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Le charivari — 56.1887

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Novembre
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https://doi.org/10.11588/diglit.25276#1201
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PARIS

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Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef

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Rue de la Victoire, 20

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MARDI 1er NOVEMBRE 1887

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Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef

ANNONCES

ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
Rue Joquelet, 11

Les ateliers étant fermés aujourd'hui, lev no-
vembre, le Charivari ne paraîtra pas demain mer-
credi.

Nous ne comprenons plus rien à la marche de la
politique contemporaine, et avec la franchise absolue
que nous avons pour règle,nous dirons que l’attitude
prise en ce moment par M. Grévy nous cause un
étonnement profond.

Avait-il mesuré lui-même toutes les conséquences
de la pression qu’il semblait exercer en ce moment
sur le Parlement?

S’était-il rendu compte qu’en procédant ainsi il
paraissait vouloir exécuter le tour de la carte forcée,
exercice de passe-passe tout à fait indigne de son
caractère justement respecté?

Pourquoi convoquer solennellement président du
Sénat et président de la Chambre, sans compter
l’habile président du Conseil, cause de tout ce pé-
trin ?

Pourquoi donner à entendre qu’on démissionnerait
si l’enquêle était votée?

Celte menace, dont M. Rouvier avait joué lui-même
dans les bureaux, était une manœuvre que de mau-
vais conseillers avaient dû souffler à M. Grévy et à
laquelle il ne pouvait pas se prêter longtemps.

Qu’est-ce à dire? Se retirer, parce que la Chambre
demande unpoco piu di luce! Mais ce serait donner à
penser qu’on a besoin des ténèbres pour cacher de
vilaines choses. Et comme M. Grévy, nous en som-
mes convaincu, n’a pas de ces vilaines choses-là à
cacher, on le mettait dans une très fausse posture.

L’enquête! Mais c’est M. Wilson qui aurait dû la
demander le premier. Il s’en devrait réjouir. A plus
forte raison M. Grévy doit-il la désirer, pour faire
éclater l’innocence de son gendre, — ou pour dégager
sa responsabilité personnelle, si elle révèle des pra-
tiques suspectes.

Et, de fait, vous m’avouerez que les premiers mea
culpa de M, Wilson ne sont pas pour infirmer tous
les soupçons. S’il s’est séparé de ses fameux
40,000 francs, n’est-ce pas un peu l’histoire d’Ata-
lante essayant, en jetant son lest doré, de retarder la
poursuite lancée sur ses talons?

S’il a quitté l’Elysée, n’est-ce pas reconnaître
qu’il n’aurait jamais dû y élire domicile?

Bans ces conditions, l’enquête semble plus indis-
pensable que jamais. Et la nécessité doit en appa-
raître évidente aux yeux de M. Grévy.

C’est oui ou c'est non. SiM. Wilson est un calom-
nié, l’enquête est une réhabilitation pour lui. Si
M. Vilson est un coupable, elle déliera M. Grévy
dune solidarité qui finirait par le compromettre.

Bans un cas comme dans l’autre, il devait, par
conséquent, l'exiger et non la repousser.

f a souvent raillé M. Thiers, quand il menaçait
1 Assemblée de Versailles de rendre son tablier. C’é-
tait la très spirituelle plaisanterie que les monar-
chistes avaient trouvée alors et qu’ils répétaient
sans cesse.

M. Grévy ne peut vouloir s’exposer aux mêmes
ironies.

Des Elyséens ultra-zélés ont commencé à faire
un tapage du diable à propos de celte éventualité
démissionnelle. Avec une emphase qu’ils croient
adroite, ils énumèrent tous les périls qui pourraient
menacer la pauvre France, si M. Grévy se retirait.

A les entendre, ce serait l’ère des ca’aclysmes qui
s’ouvrirait. C’en serait fait de la patrie. Nou« ver-
rions les abominations succéder aux désolations.
Et dzim, et boum !... Une grosse caisse voilée d’un
crêpe !

Ceux qui exagèrent ainsi les conséquences soi-
disant irréparables d’une retraite de M. Grévy, ne
s’aperçoivent-ils donc pas qu’ils démontrent par
cela seul combien le président serait coupable s'il
désertait son poste, en sachant que cette désertion
pourrait nous plonger dans des abîmes aussi effroya-
bles?

Si la guerre civile et la guerr%ex,térieure devaient
véritablement être déchaînées parce que M. Jules
Grévy n’habiterait plus le quartier des Champs-
Elysées, celui-ci commettrait un crime de lèse-
patrie en déménageant sans y être forcé.

Mais, Dieu merci, la France n’en est pas là, et la
presse républicaine n’a pas à refaire, au profit du
président actuel, la fameuse théorie des hommes
providentiels, à l’aide desquels se fabriquait jadis
le césarisme.

