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m’assurent que notre grand Pirenne, malgré tant d’aperçus
ingénieux, n’a pas su, sur ce point, se dégager de la tradition-
nelle glorification flamande et faire à la Wallonie Ia place qu’elle
mérite. 11 est assez frappant qu’à Liége, comme dans le Hainaut,
on réclame maintenant des histoires régionales, dont on sent la
nécessité.
Mais quelle que soit mon incompétence sur ces sujets con-
troversés, un rapport significatif des dernières commémorations
me paraît à noter. II semble que le patriotisme rétrospectif des
Fiamands ne se plaise qu’à céléb'rer des massacres de Français.
La bataille des Eperons d’or, si éloignée (1302 !) est devenue
extraordinairement populaire parce qu’elle fut l’écraseinent de
la chevalerie française. Toute la Gampine fut soulevée en 1898
pour le centenaire dela Guerre des paysans; on exalta avec
raison l’héroisme de ces pauvres gens révoltés par amour de
leur terre et de leur foi, mais dans tout cet élan, dans tous ces
discours, on découvrait le sentiment mauvais de la haine de la
Franee, ia malédiction de l’étranger. Certains fanatiques fla-
mingants, quand ils vous parlent d’histoire, semblent toujours
regretter le lemps où la mauvaise prononciation de Schild en
Vriend était punie de mort immédiate.
11s nous ont pris nos artistes. Le maître pathétique de Tour-
nai, Roger de le Pasture, Fun des plus grands artistes du
xv e siècle, est incorporé parrni les Fiamands sous le nom de
Yan derWéyden. L’art flamand briilo d’un éclat radieux. L’art
wallon est ignoré.
Je me souviens, Sire, de Fhonneur cjue j’eus de guider Sa
Majesté la Reine et Vous dans cette exposition des Beaux-Arts
de Charleroi qui fut un essai de réagircontre l’errcur courante.
Je n’ai pas oublié Vos étonnements et Votre attention bien-
veillante et compréhensive. Vous avez voulu tout voir. Vous
avez voulu apprécier la variété et l’éclat de ces fleurs cle Wal-
lonie.
On peut discuter encore s’il y a un art wallon ; on ne peut plus
contester qu’il y ait eu cles artistes wallons, à toutes les époques
de Fhistoire. La filiation de Jacques Dubroeucq et de Victor
Rousseau est saisissante et si l’on joint à ces deux noms ceux
de Beauneveu et de Constantin Meunier, on peut affirmer, Con-
trairement à Fopinion généralement répandue, que nous ne
sommcs pas exclusivement cles peintres. Je m’illusionne sans
doute, en raison de la part que j’y ai prise, sur la porlée d’une
démonstration cornrne celle qui fut tentée à Charleroi; mais
m’assurent que notre grand Pirenne, malgré tant d’aperçus
ingénieux, n’a pas su, sur ce point, se dégager de la tradition-
nelle glorification flamande et faire à la Wallonie Ia place qu’elle
mérite. 11 est assez frappant qu’à Liége, comme dans le Hainaut,
on réclame maintenant des histoires régionales, dont on sent la
nécessité.
Mais quelle que soit mon incompétence sur ces sujets con-
troversés, un rapport significatif des dernières commémorations
me paraît à noter. II semble que le patriotisme rétrospectif des
Fiamands ne se plaise qu’à céléb'rer des massacres de Français.
La bataille des Eperons d’or, si éloignée (1302 !) est devenue
extraordinairement populaire parce qu’elle fut l’écraseinent de
la chevalerie française. Toute la Gampine fut soulevée en 1898
pour le centenaire dela Guerre des paysans; on exalta avec
raison l’héroisme de ces pauvres gens révoltés par amour de
leur terre et de leur foi, mais dans tout cet élan, dans tous ces
discours, on découvrait le sentiment mauvais de la haine de la
Franee, ia malédiction de l’étranger. Certains fanatiques fla-
mingants, quand ils vous parlent d’histoire, semblent toujours
regretter le lemps où la mauvaise prononciation de Schild en
Vriend était punie de mort immédiate.
11s nous ont pris nos artistes. Le maître pathétique de Tour-
nai, Roger de le Pasture, Fun des plus grands artistes du
xv e siècle, est incorporé parrni les Fiamands sous le nom de
Yan derWéyden. L’art flamand briilo d’un éclat radieux. L’art
wallon est ignoré.
Je me souviens, Sire, de Fhonneur cjue j’eus de guider Sa
Majesté la Reine et Vous dans cette exposition des Beaux-Arts
de Charleroi qui fut un essai de réagircontre l’errcur courante.
Je n’ai pas oublié Vos étonnements et Votre attention bien-
veillante et compréhensive. Vous avez voulu tout voir. Vous
avez voulu apprécier la variété et l’éclat de ces fleurs cle Wal-
lonie.
On peut discuter encore s’il y a un art wallon ; on ne peut plus
contester qu’il y ait eu cles artistes wallons, à toutes les époques
de Fhistoire. La filiation de Jacques Dubroeucq et de Victor
Rousseau est saisissante et si l’on joint à ces deux noms ceux
de Beauneveu et de Constantin Meunier, on peut affirmer, Con-
trairement à Fopinion généralement répandue, que nous ne
sommcs pas exclusivement cles peintres. Je m’illusionne sans
doute, en raison de la part que j’y ai prise, sur la porlée d’une
démonstration cornrne celle qui fut tentée à Charleroi; mais