\^6 C H R O N O L O GIE H I S T O R I Q U E
Monarque ôc pour l’JEtat. Le 13 Juin, le Conneta-
ble Clinon , sortant chi bal à minuit, fut attaqué,
dans la rue Culture Sainte Catherine à Paris, par des
aisaiîins , à la tête desquels étoit Pierre de Craon,
Seigneur puiiîant ôc débauché. Quoique laisse pour
mort, ses blessures ne se trouverent pas dangereuses.
Le Roi, irrité de cet attentat, en reclemande lau-
teur au Duc de Bretagne chez lequel il s’étoit, dit-
011, retiré. Le Duc ayant déclaré qu il ignoroit la re-
traite du coupable , Charles , sur cette réponse qu’il
prit pour une défaite , se détermine à porter la guerre
en Bretagne. II part dans le mois de Juillet pour le
Mans 011 étoit le rendez - vous des troupes 3 ôc en
étant sorti le 5 Août à leur tête, il dirige sa route
vers le but de son expédition. Mais comme il tra-
versoit une forêt le même jour, un homme mal vêtu
& de fort mauvaise mine paroît tout à coup, prend
la bride du cheval du Roi, ôc l’arrête en disant :
Noble Roi, ne pa(fe pas ontre, retourne fur tes pas ,
tu estraki. Cette étrange aventure, jointe à lagrande
chaleur du jour, fait une telle impresïion sur le Roi,
qu’il tombe en frénélie, tire son épée , ôc blelse quel-
ques uns de sa suite. On le sailit avec peine, ôc on
le ramene au Mans sur une charrette à bœufs. De là
on le transporte au Château de Creil-sur-Oise , tou-
jours avec la même aliénation d’esprit. On fît des
vœux par tout le Royaume pour le rétablilTement de
la santé du Monarque; ôc à la fin un Médecin de
Laon , nommé Guillaume Harsely , vint à bout de
le guérir. Mais ce ne fut qu’une guérison pasiagere,
ôc Charles eut dans la suite des rechûtes fréquentes,
ce qui plongea la France dans des malheurs infinis.
Dès les premiers accès du mal, les Ducs de Berri ôc
de Bourgogne prirent en main les rènes de l’Etat.
Leur premier soin fut de destituer les anciens Mi-
nistres, ôc d’y substituer leurs créatures. Clision,
qu’ils haïsioient souverainement, s’enfuit en Breta-
gne. On lui fit son procès, ôc par Arrèt il fut dé-
pouillé de la charge cle Connétable , qui fut donnée,
le 19 Novembre 1392., à Philippe d’Artois, Comte
d’Eu, gendre du Duc de Berri.
La santé du Roi commençoit à se rétablir, ôc l’on
espéroit bientôt le revoir à la tète des affaires. Mais,
l’an 1393, I e 3 1 J anvier, il retombe malheureuse-
ment en démence, à l’occasion d’une mascarade où
il courut risque d’ètre brûlé. Ce Prince, déguisé en
sauvage, avec quatre autres Seigneurs qu’il tenoit
enchainés avec lui, ôc vètu comrne eux d’une robe de
toile sur laquelle étoit attachées des étoupes avec de
la poix-résine, s’étoit rendu au bal en cet équipage.
Comme il arrivoit, le Duc d’Orléans approche un
ssambeau de l’un de ces sauvages. Le feu prit à l’habit
ôc se communiqua aux autres masques, qui ne pu-
rent se séparer à cause de leurs chaînes. La Duchesse
de Berri eut la présence d’esprit d’envelopper le Roi
dans la queue de sa robe ôc d’étouffer le feu. Ce
Prince fut le seul qui échappa. Mais sa tête fut dé-
montée de cet accident. On prétend que ce fut alors
que l’on inventa , pour l’amuser , le jeu de cartes,
ou , selon d’autres, qii’on le renouvella : quelques
uns mettent néanmoins cette invention sous Char-
les VII. Le Roi fait cette année Ôc la suivante divers
pélérinages pour obtenir du Ciel quelque remede à
son mal. L’état déplorable du Monarque n’empèche
pas .dix jeunes Seigneurs attachés à la Cour de pu-
blier, pour le 15 Septembre 1393 , le fameux tour-
noi, connu sous le nom du Pas de Sandricourt, parce
que ce fut pr.ès de ce Château, voisin de Pontoise ,
que le pas d’armes fut indiqué. L’afïluence des hraves
ôc des Dames qui s’y rendirent fut grande , ôc tous
furent somptueusement régalés par Louis de Hedou-
ville, Seigneur du Château, que cette fète militaire
ruina entièrement. ( Voyez-en la descrip. ieclure des
Livres Franc. part. 1, pp. 3 1-40.)
