LETTRES HISTORIÉES, MYSTÈRES.
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usage qui subsiste dans l'art jusqu'au xn° siècle pour le moins. L'antiquité l'observait déjà
lorsqu'il s'agissait de recevoir les cadeaux des princes, et c'est probablement ce qui fait que
dans bien des mosaïques on voit les saints porter ainsi leur couronne, comme si Notre-
Seigneur venait de la leur remettre en don souverain.
Il ne faut pas négliger le sens qu'avait en vue notre miniateur carlovingien lorsqu'il pei-
gnait, en bas et en haut de la lettre, ces deux portes de ville ou de basilique qui indiquent
évidemment Jérusalem et Bethléem. C'est encore un souvenir du vieux symbolisme où
Jérusalem indiquait la synag'og'ue (ou les prémices de l'Ég'lise recueillis dans la race d'Abra-
ham), et Bethléem désignait les Gentils à cause de la venue de ces rois ou sages qui n'ap-
partenaient point au peuple de Dieu '. Voilà comme, dans un
petit espace, ces vieux artistes savaient loger des leçons im-
portantes qui rattachent souvent la moindre de leurs oeuvres
aux plus graves traditions chrétiennes.
Passons au dimanche des Rameaux, car je ne prétends
pas reproduire absolument toutes les grandes initiales du
sacramentaire de Metz. Sans y renoncer pour l'avenir, il faut
que le lecteur se contente cette fois d'un certain nombre
d'échantillons qui ne laissent pas que d'avoir leur prix.
Il s'agit de l'oraison qui précède la procession, après qu'on
a distribué les palmes : « Omnipotens sempiterne Deus,
qui Dominum nostrum Jesum-Christum super pullum asinæ sedere fècisti, etc. ^ n
Si petit que fut le champ accordé au peintre, il a trouvé moyen d'y montrer assez clai-
rement la foule qui vient au-devant de Notre-Sei-
gmeur, les arbres où se prenaient les rameaux, les
gens qui mettent à terre leurs vêtements pour tapis-
ser la route sous les pas de Jésus-Christ, et même
quelques-uns des apôtres qui accompagnent le Sau-
veur. 11 y ajoute encore des édifices qui annoncent que
l'on entre à Jérusalem; sans compter une espèce d'ar-
ceau, comme pour dire qu'on dépasse la porte.
Reproduisons encore la lettre initiale de l'oraison
qui se dit à la messe le même jourL M. le comte Au-
guste de Bastard en a publié une gravure dans son
mémoire sur les crosses*; et veut bien convenir que si
la nôtre n'est pas exactement conforme à la sienne,
cela tient à l'extrême difficulté d'une fidélité parfaite dans la reproduction de ces petits
1. Cf. Caractéristiques des SS. dans i'art populaire, p.21.
— Mélanges d'archcologie, série, t. H, p. 50-39. — Ci-des-
sus, p. 29-31.
Ces deux ou trois citations indiquent du moins les deux
types principaux donnés à l'Église et à la Synagogue depuis
les premiers siècles chrétiens, jusqu'à la tin du moyen àgc.
On trouvera facilement divers détails relatifs à ce sujet chez
Buonarruoti, Vasi auMcAi & whv, p. 47 ; Ciampini, Ve%era
iHoiM'mewtM, t. I, p. 189, 211; et dans plusieurs des anciens
Pères (saint Fulgence, par exemple) quand ils parlent de
l'Epiphanie.
2. Ne nous appesantissons pas sur les variantes de texte.
Le sacramentaire de Metz dit ici (suivant les notes du P. Mar-
tin) : a Omnipotens Genitor qui Unigenitum tuum ab Hieri-
cho monte, etc. N La Bibliothèque nationale de Paris prête-
rait toute seule à bien d'autres comparaisons en divers
genres. Mais les recherches liturgiques n'ont pas aujourd'hui
grande chance d'intéresser beaucoup d'amateurs.
