JAques Jordaens naquit à Anvers le 19 Mai 1594. Il apprit les premiers principes de
son art chez Adam van Oort. Un génie heureux , une grande facilité pour l’expres.
sion contribuèrent beaucoup à la rapidité de les progrès , 6c il so seroic poussé bien
avant en peu d’années , s’il avoir eu l’avantage de voir l’Italie comme beaucoup d’autres.
Il sontoit lui-même l’utilité de ce voyage, 6c convenoit des fruits qu’l en auroit recueillis,
s’il l’eut exécuté : mais son cœur encore jeune étoit épris d’amour pour la fille de son maî-
tre , 6c cette passion l’emporta sur la convenance de ce voyage. Il ne voulut point quitter
l’objet de sa ssamme de crainte de le perdre , & so ssatta de réparer ce que son art per-
doit par là , en étudiant les ouvrages des maîtres italiens, dans les copies qu’il pourroic
rencontrer en Flandre, où il y en avoir quantité d’excellentes ; ainsi il so maria dans si.
jeunesse 6c so mit dans une espéce d’impuissànce de voyager.
Fixé en Flandre, mais fortement résolu de so dédommager des pertes que son établisse-
ment lui causoit , il visita les curieux du pais pour voir chez eux les tableaux des maîtres
transilpins, qu’il copioit avec une ardeur extrême. Ceux du Caravage,du Titien,de Paul
Véroneso 6c de Bassan avoient pour lui des appas enchanteurs ; il ne so lassbît point de les
âdmirer 6c il en fit une étude toute particulière. 11 fréquentoit en même tems les princi-
paux peintres d’Anvers, examinant leurs ouvrages 6c leurs maniérés. Il y en a qui disont,
qu’il fut un des prémiers difciples de Rubens, il est certain que s’il ne prit point des le*
çons dans son école comme un disoiple, il l’imita du moins en beaucoup de chosos. A ces
recherches il joignit une étude réfléchie de la nature 6c ne négligea rien de ce qui pouvoir
contribuer à so perfection dans l’état où il fe trouvoit. Après ces soins, doué comme il étoit
de grands talents 6c d’un beau génie, il commença à se donner pour maître 6c à peindre
dans le grand goût à l’exemple de Rubens. Les ouvrages, où celui-ci l’avoit souvent em-
ployé, l’avoient mis à portée d’examiner particulièrement so maniéré. En homme prudent
il avoir profité de l’occasion 6c s’en servoit avec tant de succès, qu’on prétend qu’il causo
de la jalousie à son original. Nous verrons ci-après si Sandrart a été bien fondé d’avancer
tout ce qu'il a dit sor ce sujet, ne perdons point Jordaens de vue. Un pinceau moelleux,
un coloris beau 6c solide, une composition riche 6c beaucoup de vérité paroîssent dans tous
sos ouvrages : ainsi il ne faut point s’étonner si Rubens qui chérissbit les beaux arts 6c ceux
qui y excelloient à cherché à lui rendre sorvice.
D’ailleurs si nous mettons leurs ouvrages en parallèle , nous verrons que Rubens pou-
voir trouver en eux de quoi so rassurer, sons avoir recours à la rufe. On pouvoit remar-
quer à peu près la même beauté de coloris dans l’un 6c dans l’autre, les caractères des pallions
peut-être mieux exprimés dans ceux de Jordaens 6c plus de ressemblance avec la nature, mais
le génie, l’invention, la correction du dessèin, des airs de têtes plus relevés 6c plus de no-
blesse dans la maniéré de traiter les sujets triomphoient toujours dans ceux de Rubens. Ce-
pendant Sandrart à dit, sons en rapporter les preuves convenables, que Rubens craignant
de trouver un rival dans Jordaens , lui procura socrettement l’occupation de peindre à dé-
trempe des cartons pour les tapisseries , que le Roi d’Espagne lui avoir demandés , dans
l’espérance que cette peinture affbibliroit la beauté de son coloris 6c le détourneroit de cel-
le à l’huile, comme il arrive assez souvent à ceux qui s y occupent long-tems. Voila le rap-
port de Sandrart, dont il n’allégue aucune preuve. Cependant il a été adopté de plusieurs
6c a passé d’un auteur à l’autre , sons que l’on paroîsse so mettre beaucoup en peine s’il a
été fondé ou non, 6c bientôt il passera pour une vérité incontestable > il aura pour soi le
grand nombre 6c fort peu de personnes l’auront contrédit. Nous ne voulons point accu-
sor ici Sandrart d’imposture , mais avant que de croire ce dessein de Rubens contre Jor-
daens , nous lui demanderions volontiers qu’il nous apprît où il l’a puisé. Si la choso
; Tome II. O étoit
son art chez Adam van Oort. Un génie heureux , une grande facilité pour l’expres.
sion contribuèrent beaucoup à la rapidité de les progrès , 6c il so seroic poussé bien
avant en peu d’années , s’il avoir eu l’avantage de voir l’Italie comme beaucoup d’autres.