L’an 1394, Edit du 17 Septembre , qui bannit de
France les Juifs à perpétuité. C’est ici le dernier exil
de cette nation malheureuse, dont elle n’a jarnais pu
obtenir la révocation.
L’an 1395, traité signé le 9 Mars entre les Cours
d’Angleterre ôc de France, par lequel on convienr
d’une tréve jusqu’à laS. Michel 1416. Les Ministres
Anglois épousent le mème jour , au nom du Roi
Richard II, leur Maître , Isabelle , fille du Roi de
France.
L’an 139(5, la République de Gènes, agitée par
des faètions intestines, prend le parti de se donner à
la France. Les conditions auxquelles elle se soumet-
toit à cette Couronne, fiirent signées à Gênes le
2.5 Oètobre par les Commissàires de Charles VI. Le
2.7 Novembre suivant, le Doge Antoine Adorne
quitte en leur présence les ornemens du Dogat, ôc
reçoit d’eux, au nom du Roi, le titre de Gouver-
neur de Gènes. ( M. de Bréquigni, Révol. de Gênes.)
La France perdit cette mème année la sseur de sa
Noblelse à la journée de Nico|>oli en Hongrie, où le
Sultan Bajazet I battit l’armee des Chrétiens le z8
Septembre. Dix miile hommes d’armes avoient suivi
le Comte de Nevers, fils du Duc de Bourgogne ,
dans cette expédition. Tous , après avoir fait des
prodiges de valeur , resterenc morts sur le champ de
bataisse, à l’exception cle 300 qui farent amenés prî-,
sonniers aux pieds du vainqueur. Mais Bajazet les
fit égorger en sa présence, ôc n’en réserva que 15 des
plus qualifiés, dans l’espérance d’une forte rançon,
L’Amiral Jean de Vienne, neveu de celui qui dé-
fendit Calais en 1346, fut du nombre de ceux qui
périrent les armes à la main. Le Connétable d’Eu,
qui avoit engagé témérairement l’aètion , mourut
dans les fers. ( Foy. Bajazetl, Sigismond I , R.oï de
Hongrie, ôc Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne. )
Jusqu’à Charles VI on avoit refusé dans le Paxle-
ment de Paris, ôc dans plusieurs autres, des Con-
fesieurs aux criminels condamnés à mort. Le Roi
compatisiant au sort de ces malheureux, rendit, le
1 z Février 1397, ( N. S. ) 1111e Ordonnance par la-
quelie il leur accordoit cette grace , dont les Corde-
liers furent les Ministres gagés pout cet effet., sui- 1
vant Mezerai. I
Malgré la tréve qui subsistoit entre les Couronnes I
de France ôc d’Angleterre , l’antipathie, ou l’ému- 1
lation, si l’on veut, aes deux nations ne laisioit gueres 1
échapper l’occasion de se produire. Rien n’étoit plus? I
commun que les combats particuliers de François ôc I
d’Anglois. L’an 1401, sept François, Barbazan à I
leur tète, ôc sept Anglois, s’étant donné un défi, §
convinrent d’un lieu, etitre Montendre ôc Blaye,
pour le champ de bataille , ôc la viètoire se déclara
pour les premiers. Un anneau d’or garni d’un dia- j
mant fut le prix de chacun aes vainqueurs, comme
011 en étoit convenu.
