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David, Jacques Louis; David, Louis [Ill.]
Le peintre Louis David: 1748 - 1825 (Band 1): Souvenirs & documents inédits — Paris: Havard, 1880

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https://doi.org/10.11588/diglit.65588#0041
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SUCCÈS DES HORACES A ROME

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entier; l’ébauche faite, il entreprit la figure de l’aîné des Horaces qu’il peignit entièrement
aussi finie, aussi achevée qu’on la voit aujourd’hui.
» Tout le tableau fut terminé en onze mois. Drouais y peignit le bras du troisième
Horace dans le fond et le manteau jaune de Sabine. David l’avait aussi chargé de peindre sur
son ébauche la figure de Camille, mais le maître en rentrant lui dit : « Que fais-tu là? c’est
» une figure de plâtre. » Après l’avoir effacée, il la refit entièrement. Toutes les parties du
tableau furent exécutées avec cette facilité consciencieuse et appliquée qui est la meilleure,
et que possèdent seuls ceux qui ont combattu et vaincu de grands obstacles d’exécution.
» Cependant, le croirait-on? la seule partie qui lui ait vraiment donné du mal et
qui l’ait arrêté sérieusement, c’est le pied gauche en avant d’Horace père. Il l’effaça et le
recommença jusqu’à vingt fois. « Enfin, dit David, excédé de fatigue, je le recom-
» mençai jusqu’à ce que j’aie jeté ma gourme. » Il entendait par là le vice de son ancienne
manière qui lui revenait de temps en temps. Ces obstacles décourageants sont communs
dans la pratique de l’art et ne se présentent ordinairement, comme pour le pied des Horaces,
que pour des objets les moins importants et qu’on a le moins prévus. »
Le tableau achevé fut exposé dans l’atelier près de la place du Peuple. Drouais
informait ainsi sa famille du succès qu’obtenait la toile de son maître.
« David a fini son tableau depuis quinze jours. Nulle expression ne peut égaler sa beauté.
On ne peut pas lui donner de plus bel éloge, selon moi, que de dire qu’il égale les trois
maîtres capitaux (ils sont assez connus pour ne pas les nommer). Il est accueilli (David), montré
au doigt de tout le monde à Rome. Italien,.Anglais, Allemand, Russe, Suédois, que sais-je,
toutes les nations envient le bonheur de la France de posséder un tel homme. Son tableau est
public, et il ne cesse d’y aller du monde. Il reçoit tous les jours des vers, latins, italiens, français.
» Je suis à la veille de perdre pour trois ans un homme si utile à ceux qui ont le bonheur
de le connaître, vous jugez quelle est ma peine et celle que je ressentirai quand il sera parti.
Je souhaite pour l’honneur de ma nation qu’on le reçoive dignement et son tableau.il a eu
ici un encens bien plus flatteur, chez nous les choses tombent aussi vite qu’elles s’élèvent. »
David lui-même écrivait au marquis de Bièvre :
« Rome, le 28 août 1785.
» Il faut que je vous informe, monsieur le Marquis, du succès inattendu de mon
tableau, sachant la peine que le peuple Romain a d’accorder quelque mérite à un peintre
français. Mais cette fois ils se sont rendus de bon cœur, et il y a un concours de monde
à mon tableau presque aussi nombreux qu’à la comédie du Séducteur,
» Quel plaisir ce serait pour vous d’en être témoin; au moins je dois vous en
faire la description. D’abord les artistes étrangers ont commencé, ensuite les Italiens,
et par les éloges outrés qu’ils en ont faits, la noblesse en a été avertie. Elle s’y est trans-
portée en foule et on ne parle plus dans Rome que du peintre français et des Horaces. Ce
matin j’ai appointement avec l’ambassadeur de Venise. Les cardinaux veulent voir cet
animal rare et se transportent tous chez moi, et comme l’on sait que le tableau doit partir
incessamment, chacun s’empresse à le voir.
 
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