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L’ŒUVRE GRAVE DE WATTEAU.
Le Départ pour les îles, N" 275, représente un enrôlement forcé pour le Mississipi par les
soins des soldats de Law.
La Compagnie du Mississipi s’appliqua à peupler sa colonie. On ramassa un peu
partout ce que Buvat appelle des « demoiselles de moyenne vertu ». Mais les colons les
goûtèrent médiocrement. Alors on pensa à les marier avant leur embarquement. Au
racolage des filles s’ajouta le racolage des garçons, les unes prises dans les mauvais
lieux, les autres dans les prisons.
Law fit autoriser la Compagnie des Indes à mettre sur pied une troupe spéciale:
habit bleu, tricorne galonné d’argent, solde de 20 sous par jour. Le fusil au poing, l’épée
accrochée en bataille à un large baudrier, les Bandouliers du Mississipi devinrent très
vite la terreur des honnêtes gens. Us recevaient une prime de 10 livres par tête d’émi
grant enrôlé par eux. Il y eut des excès fâcheux, des erreurs; à la fin, chaque patrouille
de Bandouliers fut accompagnée d’un officier de police. Saint-Simon s’en indigna après
la chute du Système :
« Ce fut pour les peupler [ces vastes pays], qu’on lit à Paris et dans le royaume des enlèvements de
gens sans aveu et de mendiants valides, hommes et femmes, et de quantité de créatures publiques. Si
cela eût été exécuté avec sagesse et discernement, cela aurait rempli l’objet qu’on se proposait, et soulagé
Paris et les provinces d’un fardeau inutile et dangereux; mais on s’y prit avec tant de violence et de
friponnerie que cela excita de grands murmures. » (Mémoires, Hachette, 1908, Y. XI, 1720, p. 284.)
Il faut dire aussi que, en dehors de ces procédés de racolage, Law ne négligea aucun moyen pour
enrôler des colons volontaires et faciliter leur établissement. (C.-J. Gignoux et F.-F. Leoueu. Le bureau
des rêveries. Paris, Grasset, 1925, pp. 132-164, in-18.)
1720. Watteau chez Gersaïnt. — Le 30 janvier 1718 eut lieu le contrat de mariage de
Edme-François Gersaint, âgé de 24 ans, fils de feu Edme Gersaint, intendant de M. des
Epoises, maître de la Chambre aux Deniers et de feue Marguerite-Edmée Rigault;
demeurant quai Pelletier, avec Marie-Louise Sirois, âgée de 20 ans, deuxième fille de
Pierre Sirois, maître vitrier, demeurant quai Pelletier; assistent à ce contrat les parents
et amis des deux conjoints, et parmi ces derniers, Antoine Dieu, peintre du Roi. Sa pré-
sence est toute naturelle : ami de Pierre Sirois, père de la mariée, avec lequel il est en
relations étroites d’affaires; de plus, par acte en date du 15 janvier 1718, il s’est obligé
à céder son fonds de commerce de marchand de tableaux, cadres, etc., â Edme-
François Gersaint, le futur marié, suivant certaines conditions de paiement, pour le
15 avril 1718. Antoine Dieu exerçait son commerce dans plusieurs boutiques contiguës,
situées sur le Petit Pont. Le 28 avril 1718, le feu prit aux maisons bâties sur le Petit
Pont, et des deux rangées de maisons aucune ne fut épargnée; le pont lui-même
fut fort endommagé. L’incendie provenait d’un bateau de foin amarré à la pointe du
terrain de Notre-Dame, et dont la cause était inconnue. On plaignit beaucoup les jeunes
mariés en leur annonçant le désastre; une somme de 12000 livres avait déjà été versée
comme acompte sur le fonds de commerce. Cependant il y eut un arrangement en date
du 28 octobre 1718, Gersaint ayant trouvé à s’établir sur le Pont Notre-Dame, à l’en-
seigne du Grand Monarque, occupant la boutique n° 35.
De son mariage avec Marie-Louise Sirois, Gersaint eut 4 enfants : Marie-Louise, née
en 1719; Elisabeth-Jeanne, née en 1720; Edme-Gabriel, né en 1722; François, en 1725.
Marie-Louise Sirois mourut en avril 1725, 6 semaines après la naissance de ce dernier
enfant.
L’inventaire après décès décrit les meubles, espèces et marchandises se trouvant au
domicile :
L’ŒUVRE GRAVE DE WATTEAU.
