QUARANTE-NEUVIÈME ANNÉE Prix du Numéro : 25 centimes SAMEDI lor MAI 1880
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PARIS
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Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
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DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
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ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
Rue Fléchier, 2.
BULLETIN POLITIQUE
C’est un homme d’un grand bon sens et d’un es»
prit fort pratique que M. le préfet de la Seine.
Il vient de le prouver encore dans la circulaire
adressée aux municipalités, au sujet du mariage
civil.
On sait quelles amères et exquises railleries
M. Victorien Sardou a ciselées à ce propos dans son
Daniel Rochat.
Le devoir de tous ceux qui veulent sauvegarder
la dignité de nos institutions laïques, est de ne pas
donner raison à ces railleries-là, en faisant de cette
solennité légale un prétexte à manifestations mal
placées.
Il est arrivé, par exemple, que des assistants,
voire même des assistantes, ont éprouvé le besoin
de prononcer un petit discours iutime.
M. Hérold rappelle aux maires et aux adjoints
que ces accès oratoires ne sont pas de mise dans
une circonstance où la parole appartient au seul
représentant de l’autorité.
Où irait-on, en effet, si cette mode se propageait
par suite d’une tolérance débonnaire?
Chaque cérémonie métamorphoserait en salle de
conférence la salle de la mairie.
Encore, dans une conférence, n’y a-t-il qu’un
porte-parole. Là, on en verrait deux, trois, dix
peut-être, satisfaire leur démangeaison de speech.
Qui sait même si des controverses ne s’établi-
raient pas?
Un parent du marié, aux opinions accentuées,
ayant risqué une phrase d’une allure trop provo-
cante, un parent de la mariée, aux idées rétrogra-
des surgirait soudain pour river son clou au préo-
pinant.
Là-dessus interruptions, ripostes, intervention
pour et contre de tous les assistants et, finalement,
mêlée générale dans laquelle la fleur d’oranger de
l’épousée serait trépignée sans vergogne par les
deux camps affolés.
L’hypothèse joviale ne serait pas moins fâcheuse
que l’hypothèse dramatique*
Vous imaginez-vous un assistant, membre du
Caveau, tenant (absolument à débiter, en présence
du maire et de son écharpe, des couplets chantés
sur 1 air de : J'en guette un petit de mon âge ?
Incontestablement, cela manquerait encore plus
de prestige que n’en manqua feu Bourbeau, de la-
pidaire mémoire.
M. Hérold a donc agi sagement, très sagement,
en opposant un veto préalable à ces tentatives de
prose et de poésie inopportunes.
Mais si l’on doit applaudir à ce qu’il a fait, il con-
vient d’ajouter que quelque chose reste à faire.
Empêcher le mariage civil de devenir ridicule,
c’est bien. Il reste à le rendre solennel par un re-
nouvellement de formule.
Ab ! le mariage religieux est un habile, lui !
Il sait comment il faut s’y prendre pour taire vi-
brer les nerfs, pour surexciter les imaginations.
Ses pompes sont combinées surtout de façon à
agir sur l’organisation impressionnable de la
femme.
Le mariage civil, au contraire, affecte jusqu’ici
une simplicité qui va jusqu’à la sécheresse.
Il y aurait à trouver mieux.
Dans sa circulaire, M. Hérold nous apprend que
des tentatives ont été faites déjà dans ce sens :
« C’est avec une vive satisfaction que j’ai vu s’in-
troduire dans quelques mairies une certaine solen-
nité d’attitude et de costume dans la célébration
des mariages. Ce sont les municipalités des arron-
dissements les plus populeux qui paraissent avoir
pris cette initiative. Je ne puis que les en féliciter
hautement. »
Nous ne demandons pas mieux que de partager
la satisfaction du préfet, bien qu’à vrai dire nous
ne comprenions pas bien en quoi peuvent consister
les tentatives auxquelles il fait allusion.
La solennité d'attitude notamment nous semble
répondre plutôt à une idée prudhommesque qu’à
une idée régénératrice.
La solennité du costume ne nous apparaît pas
non plus avec une clarté bien intense.
En quoi peut-elle bien consister?
Est-ce que jusque-là les maires de ces arrondis-
sements-là opéraient en vareuse? Ou bien ont-ils
ajouté des plumes à leur chapeau haute forme?
Ce n’est que par une mesure d'ensemble qu’on
arrivera au résultat souhaité. Les attitudes variées
et les expériences de toilette sont individuellement
insuffisantes.
Mais il y a lieu de se féliciter tout au moins d’a-
voir à constater que le souci de l’autorité se porte
de ce côté et pressent la nécessité d’une révision
du formulaire matrimonial.
Il y a lieu surtout de remercier M. Hérold d’avoir,
en attendant que le mariage civil devienne une fête
imposante, empêché qu’il lie tourne à la parodie
burlesque.
Pierre Véron
■-♦---
IL EST LOGIQUE
Eh ! oui, il est logique, M. Tristan Lambert, le
néo-légitimiste, le converti du droit divin, le trans-
fuge du bonapartisme.
