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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
quaire aura été refait beaucoup plus tard, ou bien il s'agirait de reliques nouvelles dues à la
maison de Champagne qui régna sur cette contrée vers la tin du xm° siècle.
On rencontre même l'indication d'un nouvel envoi obtenu d'Amiens par le roi Charles le
Mauvais qui mourut en 1387, et ce règne ne correspond pas trop mal à la date qui se peut
conclure du galbe et des détails employés par l'orfévre de notre custode. Sur les lobes
extérieurs du pied se lisent, en caractères gothiques, ces mots : K Hic sunt reliquiæ de capite
Sancti Firmini. B
D'autres curiosités navarraises, dont je ne puis guère indiquer la destination ou l'empla-
cement précis, trouveront une place quelconque dans des groupes que je formerai sous les
titres d'ornementations sculpturales, de ferronnerie, etc.
SARAGOSSE.
De Pampelune à Saragosse, vieilles et nouvelles ruines ne frappent que trop les regards;
et les démolitions dues à la guerre ne sont pas toujours les plus nombreuses ou les plus
tristes. Des hameaux s'abritent comme ils peuvent dans les débris de monastères qui n'ont
point trouvé d'acheteurs, et qui ne paraissent pas les avoir appauvris jadis (comme on l'a
tant répété) autant que le fait réellement aujourd'hui la mobilisation des biens de mainmorte.
Quant à la capitale de l'Aragon, pour avoir perdu ses anciens privilèges et s'être trouvée
soumise aux révolutions du temps ou des fléaux, elle ne conserve pas moins encore de
nombreuses traces d'une activité qui nous rappelle le souvenir de plusieurs siècles. Dans ses
nombreuses rues entremêlées on peut faire presque à chaque pas de petites découvertes :
c'est tantôt une tour mauresque, tantôt un portail ou une masure gothique; ailleurs un
hôtel de seigneurs du xvf siècle, où la Renaissance a pris ses ébats folâtres plus ou moins
heureux dans leur résultat. Christianisme et mythologie, histoire et fable, riche pesanteur
et légèreté fantasque, s'y mêlent comme dans un rêve dont la cause et l'unité deviennent
insaisissables quand on y réfléchit au réveil.
Aussi l'artisan etle petit bourgeois, qui occupent souvent de nos jours ces demeures jadis
enjolivées à g'rands frais, seraient-ils fort empêchés parfois pour comprendre ce que préten-
dait dire aux anciens hôtes une complication d'éléments si peu faits pour se rencontrer.
Griffons, légendes romantiques, bacchanales à la florentine du temps des Médicis; joyeu-
setés païennes qui côtoient des souvenirs édifiants, comme dans un poëme de Sannazar;
art composite que l'Italie peut absolument expliquer, mais qui fait très-sing'ulière ligure en
Espagne où la classe riche n'a presque jamais tenu le peuple à distance comme un vulgaire
profane.
Les églises, parfois bien gâtées, surtout à l'extérieur, par des architectes italiens ou ita-
lianisés, valent souvent mieux à l'intérieur que ne le ferait croire l'aspect théâtral du
dehors. Si les nombreuses statues dorées sont plus riches que pieuses, si des tableaux, quel-
quefois merveilleux, occupent fréquemment une place que ne leur avait pas destinée l'archi-
tecte à l'origine, on y reconnaît du moins le zèle d'une population qui s'est plu à décorer
la maison de Dieu sans regarder aux dépenses. Ce n'est pas nous, du reste, qui avons droit
de jeter la pierre à cet art trop mêlé ; nous avons montré tant d'impuissance pendant plus
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
quaire aura été refait beaucoup plus tard, ou bien il s'agirait de reliques nouvelles dues à la
maison de Champagne qui régna sur cette contrée vers la tin du xm° siècle.
On rencontre même l'indication d'un nouvel envoi obtenu d'Amiens par le roi Charles le
Mauvais qui mourut en 1387, et ce règne ne correspond pas trop mal à la date qui se peut
conclure du galbe et des détails employés par l'orfévre de notre custode. Sur les lobes
extérieurs du pied se lisent, en caractères gothiques, ces mots : K Hic sunt reliquiæ de capite
Sancti Firmini. B
D'autres curiosités navarraises, dont je ne puis guère indiquer la destination ou l'empla-
cement précis, trouveront une place quelconque dans des groupes que je formerai sous les
titres d'ornementations sculpturales, de ferronnerie, etc.
SARAGOSSE.
De Pampelune à Saragosse, vieilles et nouvelles ruines ne frappent que trop les regards;
et les démolitions dues à la guerre ne sont pas toujours les plus nombreuses ou les plus
tristes. Des hameaux s'abritent comme ils peuvent dans les débris de monastères qui n'ont
point trouvé d'acheteurs, et qui ne paraissent pas les avoir appauvris jadis (comme on l'a
tant répété) autant que le fait réellement aujourd'hui la mobilisation des biens de mainmorte.
Quant à la capitale de l'Aragon, pour avoir perdu ses anciens privilèges et s'être trouvée
soumise aux révolutions du temps ou des fléaux, elle ne conserve pas moins encore de
nombreuses traces d'une activité qui nous rappelle le souvenir de plusieurs siècles. Dans ses
nombreuses rues entremêlées on peut faire presque à chaque pas de petites découvertes :
c'est tantôt une tour mauresque, tantôt un portail ou une masure gothique; ailleurs un
hôtel de seigneurs du xvf siècle, où la Renaissance a pris ses ébats folâtres plus ou moins
heureux dans leur résultat. Christianisme et mythologie, histoire et fable, riche pesanteur
et légèreté fantasque, s'y mêlent comme dans un rêve dont la cause et l'unité deviennent
insaisissables quand on y réfléchit au réveil.
Aussi l'artisan etle petit bourgeois, qui occupent souvent de nos jours ces demeures jadis
enjolivées à g'rands frais, seraient-ils fort empêchés parfois pour comprendre ce que préten-
dait dire aux anciens hôtes une complication d'éléments si peu faits pour se rencontrer.
Griffons, légendes romantiques, bacchanales à la florentine du temps des Médicis; joyeu-
setés païennes qui côtoient des souvenirs édifiants, comme dans un poëme de Sannazar;
art composite que l'Italie peut absolument expliquer, mais qui fait très-sing'ulière ligure en
Espagne où la classe riche n'a presque jamais tenu le peuple à distance comme un vulgaire
profane.
Les églises, parfois bien gâtées, surtout à l'extérieur, par des architectes italiens ou ita-
lianisés, valent souvent mieux à l'intérieur que ne le ferait croire l'aspect théâtral du
dehors. Si les nombreuses statues dorées sont plus riches que pieuses, si des tableaux, quel-
quefois merveilleux, occupent fréquemment une place que ne leur avait pas destinée l'archi-
tecte à l'origine, on y reconnaît du moins le zèle d'une population qui s'est plu à décorer
la maison de Dieu sans regarder aux dépenses. Ce n'est pas nous, du reste, qui avons droit
de jeter la pierre à cet art trop mêlé ; nous avons montré tant d'impuissance pendant plus