L’an 1405 , les brouilleries des Maisons d’Or- \
léans ôc de Bourgogne commencent à éclater. Jean,
depuis surnommé Sans peur, chef de la derniere
depuis la mort du Duc Philippe le Hardi, son pere,
arrivée l’an 1404, prend place au Conseil, ôc blâme
hautement l’administration du Duc d’Orléans, quî
Monarque ôc pour l’JEtat. Le 13 Juin, le Conneta-
ble Clinon , sortant chi bal à minuit, fut attaqué,
dans la rue Culture Sainte Catherine à Paris, par des
aisaiîins , à la tête desquels étoit Pierre de Craon,
Seigneur puiiîant ôc débauché. Quoique laisse pour
mort, ses blessures ne se trouverent pas dangereuses.
Le Roi, irrité de cet attentat, en reclemande lau-
teur au Duc de Bretagne chez lequel il s’étoit, dit-
011, retiré. Le Duc ayant déclaré qu il ignoroit la re-
traite du coupable , Charles , sur cette réponse qu’il
prit pour une défaite , se détermine à porter la guerre
en Bretagne. II part dans le mois de Juillet pour le
Mans 011 étoit le rendez - vous des troupes 3 ôc en
étant sorti le 5 Août à leur tête, il dirige sa route
vers le but de son expédition. Mais comme il tra-
versoit une forêt le même jour, un homme mal vêtu
& de fort mauvaise mine paroît tout à coup, prend
la bride du cheval du Roi, ôc l’arrête en disant :
Noble Roi, ne pa(fe pas ontre, retourne fur tes pas ,
tu estraki. Cette étrange aventure, jointe à lagrande
chaleur du jour, fait une telle impresïion sur le Roi,
qu’il tombe en frénélie, tire son épée , ôc blelse quel-
ques uns de sa suite. On le sailit avec peine, ôc on
le ramene au Mans sur une charrette à bœufs. De là
on le transporte au Château de Creil-sur-Oise , tou-
jours avec la même aliénation d’esprit. On fît des
vœux par tout le Royaume pour le rétablilTement de
la santé du Monarque; ôc à la fin un Médecin de
Laon , nommé Guillaume Harsely , vint à bout de
le guérir. Mais ce ne fut qu’une guérison pasiagere,
ôc Charles eut dans la suite des rechûtes fréquentes,
ce qui plongea la France dans des malheurs infinis.
Dès les premiers accès du mal, les Ducs de Berri ôc
de Bourgogne prirent en main les rènes de l’Etat.
Leur premier soin fut de destituer les anciens Mi-
nistres, ôc d’y substituer leurs créatures. Clision,
qu’ils haïsioient souverainement, s’enfuit en Breta-
gne. On lui fit son procès, ôc par Arrèt il fut dé-
pouillé de la charge cle Connétable , qui fut donnée,
le 19 Novembre 1392., à Philippe d’Artois, Comte
d’Eu, gendre du Duc de Berri.
La santé du Roi commençoit à se rétablir, ôc l’on
espéroit bientôt le revoir à la tète des affaires. Mais,
l’an 1393, I e 3 1 J anvier, il retombe malheureuse-
ment en démence, à l’occasion d’une mascarade où
il courut risque d’ètre brûlé. Ce Prince, déguisé en
sauvage, avec quatre autres Seigneurs qu’il tenoit
enchainés avec lui, ôc vètu comrne eux d’une robe de
toile sur laquelle étoit attachées des étoupes avec de
la poix-résine, s’étoit rendu au bal en cet équipage.
Comme il arrivoit, le Duc d’Orléans approche un
ssambeau de l’un de ces sauvages. Le feu prit à l’habit
ôc se communiqua aux autres masques, qui ne pu-
rent se séparer à cause de leurs chaînes. La Duchesse
de Berri eut la présence d’esprit d’envelopper le Roi
dans la queue de sa robe ôc d’étouffer le feu. Ce
Prince fut le seul qui échappa. Mais sa tête fut dé-
montée de cet accident. On prétend que ce fut alors
que l’on inventa , pour l’amuser , le jeu de cartes,
ou , selon d’autres, qii’on le renouvella : quelques
uns mettent néanmoins cette invention sous Char-
les VII. Le Roi fait cette année Ôc la suivante divers
pélérinages pour obtenir du Ciel quelque remede à
son mal. L’état déplorable du Monarque n’empèche
pas .dix jeunes Seigneurs attachés à la Cour de pu-
blier, pour le 15 Septembre 1393 , le fameux tour-
noi, connu sous le nom du Pas de Sandricourt, parce
que ce fut pr.ès de ce Château, voisin de Pontoise ,
que le pas d’armes fut indiqué. L’afïluence des hraves
ôc des Dames qui s’y rendirent fut grande , ôc tous
furent somptueusement régalés par Louis de Hedou-
ville, Seigneur du Château, que cette fète militaire
ruina entièrement. ( Voyez-en la descrip. ieclure des
Livres Franc. part. 1, pp. 3 1-40.)
