CHRISTOPHLE VAN DER LAENEN
PEINTRE.
&c. &c. &c.
QUoique les grands talents aient toujours mérité l’estime de ceux qui en connoissenc
le prix, 6c que Christophle van der Laenen en ait possédé d’excellents pour lapcin-
' ture, cependant ceux qui ont écrit la vie des peintres ssamands ne paroissent point
s’être mis beaucoup en frais pour donner à la postérité une connoissance circonstanciée de
celle de cet artiste. Le mauvais üsage qu’il a fait des dons précieux que la nature lui avoir
départis, y auroit-il contribué? & la liberté scandaleuse qu’il donna quelquefois a son pin-
ceau auroit-elle ssétri sa mémoire & aigri ces hissoriens jusqu a vouloir priver le public des
particularités innocentes de sà vie? c’est ce qui ne nous paroît pas fort vraisemblable. Lamo-
destie de plusieurs auroit pu les engager à ne point entrer dans le détail odieux des sujets
trop libres qu’il a traités , mais quand on voit VZeyerman garder en quelque maniéré le
silence sur son chapitre, lui qui s’égaie ordinairement sur cette matière, 6c qui n’est jamais
plus éloquent que quand il s’agit de plaisànter grossiérement dans ce goût, il fiut qu’une
autre raison ait déterminé les auteurs hollandois 6c françois à garder le silence dans les di-
vers ouvrages qu’ils ont donnés en fiiveur des peintres 6c de la peinture , vu qu’ils ne di-
sènt presque rien de celui-ci. Sa naissance, sâ mort, le lieu ou les lieux de l’une de
l’autre ne sont rapportés nulle part, 6c demeurent enveloppés dans des ténèbres obscures, d’où
on pourra d’autant moins les retirer , qu’on avancera plus en âge, les auteurs ses contem-
porains ayant négligé de les rapporter. Mais finissons de nous plaindre de ce qu’il est prêt
que ignoré, pour fiire mention de ces ouvrages, dont on peut parler sans oflenler la chas-
teté des oreilles 6c sans manquer au respeét qui est dû au leôleur.
Les auteurs hollandois ont coutume de parler de van der Laenen , d’abord après avoir
rapporté la vie d’un peintre accoutumé à peindre des églises, ôc débutent en le mettant en
opposition avec lui. En effet l’occupation de ces deux artistes étoit extrêmement oppolce,
l’esprit enjoué 6c non ennemi de la débauche que notre peintre fit paroître , l’engagea à
représenter des sujets conformes au penchant qui le dominoit. Ses tableaux au rapport de
Corneille de Bie 6c de Weyerman après lui, n’offrent que des amourettes , des parties de
plaisirs, des assemblées d’une jeunesse volage , où les deux sexes paroislent vouloir s’inspi-
rer l’un à l’autre les pallions qui les enssamment par leurs gestes, leurs regards, leurs chau-
lons 6c leurs danses. Les collations n’y sont point oubliées, les personnages représentent
souvent gens qui boivent outre mésure, le vin, la nuit, l’amour, conseillers ordinaires des
cœurs qui courent a leur défaite, ou qu’ils s’efforcent de remporter des victoires ont leurs
places dans la plûpart , 6c on y voit sans déguisement tantôt les marques d une cœur qui
capitule, tantôt des attaques où la vertu n’oppose qu’une foible résistance , plus propre a
exciter qu’a étouffer les pallions. Si la liberté des sujets ne mérite point des éloges, on ne peut
néanmoins nier que l’artiste n’y montre beaucoup de talent 6c ne donne des preuves dune
rare capacité. Non content d’y peindre les figures au naturel; il y a retrace les caraéleres
parfaitement bien 6c les airs qu il donne ou les attitudes expriment les pallions 6c les effets
du vin avec une naïveté étonnante, qu’on ne sauroit allez louer si elle se trouvoit aussi bien
répandue par tout ailleurs, que dans des tableaux, dont le tout ensèmble n’inspire que des
idées sales.
On remarque la même naïveté dans lès autres ouvrages, où il a peint des tabagies 6c des
assemblées de buveurs : par tout c’est la nature qu’il rend, 6c le speclateur ne peut lui re-
fusèr son admiration, soit qu’il représènte des compagnies de jour â la clarté du soleil, loit
qu’il représente celles de nuit â la lueur de la chandelle. On voit dans les unes 6c dans les
autres un grand effet de la lumière , qu’il sàvoit artistement répandre sur les plus interes-
lantes parties de ses tableaux, afin d’y attirer l’œil. Son intelligence dans le clair obscur s y
Tome IL %
PEINTRE.