Il est logique, et c’est vous qui ne l’êtes pas, vous
qui prétendez rester dans l’Empire, le Syllabus sous
le bras.
Si vous êtes avec le Syllabus, il faut que vous
soyez avec le droit divin.
Pas de milieu.
Si vous vous inclinez devant le Vatican, il faut
vous incliner devant Frohsdorf.
L Empire est une formule révolutionnaire, et le
Vatican anathématise ce qui vient de la Révo-
lution.
Le porte-étendard du catholicisme est le comte
de Chambord. Le trône est à lui de par la grâce cé-
leste.
Ceux qui veulent panacher cette grâce de volonté
nationale, sont des impies que l’enfer attend.
Donc, il a raison, M. Tristan Lambert, qui lâche
Jérôme pour Henri.
Ceux qui errent, ceux qui ont perdu la boussole,
ce sont ceux qui veulent être pour l’infaillibilité
pontificale sans être pour l’inaliénabilité royale.
Cela ne fait qu’un tout ces deux mots-là : Sylla-
bus et droit divin.
Relisez plutôt l’histoire.
Est-ce que l’ogre de Corse, prenant le pape au
collet, a jamais été dans la peau d’un orthodoxe?
Au fond, le prince Napoléon suit la vraie tradi-
tion impériale, lui.
Il comprend que l’Empire n’a de raison d’être
que comme protestation soi-disant démocratique
contre l’ancien régime et l’ancienne théocratie.
Mais ceux-là qui zigzaguent dans l’incohérence,
ce sont les impérialistes qui veulent faire de la
maison Bonaparte une succursale de la maison
Bourbon.
La maison Bourbon n’est pas au coin du quai.
Ne pas confondre.
Le monarque qui a ses papiers en règle, le mo-
narque qui a fait viser son passeport à la sacristie,
c’est celui qui attend à Frohsdorf un moment plus
propice.
Tout autre n’est qu’une contrefaçon.
Cela établi, M. Tristan Lambert fait preuve de
sens.
Voulant de la vraie eau de Cologne, il va chez le
vrai Jean-Marie Farina et tourne le dos aux con-
trefacteurs.
Sa démarche, qui, individuellement parlant, est
sans portée, se trouve ainsi avoir un résultat.
Ede a forcé les gens à réfléchir
Elle les amène à cette conclusion que l’idée mo-
narchique a pour représentant le comte de Cham-
bord, que l’idée démocratique a pour représentant
la République, et que, par conséquent, le jéro-
misme ne représente absolument rien qu’une con-
voitise personnelle.
Ce qui est vraiment trop peu.
Paul Girard.
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prit fort pratique que M. le préfet de la Seine.
Il vient de le prouver encore dans la circulaire
adressée aux municipalités, au sujet du mariage
civil.
On sait quelles amères et exquises railleries
M. Victorien Sardou a ciselées à ce propos dans son
Daniel Rochat.
Le devoir de tous ceux qui veulent sauvegarder
la dignité de nos institutions laïques, est de ne pas
donner raison à ces railleries-là, en faisant de cette
solennité légale un prétexte à manifestations mal
placées.
Il est arrivé, par exemple, que des assistants,
voire même des assistantes, ont éprouvé le besoin
de prononcer un petit discours iutime.
M. Hérold rappelle aux maires et aux adjoints
que ces accès oratoires ne sont pas de mise dans
une circonstance où la parole appartient au seul
représentant de l’autorité.
Où irait-on, en effet, si cette mode se propageait
par suite d’une tolérance débonnaire?
Chaque cérémonie métamorphoserait en salle de
conférence la salle de la mairie.
Encore, dans une conférence, n’y a-t-il qu’un
porte-parole. Là, on en verrait deux, trois, dix
peut-être, satisfaire leur démangeaison de speech.
Qui sait même si des controverses ne s’établi-
raient pas?
Un parent du marié, aux opinions accentuées,
ayant risqué une phrase d’une allure trop provo-
cante, un parent de la mariée, aux idées rétrogra-
des surgirait soudain pour river son clou au préo-
pinant.
Là-dessus interruptions, ripostes, intervention
pour et contre de tous les assistants et, finalement,
mêlée générale dans laquelle la fleur d’oranger de
l’épousée serait trépignée sans vergogne par les
deux camps affolés.
L’hypothèse joviale ne serait pas moins fâcheuse
que l’hypothèse dramatique*
Vous imaginez-vous un assistant, membre du
Caveau, tenant (absolument à débiter, en présence
du maire et de son écharpe, des couplets chantés
sur 1 air de : J'en guette un petit de mon âge ?
Incontestablement, cela manquerait encore plus
de prestige que n’en manqua feu Bourbeau, de la-
pidaire mémoire.
M. Hérold a donc agi sagement, très sagement,
en opposant un veto préalable à ces tentatives de
prose et de poésie inopportunes.
Mais si l’on doit applaudir à ce qu’il a fait, il con-
vient d’ajouter que quelque chose reste à faire.
