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IVOIRES SCULPTES. IX, LE SAINT-GRAAL.

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plaçan t désormais le titre de prince de Galles sur la tête de l'héritier présomptif du suzerain.
Mais au xn° siècle on n'en était pas là ; et soit politique, soit curiosité d'un esprit vif et
ouvert, Henri II ne paraît pas avoir rêvé, même de loin, l'extermination des bardes gallois.
Au contraire, il leur faisait bon accueil et doit avoir aidé aux compilations latines et fran-
çaises qui accréditèrent en Europe le cycle de la ThA/? ?W!&. D'ailleurs, dès les succès de la
première croisade il ne manquait pas d'églises latines où l'on se vantât de montrer quelque
insigne monument de la Passion '. Lorsque les poètes se mêlèrent d'amplifier des chroni-
queurs ou conteurs populaires déjà suffisamment patriotes et sans gêne, il se trouva que
tel ou tel évangile apocryphe parut beaucoup trop sobre de détails merveilleux L Ce qui
n'empêche pas que quand saint Louis put acquérir la sainte couronne d'épines et une
portion considérable de la vraie croix, Henri III d'Angleterre voulut obtenir de Constanti-
nople un vase qui était censé avoir reçu le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur le
Calvaire. C'était toujours une manière de flatter la population celtique et d'infirmer à la
fois ses traditions trop exclusives.
Le style de notre statuette ne répond pas mal aux plus belles œuvres des premiers Plan-
tagenets en fait d'art, et les arcatures qui servent d'escabeau à Joseph d'Arimathie pour-
raient être le Saint-Sépulcre ou la tombe d'Arthur; si ce n'est un caveau secret de l'île
d'Avalon, refuge du trésor introuvable ^
On a voulu, lorsque commencèrent les études sur le Saint-Graal il y a une trentaine
d'années, voir sous ce mot MnyMM ou ce qui n'était pas du tout nécessaire.
Graal, dans le vieux français, signifie plateau, bassin, vaisselle de table. Quand les Espa-
gnols en ont fait Grà?/, rien ne les eût empêchés de dire Miiyrc rca/ s'ils y avaient connu ce
sens ; car l'Espagne aussi, la Galice surtout, a mis en avant des prétentions sur le cycle
de la Table ronde. Gallois prêtait à dire Galiciens, pour peu qu'on eût bonne volonté; et,
en fait de patriotisme, l'Espagne ne s'est pas toujours suffisamment refusé Je droit de
donner des entorses à l'histoire. Le faux Dar/cr ne manqua pas d'accorder mention hono-
rable au voyage de Joseph d'Arimathie dans la Péninsule hispanique; mais, bien entendu,
avant qu'il visitât la Grande-Bretagne *, de sorte que le droit d'aînesse demeurait toujours
aux Espagnols. Joseph aurait accompagné saint Jacques-le-Majeur, évangélisant la Pénin-
sule ibérique; comme si la visite même de l'apôtre n'eût dû prêter à nul embarras.
Ce plateau ou bassin quelconque était censé contenir, ou avoir contenu, soit la sainte Eu-

1. Ct. Heinrich, G ciG, p. 75-82; et 214, sv.
2. Le soi-disant JVicodëwM^dans ses differentes
rédactions, accorde une place considérable au témoignage
de Joseph d'Arimathie devant ie conseii des Juifs pour la di-
vinité de Notre-Seigneur. Mais on n'y parie ni de son bannis-
sement, ni d'aucune reiique merveiiieuse dont i) aurait été ie
dépositaire.
Poèmes et romans en prose amplifièrent ia vieiiio légende
à qui mieux mieux, et Cervantes ne veut pas iaisser croire
que Don Quichotte puisse admettre rien d'apocryphe dans ia
RecGerc/te dn saint GritaG Cf. D. Quixote de ia Mancha, ed.
J. R. Masson, t. IV, p. 287, sg.
3. Giastonbury, dans ie Somersetshire, est-ii décidément
une seuie et même chose avec l'iie merveiiieuse d'Avaion?
Je n'en mettrais pas ia main au feu. On prétendait à Gias-
tonbury garder bien des traces du nobie décurion de Jérusa-
lem; queiques-uns veulent qu'Arthur y soit enseveii, d'autres
le disent déposé à Avaion; et ie Saint-Graai passe aussi pour

avoir été finaicment porté au ciei. Dans ces contestations,
qu'on veuiiie bien me permettre de ne pas prendre parti.
4. L'inconfusibie Tamayo Saiazar, dans son Anamnesis
(au 17 avril), consacre plusieurs pages in-folio à tout ce récit,
qui ne vaut pas mieux que bien d'autres dont ii a grossi ses
volumes, et qu'ii encombre souvent de citations dont ia meil-
leure ne mène à peu près à rien.
Des mots à forme catalane, qui se iisent dans ie poème
allemand du Farcirai, ont l'air d'appuyer les prétentions ga-
liciennes. H suffit "pourtant de se rappeier que ia dot d'Éléo-
nor de Guyenne avait porté aux Piantagenets l'Aquitaine
presque entière ; si bien que plus tard le Prince noir parlait
gascon ou quercinois à ses compagnons de batailles. Woi-
fram pouvait donc bien setre renseigné auprès d'auteurs
languedociens qui avaient pris soin de faire leur cour à la
famille de Henri H, en arrangeant l'histoire d'Arthur; et la
géographie des bardes y aura éprouvé plus d'une modifica-
tion. Cf. Heinrich, G ciG, p. 89, svv.
 
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