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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1830 (Nr. 1-9)

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https://doi.org/10.11588/diglit.13563#0013
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*/. -U*.*

chant. Les nocturnes dégradations de la lumière rendent si impression-
nable que l’on s ent tout avec violence. Il semble que la nature, en nous
offrant la vague image d’un tranquille bonheur, nous dise d’en jouir ou
* de le regretter ; et alors, il est difficile de rester calme ; car la joie enivre
ou la douleur accable. La poitrine oppressée, a besoin de laisser échap-
per un soupir : s oupir de mélancolie ou de tristesse, soupir de joie même ;
car il n’est pas toujours un gémissement de l’âme qui se déchire, c’est
souvent aussi trop de bonheur qui cherche à s’exhaler. Le bonheur n’a
pas de langage; plus près de la mélancolie que de la joie, n’est-ce pas
à la première qu’il emprunte ses soupirs?

Elle était debout. J’étais assis près d’elle. Nous parlions... je ne sais
de quoi. Sa main était dans la mienne; cependant, elle ne me l’avait pas
donnée, et je ne me souviens pas non plus de la lui avoir prise. Elle ms la
laissait sans que cela’parût lui déplaire !... Eh non, sans doute, cela ne lui
déplaisait pas, car elle appuyait sa main dans la mienne, elle reposait son
coude sur mon épaule, sur ma poitrine. J’éprouvais une de ces émotions
si fortes que l’on se sent prêt à s’évanouir. Ma vue était troublée. Un
vertige doux et vague s’était emparé de moi, et il ne me restait de mes
idées que ce qui pouvait me rappeler qu’elle partageait le délire de mes
sensations. La pression de sa main si éloquente, si persuasive, me disait
tout sans qu’elle eût besoin de prononcer une seule parole ! J’étais heu-
reux! oh! bien heureux!....

Depuis un moment que nous ne disions plus rien, nous regardions tous
deux devant nous, et sans doute ainsi que le mien, son regard se portait
machinalement sur les choses qui nous entouraient. Je fus tiré de ma rê-
verie par un mouvement que fit sa main en cherchant à se dégager de la
mienne. Alors je m’aperçus de la présence d’une personne qui était sur-
venue. Elis l’avait remarquée avant moi, c’était naturel. Je ne lui témoi-
gnai aucun regret de me séparer d’elle : j’avais obtenu beaucoup , mais
je craignais do l’en faire apercevoir.

Le lendemain, au même lieu, nous étions plus seuls encore. Nous
étions assis l’un près de l’autre. Elle écrivait; je voulus écrire aussi, et je
me penchai vers son papier. Elle ne quitta point sa place; cependant ses
cheveux touchaient ma joue, mes cheveux touchaient son front, mon
cœur battait sur son bras, elle ne s’éloigna pas. Je tenais la plume sans
écrire, elle ne me le fit pas remarquer. Elle observa le même silence
que moi, la même immobilité. O magie! quelles émotions éprouvai-je
alors ! Elles étaient si confuses, que je ne puis me les rappeler; elles étaient
si mobiles, si délirantes, que leur souvenir est vague aujourd’hui, et n’a
laissé en moi que la trace du long et doux baiser, de ce premier baiser
que je lui ai donné, que j’ai reçu d’elle.

Mais l’année d’après, nous étions bien plus heureux! Je ne l’étais que
près d’elle, et je croyais que nous le serions toujours. Elle me voyait
avec tant de plaisir, me quittait avec tant de peine ! Et c’était vrai, bien
vrai. — Point df scmblans, point de fausseté. — Elle avait tout mon
amour, et donnait tout le sien. Depuis un an la vie de l’un était celle
de l’autre. Un an !... oui.... C’est un an de bonheur qu’elle m’a laissé dé-
vorer en me le faisant payer de tout mon avenir.

J’étais bien jeune alors!... J’ignorais qu’on cessât d’aimer: elle me l’ap-
prit.—Je dus partir. Elle pleura beaucoup, et fut sincèrement affligée.
Mais mon absence se prolongea : j’avais perdu ma mère.

Avide de consolations, j’en vins chercher près d’elle, je ne la retrou-
vai plus , ou du moins si changée, qu’elle était perdue pour moi.

Deux mois! et notre amour oublié, et son cœur à un autre!... Oh!
que je l’ai aimée long-temps malgré ses torts !

Combien j’en voulais h mon cœur faible de se porter toujours vers elle;
de s’occuper de son bonheur quand elle m’avait retiré le droit tant ac-
cordé , si bien acquis, d’embellir sa vie par notre seule affection ! Jamais
je ne lui ai fait un reproche, jamais je n’ai conçu le moindre ressentiment.
J’en étais sûr et je le suis encore, elle m’aimait. Elle a pu m’oublier,
mais elle ne m’a pas trompé.

CINQUANTE ANS.

