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VOYAGE EN ESPAGNE, NAVARRE.
vert de tableaux, de colonnettes, de statues, et souvent de petites chapelles richement
décorées.
<f Entre le chœur et le sanctuaire, le passage est indiqué par des grilles en partie mobiles ;
et deux chaires rappellent l'ancien usage des ambons.
« La guerre n'a pas traité les églises espagnoles aussi rudement que la révolution fran-
çaise a fait les nôtres. Le nombre et la splendeur des retables et des tombeaux, à Pampe-
lune, contraste avec la nudité d'un grand nombre de nos églises françaises. 11 est vrai que
le xv° siècle et le xvT y couvrent de leur travail entortillé les surfaces lisses des murs. Aussi
le bois doré et les découpures abondent dans le nord de l'Espagne, et la Renaissance plus ou
moins italienne ou flamande y prend assez grande part '. "
Le P. A. Martin n'abondait pas outre mesure de ce dernier côté, mais le xiv° siècle et le xv"
lui souriaient beaucoup. Il se proposait apparemment d'en développer les nombreux détails,
car elles portent les traces d'époques fort diverses, et abondent surtout en fantaisies architec-
turales du xiv" siècle. Mon ancien collaborateur, avec sa vivacité d'imagination, prisait beau-
coup plus que moi les mille tours de force par où l'art ogival en décadence élégante trouvait
moyen de remplir (ou plutôt d'évider) et d'orner en découpures les arceaux, balustrades,
clefs de voûte, etc. Tout cela est ingénieux, aérien, féerique si l'on veut, svelte et aussi peu
matériel que possible, j'en conviens; et ne répond pas mal à certaines phrases quelque
peu illustres qui célébraient il y a quarante ans la mirifique ou
.l'avoue, pour ma part, que la pierre ne me semble pas destinée parle Créateur à
devenir dentelle. Qu'on en exécute avec du fil, de la soie, du coton ou du papier soumis à
l'emporte-pièce, je ne m'y oppose pas; mais encore même je ne m'y connais guère et en
laisse le jugement à ceux qui s'entendent aux affaires de fuseau, d'aiguille, de navette, etc.
Il est assurément très-curieux de voir pendre sur nos têtes des réseaux qui semblent vouloir
causer des accès de jalousie à l'araignée la plus habile, mais qui pourtant menacent un
peu le regard d'une chute absolument possible où l'admirateur recevrait sur la tête tout autre
chose que des voiles de femmes. J'aime beaucoup mieux la noble sobriété des artistes con-
temporains de Philippe-Auguste qui balancent les pleins et les vides avec un équilibre
guidé par la raison, mais, comme de juste, en faisant dominer beaucoup le plein sur le vide.
Quand vous entrez dans une cathédrale comme celles de Chartres, de Paris, d'Amiens
ou de Bourges (pour les parties principales), rien ne vous inspire le soupçon que voûtes ou
murailles puissent s'effondrer pendant que vous entendez la messe. Au contraire, les caprices
du xiv° siècle et du xv° prêtent trop à distraire celui qui se hasarde sous les voûtes; en lui
faisant demander, par une prudence trop naturelle, s'il est bien sûr d'être abrité tout de

1. Les Flamands venus à la suite de Charles-Quint ame-
nèrent le genre p/nferesco (goût d'orfèvres introduit dans
l'architecture) avec Juan de Arfe ; puis arrivèrent les Italiens
copistes de leur Borromini, sans avoir le talent du maitre,
et qui en outraient les défauts par-dessus tout. Enfin un
Espagnol, Chirruguera, obtint des lettres de grande natura-
lisation pour le fantasque, l'incohérent, le baroque auda-
cieusement déraisonnables. H eut le triste honneur d'atta-
cher son nom au style cAwTMgMeresco, qui désigne à peu près
tout ce qu'il y a de plus fort en fait de caprices appliques à
l'art architectural. Juan de Herrera, sous Philippe 11, passe en
Espagne pour avoir réalisé l'idéal du bon goût, ce qui peut
vouloir dire que Palladio ne l'aurait pas désavoué pour dis-

ciple. Je n'y contredis pas, n'ayant vu l'Espagne que par les
livres, ce qui est source très-mince d'informations.
La France ne peut certainement pas se vanter d'avoir les
mains très-blanches en architecture, depuis la tin du
xvi" siècle; mais (Dieu merci!) faute de posséder l'or et
l'argent d'Amérique, nous n'avons pas pu nous livrer sou-
vent à certaines folies dispendieuses où nos voisins ont laissé
des artistes malavisés courir la bride sur le cou ; d'autant
plus que les guerres calvinistes nous avaient saignés à blanc
pour libéralités nouvelles envers l'Église. La noblesse catho-
lique en sortait fort éreintée, et les spoliateurs d'abbayes ou
de cathédrales se trouvaient bien d'avoir aboli la restitution
en même temps que la confession.
 
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