M. Jules Grévy a su inspirer le respect par la cor-
rection de son attitude. Il a gardé jusqu’ici une neu-
tralité aussi habile que constitutionnelle. On l’en a
récompensé en prolongeant son mandat. Rien de
plus juste.

Mais il ne faudrait pas, pour cela, tomber dans les
fétichismes courtisanesques dont il convient de lais-
ser le monopole aux monarchistes. Il ne faudrait
pas essayer de nous faire croire que notre nationalité
même se verrait menacée d’anéantissement, parce
que le faulcuil présidentiel serait occupé par un
autre titulaire.

Alors ce no. serait pas la peine d’avoir mis ce
fauteuil-là à la place d’un trône. Et autant vaudrait
demander tout de suite le rétablissement d’un consu-
lat à vie, ou l’institution d’un stafLoudérat.

Encore, à ce point de vue même, les Elyséens
ul ra-zélés dont je parlais feraient-ils fausse route,
car ils obligeraient à se rappeler que M. Jules Grévy
avoisine les quatre-vingts ans, et qu’avec lui le
consulat à vie ne serait pas une sauvegarde d’une
bien longue portée.

On se croyait débarrassé à tout jamais de la
superstition des personnalités nécessaires, supersti-
tion qui est le fléau des démocraties. Veut-on la
ressusciter, par hasard?

Non, les destinées de la France ne sauraient
dépendre d’un homme, quel qu’il soit, encore moins
d’un octogénaire.

Quant aux fantômes qu’on évoque pour terrifier la
Chambre, ils nont pas plus de réalité que la candi-
dature de M. Jules Ferry n’a de vraisemblance. Les
uns sont aussi chimériques que l’autre.

Résumée de sang-froid, la situation est celle-ci :

1° M. Grévy doit rester, aumoins jusqu’au résultat
de l’enquête, à laquelle toute opposilion de sa part
serait déplacée et maladroite

2° Si M. Grévy, faisant un tardif coup de tête, s’en
allait quand même, il serait remplacé, vingt-quatre
heures plus tard, par un vote du Congrès, assez
patriote pour ne choisir ni un casse-cou à panache,
ni un Monlc aventureux.

Pierre Véron.

STATUETTES

M. EMILE DESCHANEL

Ils sont rares, les candidats académiques qui va-
lent l'honneur d’un socle.

Raison de plus pour en offrir un avec empresse-
ment à celui qui fait exception à la règle de banalité
et de médiocrité.

M. Emile Deschanel est celui-là.

Son histoire remonte loin déjà. Au temps, hélas !
où le coup d’Etat prit brutalement la Liberté à la
gorge.

Il était alors professeur dans un collège de Paris.
,Un professeur si jeune, qu’ou l’aurait pris pour le
camarade de ses élèves.

Mais la valeur n’attend pas le nombre des années.

Le dévouement à la cause démocratique non plus.

Si bien que, sous la République césarienne, on
commença par retirer à l’audacieux sa chaire uni-
versitaire. Puis, au 2 décembre, on lui retira sa
patrie.

M. Deschanel fut parmi les proscrits. Bruxelles lui
donna l’hospitalité.

Plus que l'hospitalité, car il y fonda des cours qui
firent tourner les têtes. Les têtes féminines surtout.

C’est qu’il y a, dans le talent de M. Deschanel et
dans son bien dire, quelque chose de féminin, en effet,
au bon sens du mot.

Quelque chose de féminin par la délicatesse des
aperçus, par la finesse de la forme.

Entre temps, il publiait des livres curieux. Succès
sur toute la ligne.

Mais ces succès-là ne consolent pas de l’exil.

Aussi, quelle joie à l’heure du retour !

La députation le récômpensa'dns'épreiivas passées.
Puis, la littérature lui attribua une de ses plus
hautes fonctions : celle de professeur au Collège de
France.4 .

Il y est encoréT’Il y sera longtemps, j’espère, -
remplacé, d’ailleurs, à la Chambre, par son fils, Paul
Deschanel, qui a hérité des grâces oratoires de sou
père.

Comme à Bruxelles, le cours de M. Deschanel est
fêté ici.

C’est le seul peut-être qui refuse du monde dans
ce sanctuaire un peu délaissé de la rue Saint-Jacques.

Gomme à Bruxelles aussi, dans son auditoire,
l’élément féminin entre pour une bonne part.

Et I on vous accuse d’infidélité, mesdames !

Le candidat prochain à l’Académie française a dé-
passé de quelques années la soixantaine. Il n’y pa-
raît pas, à la verve de son esprit toujours jeune.

Ni même à la malice aiguë de son regard.

Ce n’est plus le rose et coquet professeur qu’il fut
si longtemps.
 
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