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ÉGLISES ROMANES DES VOSGES
transept, au sud, était plus puissant que les autres. Le dosseret auquel la colonne corres-
pondant au doubleau est appuyée semble indiquer que cet arc doubleau devait être doublé. Là
donc le maître de l’œuvre devait établir non pas un transept, mais une travée de chœur, car
les anciens formerets en plein cintre existent à cette travée comme aux autres. N’oublions
pas qu’à cet endroit, par suite de la pente du terrain, le sol de la nef était naguère surélevé
de quatre marches. Du côté nord, au contraire, ce pilier est semblable aux autres.
Autant que les nombreux remaniements quelle a subis permettent d’en juger, la qua-
trième travée double de la nef a dû être modifiée pour servir de transition avec le transept et
le chœur élevés à la lin du XIIIe siècle. Nous avons vu 1 que la voûte de la dernière demi-travée
du bas-côté vers l’est, de chaque côté, est même déjà de cette époque.
On peut supposer —- et la pente du terrain qui monte rapidement vers l’est ne le dénient
pas — que, comme nous le verrons à la Petite église, l’abside principale devait s’ouvrir sur
cette travée, et que les deux absidioles devaient occuper remplacement de la seconde demi-
travée de chacun des bas-côtés. C’est pourquoi elles auront été remplacées par des voûtes
sur croisées d’ogives, lors de la construction du transept et du chœur, à la fin du XIIIe siècle.
Cette dernière partie de l’église devait être suffisamment avancée en 1283, pour qu’on puisse
y consacrer des autels, et elle fut terminée du produit des aumônes recueillies en 1288.
En résumé, l’etude du monument nous montre les quatre travées doubles du mur goutterot
septentrional de la nef comme ayant été construites les premières, vers le milieu du XIIe siècle.
Après une interruption assez longue, vers la fin du même siècle, un autre maître de l’œuvre
et une autre équipe d’ouvriers auront élevé tout le côté sud de la nef correspondant, ainsi que
les deux collatéraux. Comment ces faits s’accordent-ils avec l’incendie dit de 1155 et celui au-
quel il est fait allusion dans l’acte de 1204, sur lesquels nous ne sommes que très imparfaite-
ment documentés 2 ? Le côté nord de la nef est-il le reste d’une église antérieure entièrement
ou presque entièrement construite, puis démolie en partie, ou bien un commencement resté
inachevé? Autant de questions auxquelles l’insuffisance des documents ne nous permet pas de
répondre. Nous nous rappelons toutefois que les documents nous laissent l’impression que,
après l’incendie, la restauration de l’église ne s’est faite que très lentement.
Au commencement du XIIIe siècle, on aura démoli la première demi-travée occidentale,
élevé une nouvelle façade avec une tour3, et couvert la nef de voûtes, soit que celles-ci soient
restées à faire, soit que quelque accident ait obligé à les remplacer, ce qui est moins proba-
ble. Dans le dernier quart du même siècle on aurait ajouté à cette nef un transept et un chœur,
après avoir démoli les absides, si tant est que celles-ci aient jamais été construites, en raccor-
dant tant bien que mal ces nouvelles constructions avec la partie romane, peut-être même
avec la pensée de reconstruire un jour celle-ci dans un style moins démodé 4.
1. V. ci-dessus, p. 330.
2. V. ci-dessus, p. 314.
3. Dans ce cas-là, il faut admettre que la première demi-travée du bas-côté sud tout entière et la voûte de celle du
bas-côté nord ont été refaites lors de la construction de la façade actuelle au XVIIIe siècle.
Il faut remarquer que la première demi-travée du bas-côté sud était voisine de la tour et avait dû souffrir de l'ébran-
lement de celle-ci.
4. Après cela, il semble à peine nécessaire de réfuter la théorie édifiée par Viollot-le-Duc sur la cathédrale de
Saint-Dié. Assurément l’éminent architecte ne l’avait pas bien regardée, si toutefois il en avait vu autre chose que des
dessins. En l’examinant de plus près, il se serait aperçu que les deux côtés de l’église n’étaient pas pareils, que le
côté nord ne pouvait en aucune façon appartenir au XIe siècle, et qu’il avait été certainement élevé d'un seul jet et
par les mêmes ouvriers. Dans tous les cas, il n’y a absolument rien qui permette de supposer que le transept et le
chœur aient été élevés sur des fondements anciens, et encore moins qu’il y aurait eu une abside occidentale, ce que
d’ailleurs il n’avance que d’une façon dubitative. Tout va au contraire. (V. Viollet-le Duc, Dict. rais. d'Archit., t. I,
p. 211).