Il sontoit lui-même l’utilité de ce voyage, 6c convenoit des fruits qu’l en auroit recueillis,
s’il l’eut exécuté : mais son cœur encore jeune étoit épris d’amour pour la fille de son maî-
tre , 6c cette passion l’emporta sur la convenance de ce voyage. Il ne voulut point quitter
l’objet de sa ssamme de crainte de le perdre , & so ssatta de réparer ce que son art per-
doit par là , en étudiant les ouvrages des maîtres italiens, dans les copies qu’il pourroic
rencontrer en Flandre, où il y en avoir quantité d’excellentes ; ainsi il so maria dans si.
jeunesse 6c so mit dans une espéce d’impuissànce de voyager.
Fixé en Flandre, mais fortement résolu de so dédommager des pertes que son établisse-
ment lui causoit , il visita les curieux du pais pour voir chez eux les tableaux des maîtres
transilpins, qu’il copioit avec une ardeur extrême. Ceux du Caravage,du Titien,de Paul
Véroneso 6c de Bassan avoient pour lui des appas enchanteurs ; il ne so lassbît point de les
âdmirer 6c il en fit une étude toute particulière. 11 fréquentoit en même tems les princi-
paux peintres d’Anvers, examinant leurs ouvrages 6c leurs maniérés. Il y en a qui disont,
qu’il fut un des prémiers difciples de Rubens, il est certain que s’il ne prit point des le*
çons dans son école comme un disoiple, il l’imita du moins en beaucoup de chosos. A ces
recherches il joignit une étude réfléchie de la nature 6c ne négligea rien de ce qui pouvoir
contribuer à so perfection dans l’état où il fe trouvoit. Après ces soins, doué comme il étoit
de grands talents 6c d’un beau génie, il commença à se donner pour maître 6c à peindre
dans le grand goût à l’exemple de Rubens. Les ouvrages, où celui-ci l’avoit souvent em-
ployé, l’avoient mis à portée d’examiner particulièrement so maniéré. En homme prudent
il avoir profité de l’occasion 6c s’en servoit avec tant de succès, qu’on prétend qu’il causo
de la jalousie à son original. Nous verrons ci-après si Sandrart a été bien fondé d’avancer
tout ce qu'il a dit sor ce sujet, ne perdons point Jordaens de vue. Un pinceau moelleux,
un coloris beau 6c solide, une composition riche 6c beaucoup de vérité paroîssent dans tous
sos ouvrages : ainsi il ne faut point s’étonner si Rubens qui chérissbit les beaux arts 6c ceux
qui y excelloient à cherché à lui rendre sorvice.
D’ailleurs si nous mettons leurs ouvrages en parallèle , nous verrons que Rubens pou-
voir trouver en eux de quoi so rassurer, sons avoir recours à la rufe. On pouvoit remar-
quer à peu près la même beauté de coloris dans l’un 6c dans l’autre, les caractères des pallions
peut-être mieux exprimés dans ceux de Jordaens 6c plus de ressemblance avec la nature, mais
le génie, l’invention, la correction du dessèin, des airs de têtes plus relevés 6c plus de no-
blesse dans la maniéré de traiter les sujets triomphoient toujours dans ceux de Rubens. Ce-
pendant Sandrart à dit, sons en rapporter les preuves convenables, que Rubens craignant
de trouver un rival dans Jordaens , lui procura socrettement l’occupation de peindre à dé-
trempe des cartons pour les tapisseries , que le Roi d’Espagne lui avoir demandés , dans
l’espérance que cette peinture affbibliroit la beauté de son coloris 6c le détourneroit de cel-
le à l’huile, comme il arrive assez souvent à ceux qui s y occupent long-tems. Voila le rap-
port de Sandrart, dont il n’allégue aucune preuve. Cependant il a été adopté de plusieurs
6c a passé d’un auteur à l’autre , sons que l’on paroîsse so mettre beaucoup en peine s’il a
été fondé ou non, 6c bientôt il passera pour une vérité incontestable > il aura pour soi le
grand nombre 6c fort peu de personnes l’auront contrédit. Nous ne voulons point accu-
sor ici Sandrart d’imposture , mais avant que de croire ce dessein de Rubens contre Jor-
daens , nous lui demanderions volontiers qu’il nous apprît où il l’a puisé. Si la choso
; Tome II. O étoit