MARTI
P E I
N PEPIN
N T R E.
&c. &c. &c.
SI Martin Pépin fat revenu dans les Païs-Bas, après avoir voyagé pour s’instruire dans
les plus fàmeusès écoles de peinture, comme on fait presque tous les artistes originai-
res de ces Provinces: les écrivains de la vie des peintres ssamands auroient eu , sélon tou-
te apparence , une ample matière de s’étendre , dans la beauté de les talents & le mérite
de sès ouvrages. On les entendroit célébrer tous d’une meme voix les éloges par des expres-
sions pompeuses , & Mr. Houbraken n’auroit peut-être point employé le prémier ce pa-
rallèle pour exalter sbn habileté. Semblable à l’aigle, qui d’un vol hardi s’élève au dessus
du reste des oiseaux, Pépin surpassa en Italie tous sès patriotes contemporains: au lieu que
sa longue absence , sbn établissèment & sà mort dans un païs fort éloigné , les réduisent
presque au silence , &: les font regretter qu’on ait si peu de connoissance de sà vie & des
productions de sbn pinceau. Encore sà rare capacité sèroit-clle moins connue, si la crain-
te que les hommes à grands talents ont de sè voir éclipsèr par des plus habiles qu’eux, n’a-
voit tiré de la bouche de Rubens quelques paroles plus honorables à sa mémoire, que tous
les éloges des auteurs.
Il étoit natif d’Anvers & contemporain de Rubens, c’est ce qu’on sait de plus particu-
lier pour désigner le tems auquel il vécut. Né peintre il s’appliqua dès sà jeunesse à la pein-
ture , & lorsqu’il y eut fait des progrès considérables il entreprit de voyager. Selon la cou-
tume ordinaire des peintres, il alla en Italie étant encore peu avancé en âge. Romcôc Flo-
rence y étaient alors ce que Corinthe & Athènes avoient été autrefois en Grèce. Les sà-
vants de toute espéce, ôc ce qu’il y avoir d’excellents artistes y abordoient de toutes parts,
c’étoient les sburces où on puisoit le bon goût , les écoles de la perfection , dont les pré-
ceptes & les exemples sêmbloient montrer la route qu’il falloir tenir pour sè faire un grand
nom & immortalisèr sà mémoire par sès talents. Apollon & les Musès méprisés & persé-
cutés par la barbarie ottomane avoient abandonné leur ancien sejour, pour sè retirer au de
là de l’Apennin. Notre artiste acheva de sè former dans cette heureuse région, sès beaux
ouvrages le mirent en vogue & l’excellence de sbn art l’assùra de sà fortune. Il balan^oic
dans le choix du païs où il vouloir en jouir. L’Italie lui promettait des avantages, la no-
blessè romaine & les principaux du clergé lui marquoient l’estime qu’ils fàisbient de sbn pin-
ceau , en l'employant sbuvent à la décoration de leurs palais. L’amour de la patrie sèmbloit
l’emporter d’un autre côté & vouloir le ramener dans les Païs-Bas. Anvers sè ssatta quel-
que tems de l’espérance de le revoir & de le posseder. Le bruit courut qu’il étoit en che-
min pour y revenir. Rubens l’apprit, en fut ému, & ce grand homme qu’on regardoit
comme le phénix de la Flandre dans sbn art, apprit aux autres sàns le vouloir, qu’il ne passbit
pour tel, que parce que Pépin n’y étoit point encore allez connu;car peu de tems après,
ayant été informé que Pépin devenu amoureux d une demoisèlle romaine , l’avoit épousee
& alloit fixer sà demeure à Rome, il. dit, que pour le coup il n’appréhendoit plus que per-
sbnne vînt lui disputer la supériorité dans son art, puisque celui-là serablissbit en Italie.
On ne peut douter après cela que Pépin n’eût été très excellent peintre , le témoigna-
ge de Rubens ayant du moins ici autant de poids que pourroient avoir tous les auteurs con-
temporains , & les connoissèurs en peinture. D’ailleurs un artiste jaloux de sà gloire, fèroit-
il un aveu de cette nature, s’il n’avoit découvert dans un rival des qualités capables de pou-
voir lui contester la primauté qu’il s’étoit acquisè par sès rares talents ? C’est apparemment
sur ce fondement que Weyerman à dit que notre artiste n’étoit point inférieur à Rubens
à plusieurs égards. Nous ne trouvons point de quelle manière celui-ci vint à connoître le
prémier, si c’est pendant sès voyages en Italie, ou si c’est par des tableaux qui furent en-
voiés de ce païs en Flandre, l’un & l’autre pourroient y avoir contribué. Il échappoit peu
Tome II. G de
P E I
N PEPIN
N T R E.
