accomplissement des prophéties anciennes qui annonçaient le temps du Messie (Marc. I,
1-15. — Luc. III, 1-38; etc.) ; et l'abaissement du Fils de Dieu devant saint Jean-Baptiste
s'y compense tout de suite par le témoignage céleste. Le Saint-Esprit s'y montre sous la
forme d'une colombe et la voix du Père Eternel prononce ces mots (a'àaW. —Matth. III, 1-17):
K Tu es mon Fils bien-aimé, j'ai mis en toi toutes mes complaisances, a II y avait bien eu
précédemment le chant des Anges pendant la nuit de Béthléem, et leur bonne nouvelle
donnée aux berg-ers pour aller adorer l'enfant qui reposait dans la crèche ; le miracle de
Cana était aussi une manifestation de la divinité du Fils de Marie ; mais la Trinité sainte
ne s'était pas encore déclarée comme sur les eaux du Jourdain. En somme, l'Epiphanie qui
amenait les Mages à l'étable, comme prémices des nations, est associée par l'Eglise, au
baptême de Notre-Seigneur dans l'office de la fête des Bois; et les Grecs, avec la Russie,
en ont pris l'usage de baptiser solennellement ce jour-là dans une rivière (ce qui est bien
fort pour des climats septentrionaux). Le souvenir de l'eau changée en vin pour les noces

I. Cf. Augustin., Pc cfw'l. De:', Ubr. XVII, cap. 8. Le Trio-
dans l'office du vendredi saint (Venet., 1850, p. 377,
393), répète deux fois que Adam et éfé sauvé pur Jésus-Chris!
dans le Jourdain. Il veut dire sans doute que l'humanité a dû
comprendre dès lors quel était celui qui la relèverait enfin
de la chute due au premier Adam (1 Cor. XV, 22-45).
Sannazar, quoique peu nourri du latin et du grec des
SS. Pères et trop préoccupé d'appareil mythologique, ne laisse
pas d'exprimer assez grandement ce que le Jourdain devra
désormais de gloire à ce fait énorme dans les annales du
monde. Cf. De parla Virgiwis, libr. 111, v. 281-304. Nous
avons pourtant à nous réclamer d'autorités plus hautes, bien
que moins classiques.
Un fragment, de coupe à figures gravées sur feuille d'or
(ap. Buonarotti, Vélri, tav. Vf, 1; etp.40, sgg.—L heureux,
Dagiog/yph:, p. 40; et 238, sq. — R. Garrucci (Veiri, tav. X,
8 ; et p. 30-32) représente Notre-Seigneur sur la colline où

prennent leur source quatre courants qui sont les évangiles
authentiques portés par tout l'univers. Et cependant le mot
Jordanes est écrit au-dessus de l'Agneau divin afin de faire
entendre que Juifs ou Gentils devenus chrétiens ont ce com-
mun repère pour appuyer leur foi sur le témoignage du Ciel
même.
J'aurais peut-être bien dû reconnaître plus explicitement
le Jourdain aussi, dans une personnification qui avait trompé
M. Ch. Lenormant, et dont j'eus à dire quelques mots vers
1851 (Mélanges cl'archéologie, t. Il, p. 62, sv.). Tous, tant que
nous sommes, il nous faut avouer qu'apprendre mène souvent
à se donner tort; et les Chinois disent fort justement qu'il
n'y a que Dieu ou un sot pour repousser toute rétractation.
C'est en effet merveilleuse sottise que se croire infaillible :
privilège qui ne va qu'au savoir infini, ou à qui aurait la
science souveraine pour garant bel et bien constaté dans ses
assertions.

u. — 8
 
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