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transept, au sud, était plus puissant que les autres. Le dosseret auquel la colonne corres-
pondant au doubleau est appuyée semble indiquer que cet arc doubleau devait être doublé. Là
donc le maître de l’œuvre devait établir non pas un transept, mais une travée de chœur, car
les anciens formerets en plein cintre existent à cette travée comme aux autres. N’oublions
pas qu’à cet endroit, par suite de la pente du terrain, le sol de la nef était naguère surélevé
de quatre marches. Du côté nord, au contraire, ce pilier est semblable aux autres.
Autant que les nombreux remaniements quelle a subis permettent d’en juger, la qua-
trième travée double de la nef a dû être modifiée pour servir de transition avec le transept et
le chœur élevés à la lin du XIIIe siècle. Nous avons vu 1 que la voûte de la dernière demi-travée
du bas-côté vers l’est, de chaque côté, est même déjà de cette époque.
On peut supposer —- et la pente du terrain qui monte rapidement vers l’est ne le dénient
pas — que, comme nous le verrons à la Petite église, l’abside principale devait s’ouvrir sur
cette travée, et que les deux absidioles devaient occuper remplacement de la seconde demi-
travée de chacun des bas-côtés. C’est pourquoi elles auront été remplacées par des voûtes
sur croisées d’ogives, lors de la construction du transept et du chœur, à la fin du XIIIe siècle.
Cette dernière partie de l’église devait être suffisamment avancée en 1283, pour qu’on puisse
y consacrer des autels, et elle fut terminée du produit des aumônes recueillies en 1288.
En résumé, l’etude du monument nous montre les quatre travées doubles du mur goutterot
septentrional de la nef comme ayant été construites les premières, vers le milieu du XIIe siècle.
Après une interruption assez longue, vers la fin du même siècle, un autre maître de l’œuvre
et une autre équipe d’ouvriers auront élevé tout le côté sud de la nef correspondant, ainsi que
les deux collatéraux. Comment ces faits s’accordent-ils avec l’incendie dit de 1155 et celui au-
quel il est fait allusion dans l’acte de 1204, sur lesquels nous ne sommes que très imparfaite-
ment documentés 2 ? Le côté nord de la nef est-il le reste d’une église antérieure entièrement
ou presque entièrement construite, puis démolie en partie, ou bien un commencement resté
inachevé? Autant de questions auxquelles l’insuffisance des documents ne nous permet pas de
répondre. Nous nous rappelons toutefois que les documents nous laissent l’impression que,
après l’incendie, la restauration de l’église ne s’est faite que très lentement.
Au commencement du XIIIe siècle, on aura démoli la première demi-travée occidentale,
élevé une nouvelle façade avec une tour3, et couvert la nef de voûtes, soit que celles-ci soient
restées à faire, soit que quelque accident ait obligé à les remplacer, ce qui est moins proba-
ble. Dans le dernier quart du même siècle on aurait ajouté à cette nef un transept et un chœur,
après avoir démoli les absides, si tant est que celles-ci aient jamais été construites, en raccor-
dant tant bien que mal ces nouvelles constructions avec la partie romane, peut-être même
avec la pensée de reconstruire un jour celle-ci dans un style moins démodé 4.
1. V. ci-dessus, p. 330.
2. V. ci-dessus, p. 314.
3. Dans ce cas-là, il faut admettre que la première demi-travée du bas-côté sud tout entière et la voûte de celle du
bas-côté nord ont été refaites lors de la construction de la façade actuelle au XVIIIe siècle.
Il faut remarquer que la première demi-travée du bas-côté sud était voisine de la tour et avait dû souffrir de l'ébran-
lement de celle-ci.
4. Après cela, il semble à peine nécessaire de réfuter la théorie édifiée par Viollot-le-Duc sur la cathédrale de
Saint-Dié. Assurément l’éminent architecte ne l’avait pas bien regardée, si toutefois il en avait vu autre chose que des
dessins. En l’examinant de plus près, il se serait aperçu que les deux côtés de l’église n’étaient pas pareils, que le
côté nord ne pouvait en aucune façon appartenir au XIe siècle, et qu’il avait été certainement élevé d'un seul jet et
par les mêmes ouvriers. Dans tous les cas, il n’y a absolument rien qui permette de supposer que le transept et le
chœur aient été élevés sur des fondements anciens, et encore moins qu’il y aurait eu une abside occidentale, ce que
d’ailleurs il n’avance que d’une façon dubitative. Tout va au contraire. (V. Viollet-le Duc, Dict. rais. d'Archit., t. I,
p. 211).