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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1830 (Nr. 1-9)

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CARICATURES

MORALES, RELIGIEUSES, POLITIQUES, LITTÉRAIRES, SCÉNIQUES, etc.

L’ARCHEVÊQUE.

Au temps où l’Église était puissante et riche, les princes ecclésias-
tiques n’avaient ni la simplicité des apôtres, ni l’hypocrisie froide et
gourmée des prélats modernes... Alors les conciles regardaient comme un
besoin aussi impérieux que celui du vivre et du boire, de requérir bon
nombre de courtisanes, fraîches et joyeuses, pimpantes et bipn gorgia-
sées, disent les anciens auteurs. Ces belles créatures étaient rencontrées
parles chemins, allant au concile pour le service des Pères. Elles mettaient
toutes les hôtelleries sens dessus-dessous, fourrageant le meilleur pour
leurs haquenées, leurs singes, leurs négrillons, pour leurs nains et leurs
amours. Respectées comme des reines, car elles représentaient toutes
la puissance d’un cardinal, d’un seigneur, d’un prince ou d’un pape;
elles se rigolaient dans la chrétienté comme moines dans un couvent de
nonnes, et ne se gardaient que d’une seule chose , à savoir : ne poiut
vieillir... Du reste, elles fesaient sauter les rochets, se jouaient des
mitres et livraient les camails rouges à leurs singes, le tout ad majorent
Dei gloriam.

Voilà comme on sait s’amuser dans les jours de conviction et de

croyance!_ Quel plaisir aurait-on aujourd’hui à faire un bon conte

sur l’archevêque de Paris? L’anecdote devient d’abord politique; puis,
elle tourne au budget; et, du palais épiscopal, vous tombez dans les choses
sérieuses des 64 francs cent., 95 fr. 20, dans la dette flottante, et
autres gentillesses. Aussi faut-il dire adieu à la poésie.

Remontez donc le cours des âges, et voyez la belle Impêria, cette
célèbre courtisane romaine, dont Vervillc a raconté les musquetades
parfumées, voyez-la, sur le soir, dans la petite ville de Trente, languis-
samment couchée...

Autour d’elle sont meubles de velours, courtines crépinées d’or, flam-
beaux sculptés , tapis de Turquie, bougies parfumées, singe et perruche
se querellant, miroirs de Venise encadrés en filigrane, enfin toutes les
curiosités, tous les chefs - d’œuvre de cette époque où les arts prirent
leur essor.

En un coin du réduit magnifique, s’élevait un lit voluptueux, riche
de dentelles, sur lequel madame Impéria, étalant ses charmes, écoutait
les galanteries du jeune archevêque, monsignor Salviati.

La belle Impéria venait de perdre un petit serin des Canaries; et, dans
sa douleur, à peine savait-elle si l’archevêque lui pressait la main ou le
pied... Elle aimait Salviati, non pas à cause de son teint de femme et de ses
yeux noirs, non à cause de ses beaux cheveux flottans, non pour son im-
mense fortune, non pour sa jeunesse, car d’abbés frais, jeunes, riches
et beaux, elle en faisait litière et pouvait en jeter par sa fenêtre aux
dames de la chrétienté qui en manquaient. Elle se souciait des prélats
comme un gastronome de pains de munition...

Elle aimait Salviati, parce qu’il avait fait très-proprement daguer un ca-
pitaine français dont la langue indiscrète accréditait une opinion dan-
gereuse à son honneur de courtisane. Ce pauvre diable avait mal com-
pris la délicieuse aventure des musquetades; et, se trempant d’organe,
il disait que la belle Impéria tuait les mouchas au vol en parlant.
Salviati, empressé de plaire à cette ravissante fille, ordonna bien vite à
l’un de ses bravi de tuer le capitaine Bompart, ce qui fut fait.

La capricieuse et redoutable Impéria haïssait bien encore en ce mo-
ment un autre homme! C’était le cardinal Ma thuscca-Délia-Geinui,
qui, depuis l’ouverture du concile, la poursuivait de ses offres et voulait
l’acheter comme on achète un lévrier, sans se soumettre auxgalans pré-
liminaires, à cette préface platonique! exigés plus impérieusement par la

courtisane que si elle eût été duchesse.mais Salviati n’osait pas faire

assassiner un cardinal sans cérémonie.

—J’ai perdu ce que j’aimais le plus !... s’écriait-elle en pleurant... Une
chère petite bête qui ne m’a jamais donné de chagrin... C’est la seule!..
Car mon singe... il est Lien gentil, mais il mord... c’est comme vous au-
tres... Le perroquet... il crie... tandis que le petit serin...