Empêcher le mariage civil de devenir ridicule,
c’est bien. Il reste à le rendre solennel par un re-
nouvellement de formule.
Ab ! le mariage religieux est un habile, lui !
Il sait comment il faut s’y prendre pour taire vi-
brer les nerfs, pour surexciter les imaginations.
Ses pompes sont combinées surtout de façon à
agir sur l’organisation impressionnable de la
femme.
Le mariage civil, au contraire, affecte jusqu’ici
une simplicité qui va jusqu’à la sécheresse.
Il y aurait à trouver mieux.
Dans sa circulaire, M. Hérold nous apprend que
des tentatives ont été faites déjà dans ce sens :
« C’est avec une vive satisfaction que j’ai vu s’in-
troduire dans quelques mairies une certaine solen-
nité d’attitude et de costume dans la célébration
des mariages. Ce sont les municipalités des arron-
dissements les plus populeux qui paraissent avoir
pris cette initiative. Je ne puis que les en féliciter
hautement. »
Nous ne demandons pas mieux que de partager
la satisfaction du préfet, bien qu’à vrai dire nous
ne comprenions pas bien en quoi peuvent consister
les tentatives auxquelles il fait allusion.
La solennité d'attitude notamment nous semble
répondre plutôt à une idée prudhommesque qu’à
une idée régénératrice.
La solennité du costume ne nous apparaît pas
non plus avec une clarté bien intense.
En quoi peut-elle bien consister?
Est-ce que jusque-là les maires de ces arrondis-
sements-là opéraient en vareuse? Ou bien ont-ils
ajouté des plumes à leur chapeau haute forme?
Ce n’est que par une mesure d'ensemble qu’on
arrivera au résultat souhaité. Les attitudes variées
et les expériences de toilette sont individuellement
insuffisantes.
Mais il y a lieu de se féliciter tout au moins d’a-
voir à constater que le souci de l’autorité se porte
de ce côté et pressent la nécessité d’une révision
du formulaire matrimonial.
Il y a lieu surtout de remercier M. Hérold d’avoir,
en attendant que le mariage civil devienne une fête
imposante, empêché qu’il lie tourne à la parodie
burlesque.
Pierre Véron
■-♦---
IL EST LOGIQUE
Eh ! oui, il est logique, M. Tristan Lambert, le
néo-légitimiste, le converti du droit divin, le trans-
fuge du bonapartisme.
Il est logique, et c’est vous qui ne l’êtes pas, vous
qui prétendez rester dans l’Empire, le Syllabus sous
le bras.
Si vous êtes avec le Syllabus, il faut que vous
soyez avec le droit divin.
Pas de milieu.
Si vous vous inclinez devant le Vatican, il faut
vous incliner devant Frohsdorf.
L Empire est une formule révolutionnaire, et le
Vatican anathématise ce qui vient de la Révo-
lution.
Le porte-étendard du catholicisme est le comte
de Chambord. Le trône est à lui de par la grâce cé-
leste.
Ceux qui veulent panacher cette grâce de volonté
nationale, sont des impies que l’enfer attend.
Donc, il a raison, M. Tristan Lambert, qui lâche
Jérôme pour Henri.
Ceux qui errent, ceux qui ont perdu la boussole,
ce sont ceux qui veulent être pour l’infaillibilité
pontificale sans être pour l’inaliénabilité royale.
Cela ne fait qu’un tout ces deux mots-là : Sylla-
bus et droit divin.
Relisez plutôt l’histoire.
Est-ce que l’ogre de Corse, prenant le pape au
collet, a jamais été dans la peau d’un orthodoxe?
Au fond, le prince Napoléon suit la vraie tradi-
tion impériale, lui.
Il comprend que l’Empire n’a de raison d’être
que comme protestation soi-disant démocratique
contre l’ancien régime et l’ancienne théocratie.
Mais ceux-là qui zigzaguent dans l’incohérence,
ce sont les impérialistes qui veulent faire de la
maison Bonaparte une succursale de la maison
Bourbon.
La maison Bourbon n’est pas au coin du quai.
Ne pas confondre.
Le monarque qui a ses papiers en règle, le mo-
narque qui a fait viser son passeport à la sacristie,
c’est celui qui attend à Frohsdorf un moment plus
propice.
Tout autre n’est qu’une contrefaçon.
Cela établi, M. Tristan Lambert fait preuve de
sens.
Voulant de la vraie eau de Cologne, il va chez le
vrai Jean-Marie Farina et tourne le dos aux con-
trefacteurs.
Sa démarche, qui, individuellement parlant, est
sans portée, se trouve ainsi avoir un résultat.
Ede a forcé les gens à réfléchir
Elle les amène à cette conclusion que l’idée mo-
narchique a pour représentant le comte de Cham-
bord, que l’idée démocratique a pour représentant
la République, et que, par conséquent, le jéro-
misme ne représente absolument rien qu’une con-
voitise personnelle.
Ce qui est vraiment trop peu.
Paul Girard.