L’an 1394, Edit du 17 Septembre , qui bannit de
France les Juifs à perpétuité. C’est ici le dernier exil
de cette nation malheureuse, dont elle n’a jarnais pu
obtenir la révocation.
L’an 1395, traité signé le 9 Mars entre les Cours
d’Angleterre ôc de France, par lequel on convienr
d’une tréve jusqu’à laS. Michel 1416. Les Ministres
Anglois épousent le mème jour , au nom du Roi
Richard II, leur Maître , Isabelle , fille du Roi de
France.
L’an 139(5, la République de Gènes, agitée par
des faètions intestines, prend le parti de se donner à
la France. Les conditions auxquelles elle se soumet-
toit à cette Couronne, fiirent signées à Gênes le
2.5 Oètobre par les Commissàires de Charles VI. Le
2.7 Novembre suivant, le Doge Antoine Adorne
quitte en leur présence les ornemens du Dogat, ôc
reçoit d’eux, au nom du Roi, le titre de Gouver-
neur de Gènes. ( M. de Bréquigni, Révol. de Gênes.)
La France perdit cette mème année la sseur de sa
Noblelse à la journée de Nico|>oli en Hongrie, où le
Sultan Bajazet I battit l’armee des Chrétiens le z8
Septembre. Dix miile hommes d’armes avoient suivi
le Comte de Nevers, fils du Duc de Bourgogne ,
dans cette expédition. Tous , après avoir fait des
prodiges de valeur , resterenc morts sur le champ de
bataisse, à l’exception cle 300 qui farent amenés prî-,
sonniers aux pieds du vainqueur. Mais Bajazet les
fit égorger en sa présence, ôc n’en réserva que 15 des
plus qualifiés, dans l’espérance d’une forte rançon,
L’Amiral Jean de Vienne, neveu de celui qui dé-
fendit Calais en 1346, fut du nombre de ceux qui
périrent les armes à la main. Le Connétable d’Eu,
qui avoit engagé témérairement l’aètion , mourut
dans les fers. ( Foy. Bajazetl, Sigismond I , R.oï de
Hongrie, ôc Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne. )
Jusqu’à Charles VI on avoit refusé dans le Paxle-
ment de Paris, ôc dans plusieurs autres, des Con-
fesieurs aux criminels condamnés à mort. Le Roi
compatisiant au sort de ces malheureux, rendit, le
1 z Février 1397, ( N. S. ) 1111e Ordonnance par la-
quelie il leur accordoit cette grace , dont les Corde-
liers furent les Ministres gagés pout cet effet., sui- 1
vant Mezerai. I
Malgré la tréve qui subsistoit entre les Couronnes I
de France ôc d’Angleterre , l’antipathie, ou l’ému- 1
lation, si l’on veut, aes deux nations ne laisioit gueres 1
échapper l’occasion de se produire. Rien n’étoit plus? I
commun que les combats particuliers de François ôc I
d’Anglois. L’an 1401, sept François, Barbazan à I
leur tète, ôc sept Anglois, s’étant donné un défi, §
convinrent d’un lieu, etitre Montendre ôc Blaye,
pour le champ de bataille , ôc la viètoire se déclara
pour les premiers. Un anneau d’or garni d’un dia- j
mant fut le prix de chacun aes vainqueurs, comme
011 en étoit convenu.
L’an 1405 , les brouilleries des Maisons d’Or- \
léans ôc de Bourgogne commencent à éclater. Jean,
depuis surnommé Sans peur, chef de la derniere
depuis la mort du Duc Philippe le Hardi, son pere,
arrivée l’an 1404, prend place au Conseil, ôc blâme
hautement l’administration du Duc d’Orléans, quî