— Madame, vous êtes bien cruelle pour moi !. s’écria Salviati.

Un page de madame Impéria, car elle avait des pages, entra tout-à-

coup d’un air effaré.

— Qu’est-ce?... dit-elle.

— Voici monseigneur le cardinal Mathuseca! dit-il. Il est sur les de-
grés, et regarde attacher la bride de sa mule...

— Je meurs si je vois encore cet homme!... s’écria la belle Impéria,
il m’épouvante, c’est mon mauvais génie... Ah! comme j’aimerais celui
qui m’en débarrasserait. Aussi , je laisserai venir le duc de Parme avec

sa bonne épée. Nous verrons si ce bœuf de cardinal ne sera pas mis

au ban des morts !.... Comment faire?... Ne pas le recevoir.... il me fera
empoisonner... Le recevoir... j’aime mieux mourir...

Impéria violente, éperdue, s’était mise sur son séant, laissant voir
son sein en désordre et palpitant de haine.

— Me récompenserez - vous !... dit l’archevêque, si je vous en débar-
rasse pour ce soir!...

— Vous resterez?... répondit-elle avec un laisser-aller digne de ces
temps héroïques de la galanterie.

— Hé bien, dit l’archevêque, sauvez-vous dans votre oratoire, cou-
chez-vous-y, restez-y tranquille; mais donnez-moi vos coiffes et em-
portez un de ces flambeaux.

Impéria se prit à rire; et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le
raconter, elle coiffa l’archevêque, le mit au lit, le roula en folâtrant dans
son lit, et disparut, emportant la défroque du prêtre.

— Hé, hé ! s’écria le cardinal d’une voix de tonnerre, en envahissant
la chambre de la malade, nous sommes au lit, la belle!... Foi de pé-
cheur, cela est bien.Vous m’éviterez de briser vos corsets piqués d’or!..

Et riant de sa plaisanterie grossière, il vint so mettre auprès du lit,
enseveli dans l’ombre par la moire d’un rideau.

— La galanterie est inutile in articula mortis, répondit la fausse Im-
péria d’une voix éteinte.

— II y a quelque diablerie là-dcssouâ , car tu parles latin , dit le car-
dinal.

— Ah! que je vous aurais aimé, reprit la courtisane, si vous aviez
pour moi ces formes aimables que vous savez si bien prendre auprès de

la marquise de Pescaire. Voyez-vous, mon cher cardinal, nous 11c

pouvons pas, nous autres, aimer à être brusquées comme les femmes du

monde.Ces sortes de plaisanteries les amusent ; mais moi, si vous ne

me respectez pas, que serai-je?...

— Tu raisonnes comme un docteur.

— Voulez-vous bien ne pas me tutoyer, ou je vous fais donner le

boucon.

— Je vous adore ce soir.

•— Hé bien, si vous êtes bien aimable , demain.

— Oh! demain!.... Voilà deux mois que demain.Donnez-moi votre

main à baiser.

— Vous êtes bien ambitieux!.... Mais promettez-moi de vous en aller,
et je me laisserai baiser la main.

— Je le jure par l’Évangile.

— Vous n’y croyez pas.

— Par la damnation éternelle.

— Non plus.

— Par quoi veux-tu que je jure?... par le pape.

— Ne jurez pas, et allez vous-en! dit Salviati en tendant hors du lit
une main blanche et potelée que le cardinal embrassa avec transport.
Mais il se fit mal aux lèvres en ne prenant pas garde à l’anneau de l’ar-
chevêque; et, en baisant une seconde fois cette main d’homme, il s’inclina
do manière à laisser tomber la lueur des bougies sur l’anneau qu’il re-
connut, car la grossièreté de l’anneau lui avait donné quelques soupçons.

— A demain, dit-il d’une voix affectueuse.

— Il m’a deviné, pensa l’archevêque, il faudra que je le prévienne.

— Si tu vis encore demain soir, je serai huguenot!. se disait le

cardinal.

Le lendemain, après la séance du concile, ils s’invitèrent à dîner chez
le patriarche d’Aquilée; et, comme c’étaient deux fins compères, ils s’em-
poisonnèrent tous deux, en faisant servir, chacun à son dessein, les
précautions qu’ils prirent séparément pour se garantir l’un de l’autre.

Impéria s’amusa fort de cette aventure, et raconta l’histoire à je ne
sais quel abbé Tourangeau qui ne la comprit guères.

Alfred COUDREUX.

FANTAISIES.

SOÜVEMIRS.

VINGT ANS. ,

Nous étions seuls, devant une fenêtre ouverte, d’où nous regardions
un beau ciel, un de ces ciels purs légèrement dorés par le soleil coa-
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