3. « Omnipotens sempiterne Deus, qui humano generi ad
imitandum hunnhtatis exemplum, Salvatorem nostrum car-
nem sumere et crucem subire fecisti, etc. w
4. Bulletin du comité... (18S7), p. 861.
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usage qui subsiste dans l'art jusqu'au xn° siècle pour le moins. L'antiquité l'observait déjà
lorsqu'il s'agissait de recevoir les cadeaux des princes, et c'est probablement ce qui fait que
dans bien des mosaïques on voit les saints porter ainsi leur couronne, comme si Notre-
Seigneur venait de la leur remettre en don souverain.
Il ne faut pas négliger le sens qu'avait en vue notre miniateur carlovingien lorsqu'il pei-
gnait, en bas et en haut de la lettre, ces deux portes de ville ou de basilique qui indiquent
évidemment Jérusalem et Bethléem. C'est encore un souvenir du vieux symbolisme où
Jérusalem indiquait la synag'og'ue (ou les prémices de l'Ég'lise recueillis dans la race d'Abra-
ham), et Bethléem désignait les Gentils à cause de la venue de ces rois ou sages qui n'ap-
partenaient point au peuple de Dieu '. Voilà comme, dans un
petit espace, ces vieux artistes savaient loger des leçons im-
portantes qui rattachent souvent la moindre de leurs oeuvres
aux plus graves traditions chrétiennes.
Passons au dimanche des Rameaux, car je ne prétends
pas reproduire absolument toutes les grandes initiales du
sacramentaire de Metz. Sans y renoncer pour l'avenir, il faut
que le lecteur se contente cette fois d'un certain nombre
d'échantillons qui ne laissent pas que d'avoir leur prix.
Il s'agit de l'oraison qui précède la procession, après qu'on
a distribué les palmes : « Omnipotens sempiterne Deus,
qui Dominum nostrum Jesum-Christum super pullum asinæ sedere fècisti, etc. ^ n
Si petit que fut le champ accordé au peintre, il a trouvé moyen d'y montrer assez clai-
rement la foule qui vient au-devant de Notre-Sei-
gmeur, les arbres où se prenaient les rameaux, les
gens qui mettent à terre leurs vêtements pour tapis-
ser la route sous les pas de Jésus-Christ, et même
quelques-uns des apôtres qui accompagnent le Sau-
veur. 11 y ajoute encore des édifices qui annoncent que
l'on entre à Jérusalem; sans compter une espèce d'ar-
ceau, comme pour dire qu'on dépasse la porte.
Reproduisons encore la lettre initiale de l'oraison
qui se dit à la messe le même jourL M. le comte Au-
guste de Bastard en a publié une gravure dans son
mémoire sur les crosses*; et veut bien convenir que si
la nôtre n'est pas exactement conforme à la sienne,
cela tient à l'extrême difficulté d'une fidélité parfaite dans la reproduction de ces petits
1. Cf. Caractéristiques des SS. dans i'art populaire, p.21.
— Mélanges d'archcologie, série, t. H, p. 50-39. — Ci-des-
sus, p. 29-31.
Ces deux ou trois citations indiquent du moins les deux
types principaux donnés à l'Église et à la Synagogue depuis
les premiers siècles chrétiens, jusqu'à la tin du moyen àgc.
On trouvera facilement divers détails relatifs à ce sujet chez
Buonarruoti, Vasi auMcAi & whv, p. 47 ; Ciampini, Ve%era
iHoiM'mewtM, t. I, p. 189, 211; et dans plusieurs des anciens
Pères (saint Fulgence, par exemple) quand ils parlent de
l'Epiphanie.
2. Ne nous appesantissons pas sur les variantes de texte.
Le sacramentaire de Metz dit ici (suivant les notes du P. Mar-
tin) : a Omnipotens Genitor qui Unigenitum tuum ab Hieri-
cho monte, etc. N La Bibliothèque nationale de Paris prête-
rait toute seule à bien d'autres comparaisons en divers
genres. Mais les recherches liturgiques n'ont pas aujourd'hui
grande chance d'intéresser beaucoup d'amateurs.
3. « Omnipotens sempiterne Deus, qui humano generi ad
imitandum hunnhtatis exemplum, Salvatorem nostrum car-
nem sumere et crucem subire fecisti, etc. w
4. Bulletin du comité... (18S7), p. 861.