Il y a longues années de cela !.. Jesuis bien vieux; mais mon âme, morte
à tout sentiment de jeunesse, vibre encore à ce souvenir. Il me suit dans
la mort. Mes yeux se fermeront bientôt, mes illusions sont détruites, et
les rêves de mes beaux jours ne peuvent s’effacer. Elle est toujours près
de moi, avec son joli regard, ses douces paroles, ses attachantes ca-
resses. Quand elle prenait mes mains dans les siennes, qu’elle me baisait
doucement au front, elle remplissait alors mon cœur d’une telle joie, que
rien du tumulte de la vie, rien des passions même, n’a pu l’effacer du
cœur dont elle était si maîtresse. Elle l’a quitté, il esJ resté vide. D’au-

tres femmes ont agité ma vie; aucune n’a pris sa place, aucune ne lui a
enlevé mon constant souvenir. Je vivais pour elle-, j’ai vécu sans elle,
mais, je le sens encore, c’est près d’elle que j’aurais voulu mourir. Ma
tête blanchie, mon cœur glacé se rajeunissent à son nom, quand je le
prononce ou quand je repasse dans ma mémoire les souvenirs qui me sont
venus d’elle. Elle est heureuse, elle l’est sans moi, elle l’est depuis notre
séparation; et dans ce cœur où je connus, où j’inspirai tant d’amour, il
ne reste pas un regret, peut-être même.... pas un souvenir.

Le comte Alex, de B.

CROQUIS.

X.ES VOISINS.

A Paris, les deux rangées de maisons parallèles qui forment une rue
sont rarement séparées par une voie assez large pour empêcher les habi-
tans des maisons de droite, d’épier les mystères cachés par les rideaux
des appartemens situés sur la ligne gauche. Il est presque impossible de
ne pas, un jour ou l’autre, connaître la couleur des meubles du voisin ,
son cheval, son chat, ou sa femme.

Il y a des imprudens qui négligent de faire tomber un voile diaphane
sur des scènes d’intérieur, ou de pauvres ménages qui n’ont pas de ri-
deaux à leurs fenêtres; puis des jeunes filles obligées d’avoir du jour, se
montrent dans l’éclat de leur beauté. Souvent nous ne pensons à baisser
cette chaste toile, qu’un peu trop tard, et la grisette surprise se voit
commela chaste Suzanne en proie aux yeux d’un vieil employé h i,2oofr.
qui devient criminel gratis, et ^'surnuméraire apparaît à une janséniste
dans le simple appareil d’un homme qui ss barbifie.... O civilisation! ô
Paris, admirable kaléidoscope qui, toujours agité, noua montre ces quatre
brimborions : l’homme, la femme, l’enfant et le vieillard sous tant de
fermes, que tes tableaux sont innombrables! Oh ! merveilleux Paris !...

Une femme, légèrement prude et dont le mari, ancien agent de change,
habitait plus volontiers la Bourse, les Bouffons, le Bois, et l’Opéra que
le domicile conjugal, occupait un appartement au premier étage d’uno
maison rue Taitbout.

Comme toutes les femmes vertueuses, madame de Noirville restait
dans l’enceinte froide et décente de son ménage, plantée à heure fixe
dans une grande bergère, au coin de sa cheminée en hiver, près de la
fenêtre, or. été. Là , elle faisait de la tapisserie, se montait des collerettes,
lisait des romans, grondait ses enfans , dessinait, calculait..., enfin elle
jouissait de tout le bonheur qu’une femme honnête trouve dans l’accom-
plissement de ses devoirs...

Souvent, et très-involontairement sans doute, ses regards se glissaient
à travers les légères solutions de continuité qui séparaient ses rideaux de
mousseline afin peut-être d’acquérir la connaissance du temps; car elle
avait certainement de trop bonnes façons pour épier ses voisins. Mais, depuis
quelques jours, un malin génie la poussait à contempler les fenêtres do la
maison voisine, nouvellement habitée par un jeune ménage, sans doute
encore plongé dans l’océan des joies primordiales de la lune de miel.

Les doux rayons d’un bonheur éclatant illuminaient la figure de la
jeune femme et celle de son mari, quand, ouvrant la fenêtre pour ra-
fraîchir leurs têtes enflammées, ils venaient légèrement pressés l’un
contre l’autre, s’accouder sur le balcon, et y respirer l’air du soir, ou exa-
miner si l’azur du'eiel leur permettait de sortir. —• Souvent, à la nuit tom-
bante, la voisine curieuse voyait les ombres de ces deux enfans charmans,
se combattre, lutter, se dessiner sur les rideaux, semblables aux jeux
fantasmagoriques de Séraphin. C’étaient les rires les plus ingénus, des
joies d’enfans... puis des langueurs caressantes... Parfois, la jeune femme
était assise, mélancolique et rêveuse, attendant son jeune époux absent.
Elle se mettait souvent à la croisée, occupée du moindre bruit, tressaillant
au moindre pas d’un cheval arrivant du boulevard.

— Comme ils sont unis!... comme ils s’aiment!... disait madame de
Noirville.

Puis elle se mettait à marquer les bas de son petit dernier, le cœur
gros de ses passions rentrées, pesant sa vertu, soupirant et contemplant
le portrait de M. de Noirville, gros homme joufflu comme un fournis-
seur, large comme un banquier.

Enfin, un jour, la femme chaste et prude de l’ancien agent de change
étant arrivée au dernier degré d’estime et de curiosité pour sa voisine, dit
à son mari :

— Je voudrais bien connaître cette petite dame brune qui demeure en

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