&c. &c. &c.
QUoique les grands talents aient toujours mérité l’estime de ceux qui en connoissenc
le prix, 6c que Christophle van der Laenen en ait possédé d’excellents pour lapcin-
' ture, cependant ceux qui ont écrit la vie des peintres ssamands ne paroissent point
s’être mis beaucoup en frais pour donner à la postérité une connoissance circonstanciée de
celle de cet artiste. Le mauvais üsage qu’il a fait des dons précieux que la nature lui avoir
départis, y auroit-il contribué? & la liberté scandaleuse qu’il donna quelquefois a son pin-
ceau auroit-elle ssétri sa mémoire & aigri ces hissoriens jusqu a vouloir priver le public des
particularités innocentes de sà vie? c’est ce qui ne nous paroît pas fort vraisemblable. Lamo-
destie de plusieurs auroit pu les engager à ne point entrer dans le détail odieux des sujets
trop libres qu’il a traités , mais quand on voit VZeyerman garder en quelque maniéré le
silence sur son chapitre, lui qui s’égaie ordinairement sur cette matière, 6c qui n’est jamais
plus éloquent que quand il s’agit de plaisànter grossiérement dans ce goût, il fiut qu’une
autre raison ait déterminé les auteurs hollandois 6c françois à garder le silence dans les di-
vers ouvrages qu’ils ont donnés en fiiveur des peintres 6c de la peinture , vu qu’ils ne di-
sènt presque rien de celui-ci. Sa naissance, sâ mort, le lieu ou les lieux de l’une de
l’autre ne sont rapportés nulle part, 6c demeurent enveloppés dans des ténèbres obscures, d’où
on pourra d’autant moins les retirer , qu’on avancera plus en âge, les auteurs ses contem-
porains ayant négligé de les rapporter. Mais finissons de nous plaindre de ce qu’il est prêt
que ignoré, pour fiire mention de ces ouvrages, dont on peut parler sans oflenler la chas-
teté des oreilles 6c sans manquer au respeét qui est dû au leôleur.
Les auteurs hollandois ont coutume de parler de van der Laenen , d’abord après avoir
rapporté la vie d’un peintre accoutumé à peindre des églises, ôc débutent en le mettant en
opposition avec lui. En effet l’occupation de ces deux artistes étoit extrêmement oppolce,
l’esprit enjoué 6c non ennemi de la débauche que notre peintre fit paroître , l’engagea à
représenter des sujets conformes au penchant qui le dominoit. Ses tableaux au rapport de
Corneille de Bie 6c de Weyerman après lui, n’offrent que des amourettes , des parties de
plaisirs, des assemblées d’une jeunesse volage , où les deux sexes paroislent vouloir s’inspi-
rer l’un à l’autre les pallions qui les enssamment par leurs gestes, leurs regards, leurs chau-
lons 6c leurs danses. Les collations n’y sont point oubliées, les personnages représentent
souvent gens qui boivent outre mésure, le vin, la nuit, l’amour, conseillers ordinaires des
cœurs qui courent a leur défaite, ou qu’ils s’efforcent de remporter des victoires ont leurs
places dans la plûpart , 6c on y voit sans déguisement tantôt les marques d une cœur qui
capitule, tantôt des attaques où la vertu n’oppose qu’une foible résistance , plus propre a
exciter qu’a étouffer les pallions. Si la liberté des sujets ne mérite point des éloges, on ne peut
néanmoins nier que l’artiste n’y montre beaucoup de talent 6c ne donne des preuves dune
rare capacité. Non content d’y peindre les figures au naturel; il y a retrace les caraéleres
parfaitement bien 6c les airs qu il donne ou les attitudes expriment les pallions 6c les effets
du vin avec une naïveté étonnante, qu’on ne sauroit allez louer si elle se trouvoit aussi bien
répandue par tout ailleurs, que dans des tableaux, dont le tout ensèmble n’inspire que des
idées sales.
On remarque la même naïveté dans lès autres ouvrages, où il a peint des tabagies 6c des
assemblées de buveurs : par tout c’est la nature qu’il rend, 6c le speclateur ne peut lui re-
fusèr son admiration, soit qu’il représènte des compagnies de jour â la clarté du soleil, loit
qu’il représente celles de nuit â la lueur de la chandelle. On voit dans les unes 6c dans les
autres un grand effet de la lumière , qu’il sàvoit artistement répandre sur les plus interes-
lantes parties de ses tableaux, afin d’y attirer l’œil. Son intelligence dans le clair obscur s y
Tome IL %