&c. &c. &c.
SI Martin Pépin fat revenu dans les Païs-Bas, après avoir voyagé pour s’instruire dans
les plus fàmeusès écoles de peinture, comme on fait presque tous les artistes originai-
res de ces Provinces: les écrivains de la vie des peintres ssamands auroient eu , sélon tou-
te apparence , une ample matière de s’étendre , dans la beauté de les talents & le mérite
de sès ouvrages. On les entendroit célébrer tous d’une meme voix les éloges par des expres-
sions pompeuses , & Mr. Houbraken n’auroit peut-être point employé le prémier ce pa-
rallèle pour exalter sbn habileté. Semblable à l’aigle, qui d’un vol hardi s’élève au dessus
du reste des oiseaux, Pépin surpassa en Italie tous sès patriotes contemporains: au lieu que
sa longue absence , sbn établissèment & sà mort dans un païs fort éloigné , les réduisent
presque au silence , &: les font regretter qu’on ait si peu de connoissance de sà vie & des
productions de sbn pinceau. Encore sà rare capacité sèroit-clle moins connue, si la crain-
te que les hommes à grands talents ont de sè voir éclipsèr par des plus habiles qu’eux, n’a-
voit tiré de la bouche de Rubens quelques paroles plus honorables à sa mémoire, que tous
les éloges des auteurs.
Il étoit natif d’Anvers & contemporain de Rubens, c’est ce qu’on sait de plus particu-
lier pour désigner le tems auquel il vécut. Né peintre il s’appliqua dès sà jeunesse à la pein-
ture , & lorsqu’il y eut fait des progrès considérables il entreprit de voyager. Selon la cou-
tume ordinaire des peintres, il alla en Italie étant encore peu avancé en âge. Romcôc Flo-
rence y étaient alors ce que Corinthe & Athènes avoient été autrefois en Grèce. Les sà-
vants de toute espéce, ôc ce qu’il y avoir d’excellents artistes y abordoient de toutes parts,
c’étoient les sburces où on puisoit le bon goût , les écoles de la perfection , dont les pré-
ceptes & les exemples sêmbloient montrer la route qu’il falloir tenir pour sè faire un grand
nom & immortalisèr sà mémoire par sès talents. Apollon & les Musès méprisés & persé-
cutés par la barbarie ottomane avoient abandonné leur ancien sejour, pour sè retirer au de
là de l’Apennin. Notre artiste acheva de sè former dans cette heureuse région, sès beaux
ouvrages le mirent en vogue & l’excellence de sbn art l’assùra de sà fortune. Il balan^oic
dans le choix du païs où il vouloir en jouir. L’Italie lui promettait des avantages, la no-
blessè romaine & les principaux du clergé lui marquoient l’estime qu’ils fàisbient de sbn pin-
ceau , en l'employant sbuvent à la décoration de leurs palais. L’amour de la patrie sèmbloit
l’emporter d’un autre côté & vouloir le ramener dans les Païs-Bas. Anvers sè ssatta quel-
que tems de l’espérance de le revoir & de le posseder. Le bruit courut qu’il étoit en che-
min pour y revenir. Rubens l’apprit, en fut ému, & ce grand homme qu’on regardoit
comme le phénix de la Flandre dans sbn art, apprit aux autres sàns le vouloir, qu’il ne passbit
pour tel, que parce que Pépin n’y étoit point encore allez connu;car peu de tems après,
ayant été informé que Pépin devenu amoureux d une demoisèlle romaine , l’avoit épousee
& alloit fixer sà demeure à Rome, il. dit, que pour le coup il n’appréhendoit plus que per-
sbnne vînt lui disputer la supériorité dans son art, puisque celui-là serablissbit en Italie.
On ne peut douter après cela que Pépin n’eût été très excellent peintre , le témoigna-
ge de Rubens ayant du moins ici autant de poids que pourroient avoir tous les auteurs con-
temporains , & les connoissèurs en peinture. D’ailleurs un artiste jaloux de sà gloire, fèroit-
il un aveu de cette nature, s’il n’avoit découvert dans un rival des qualités capables de pou-
voir lui contester la primauté qu’il s’étoit acquisè par sès rares talents ? C’est apparemment
sur ce fondement que Weyerman à dit que notre artiste n’étoit point inférieur à Rubens
à plusieurs égards. Nous ne trouvons point de quelle manière celui-ci vint à connoître le
prémier, si c’est pendant sès voyages en Italie, ou si c’est par des tableaux qui furent en-
voiés de ce païs en Flandre, l’un & l’autre pourroient y avoir contribué. Il échappoit peu
Tome II. G de