Le Départ pour les îles, N" 275, représente un enrôlement forcé pour le Mississipi par les
soins des soldats de Law.
La Compagnie du Mississipi s’appliqua à peupler sa colonie. On ramassa un peu
partout ce que Buvat appelle des « demoiselles de moyenne vertu ». Mais les colons les
goûtèrent médiocrement. Alors on pensa à les marier avant leur embarquement. Au
racolage des filles s’ajouta le racolage des garçons, les unes prises dans les mauvais
lieux, les autres dans les prisons.
Law fit autoriser la Compagnie des Indes à mettre sur pied une troupe spéciale:
habit bleu, tricorne galonné d’argent, solde de 20 sous par jour. Le fusil au poing, l’épée
accrochée en bataille à un large baudrier, les Bandouliers du Mississipi devinrent très
vite la terreur des honnêtes gens. Us recevaient une prime de 10 livres par tête d’émi
grant enrôlé par eux. Il y eut des excès fâcheux, des erreurs; à la fin, chaque patrouille
de Bandouliers fut accompagnée d’un officier de police. Saint-Simon s’en indigna après
la chute du Système :
« Ce fut pour les peupler [ces vastes pays], qu’on lit à Paris et dans le royaume des enlèvements de
gens sans aveu et de mendiants valides, hommes et femmes, et de quantité de créatures publiques. Si
cela eût été exécuté avec sagesse et discernement, cela aurait rempli l’objet qu’on se proposait, et soulagé
Paris et les provinces d’un fardeau inutile et dangereux; mais on s’y prit avec tant de violence et de
friponnerie que cela excita de grands murmures. » (Mémoires, Hachette, 1908, Y. XI, 1720, p. 284.)
Il faut dire aussi que, en dehors de ces procédés de racolage, Law ne négligea aucun moyen pour
enrôler des colons volontaires et faciliter leur établissement. (C.-J. Gignoux et F.-F. Leoueu. Le bureau
des rêveries. Paris, Grasset, 1925, pp. 132-164, in-18.)
1720. Watteau chez Gersaïnt. — Le 30 janvier 1718 eut lieu le contrat de mariage de
Edme-François Gersaint, âgé de 24 ans, fils de feu Edme Gersaint, intendant de M. des
Epoises, maître de la Chambre aux Deniers et de feue Marguerite-Edmée Rigault;
demeurant quai Pelletier, avec Marie-Louise Sirois, âgée de 20 ans, deuxième fille de
Pierre Sirois, maître vitrier, demeurant quai Pelletier; assistent à ce contrat les parents
et amis des deux conjoints, et parmi ces derniers, Antoine Dieu, peintre du Roi. Sa pré-
sence est toute naturelle : ami de Pierre Sirois, père de la mariée, avec lequel il est en
relations étroites d’affaires; de plus, par acte en date du 15 janvier 1718, il s’est obligé
à céder son fonds de commerce de marchand de tableaux, cadres, etc., â Edme-
François Gersaint, le futur marié, suivant certaines conditions de paiement, pour le
15 avril 1718. Antoine Dieu exerçait son commerce dans plusieurs boutiques contiguës,
situées sur le Petit Pont. Le 28 avril 1718, le feu prit aux maisons bâties sur le Petit
Pont, et des deux rangées de maisons aucune ne fut épargnée; le pont lui-même
fut fort endommagé. L’incendie provenait d’un bateau de foin amarré à la pointe du
terrain de Notre-Dame, et dont la cause était inconnue. On plaignit beaucoup les jeunes
mariés en leur annonçant le désastre; une somme de 12000 livres avait déjà été versée
comme acompte sur le fonds de commerce. Cependant il y eut un arrangement en date
du 28 octobre 1718, Gersaint ayant trouvé à s’établir sur le Pont Notre-Dame, à l’en-
seigne du Grand Monarque, occupant la boutique n° 35.
De son mariage avec Marie-Louise Sirois, Gersaint eut 4 enfants : Marie-Louise, née
en 1719; Elisabeth-Jeanne, née en 1720; Edme-Gabriel, né en 1722; François, en 1725.
Marie-Louise Sirois mourut en avril 1725, 6 semaines après la naissance de ce dernier
enfant.
L’inventaire après décès décrit les meubles, espèces et marchandises se trouvant au
domicile :