DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.61266#0189
I
JEAN LIEVENS
JEan Livens étoit fils de Henri Livens habile brodeur ensïiitc fermier , 6c de Matilde
Jeanne van Noortzant sa femme. 11 naquit en Hollande le 2.4 Novembre 1607. Le
penchant extraordinaire qu’il fit paroître pour la peinture durant sbn enfance, fut cau-
sè que dès l’âge de huit ans , sbn père le mit chez George Verschoten pour y apprendre
les premiers cléments de cet art. Des progrès étonnants répondant â son application , il
fut envoyé â Amsterdam chez le célébré peintre Pierre Lasteman, afin d’y continuer sès
études. Son maître 6c les connoisseurs ne sâvoient assez admirer les talents de ce jeune éle-
vé. Ses ouvrages loin de se relsentir de la tendresse de sbn âge, ressembloient plutôt â ceux
d’un peintre formé. C’est ainsi que les grands hommes ont coutume de s’annoncer. Qua-
tre ans d’école chez ces deux maîtres suffirent au jeune Livens, pour le faire regarder com-
me un habile artiste. Un beau génie & une application assidue avoient fait en lui ce que
le tems 6c l’instrudion ne font dans les autres qu’â l’aide d’une longue suite d’années.
Privé de sès maîtres n’ayant encore qu environ douze ans & toujours désireux d’attein-
dre la perfection de sbn art, il prit la nature pour guide en rentrant dans la maisbn pa-
ternelle , ôc par l’étude resséchie qu’il en fit 6c ses soins â l’imiter , il se fit bientôt une
belle réputation. Tous les connoisseurs étoient surpïis de la rare capacité d’un jeune
homme d’environ treize ans, 6c conçurent dès lors les plus belles espérances de ses ta-
lents. Quelques ouvrages des meilleurs peintres des Pais-Bas , qu’il copia fixèrent son
goût 6c publièrent sbn mérite. Nous liions dans les historiens Hollandois qu’il imita si
parfaitement un tableau de Corneille Cornelilsen de Haarlem qu’on ne pouvoir distin-
guer la copie d’avec l’original. On dit qu’il travailloit avec une attention toute particuliè-
re, en voici la preuve. Le quatrième de Novembre mil six cent dix-huit s’étant élevé
de grandes disputes â Leiden entre les Remontrants 6c la milice volontaire à haute paie,
dont la diseorde augmenta jusqu a obliger les bourguèmaîtres de la ville â mettre la bour-
geoisie sous les armes pour faire cesser le tumulte ; il continua â dessiner proche de sâ fenê-
tre avec tant de soin qu’il ne s’en apperçut pas, & qu’il n’y fit point plus de réssexion que
si c’eut été une quérelle étrangère, qui n’interessat point ses concitoyens. Cet échantillon
suffira pour convaincre le leéteur combien il étoit attentif â sbn travail, 6c ses tableaux le
persuaderont de sbn habileté.
Ce fut vers ce tems-lâ qu’il fit le portrait de sâ mère , où il réussit merveilleusèment.
Mais ce qui acheva d’établir sâ réputation, fut un tableau de sbn invention de grandeur
naturelle , représèntant une étudiant sbn bonnet sur la tête , enveloppé dans sès habits 6c
assis près d’un feu de tourbe, lisànt dans un livre. Cette pièce fi t tant de bruit par la naï-
veté avec laquelle elle rendoit la nature, le grand goût qui y régnoit, 6c l’art avec lequel
elle étoit exécutée, que le Prince d’Orange Frédéric Henri en ayant oui louer le mérite la
fit acheter , 6c en fit présènt ensuite â l’ambassâdeur de Sa Majesté Britannique, comme
d’un chef-d’œuvre de la peinture. Celui-ci étant de retour en Angleterre 6c voyant l’esti-
me que sbn prince faisbit de ce tableau, lui en fit présènt â sbn tour : ainsi Livens voyant
ses ouvrages recherchés dans sbn païs 6c chez les étrangers , conçut le dessèin de voyager
â l’exemple de la plûpart des peintres. Ses talents étant connus â la cour de Londre, il s’y
rendit. Son étudiant avoit prévenu le Roi en sâ faveur. Dès son arrivée il vit Sa Majesté
dans la disposition d’employer sbn pinceau , 6c peu après il eut l’honneur de faire le por-
trait de ce Prince, celui de la Reine sâ femme, du Prince de Galles 6c de toute la famille
Royale.
Les courtisâns suivirent l’exemple du Prince, la plûpart d’entre eux se firent peindre par
Z z r Li-
JEAN LIEVENS
JEan Livens étoit fils de Henri Livens habile brodeur ensïiitc fermier , 6c de Matilde
Jeanne van Noortzant sa femme. 11 naquit en Hollande le 2.4 Novembre 1607. Le
penchant extraordinaire qu’il fit paroître pour la peinture durant sbn enfance, fut cau-
sè que dès l’âge de huit ans , sbn père le mit chez George Verschoten pour y apprendre
les premiers cléments de cet art. Des progrès étonnants répondant â son application , il
fut envoyé â Amsterdam chez le célébré peintre Pierre Lasteman, afin d’y continuer sès
études. Son maître 6c les connoisseurs ne sâvoient assez admirer les talents de ce jeune éle-
vé. Ses ouvrages loin de se relsentir de la tendresse de sbn âge, ressembloient plutôt â ceux
d’un peintre formé. C’est ainsi que les grands hommes ont coutume de s’annoncer. Qua-
tre ans d’école chez ces deux maîtres suffirent au jeune Livens, pour le faire regarder com-
me un habile artiste. Un beau génie & une application assidue avoient fait en lui ce que
le tems 6c l’instrudion ne font dans les autres qu’â l’aide d’une longue suite d’années.
Privé de sès maîtres n’ayant encore qu environ douze ans & toujours désireux d’attein-
dre la perfection de sbn art, il prit la nature pour guide en rentrant dans la maisbn pa-
ternelle , ôc par l’étude resséchie qu’il en fit 6c ses soins â l’imiter , il se fit bientôt une
belle réputation. Tous les connoisseurs étoient surpïis de la rare capacité d’un jeune
homme d’environ treize ans, 6c conçurent dès lors les plus belles espérances de ses ta-
lents. Quelques ouvrages des meilleurs peintres des Pais-Bas , qu’il copia fixèrent son
goût 6c publièrent sbn mérite. Nous liions dans les historiens Hollandois qu’il imita si
parfaitement un tableau de Corneille Cornelilsen de Haarlem qu’on ne pouvoir distin-
guer la copie d’avec l’original. On dit qu’il travailloit avec une attention toute particuliè-
re, en voici la preuve. Le quatrième de Novembre mil six cent dix-huit s’étant élevé
de grandes disputes â Leiden entre les Remontrants 6c la milice volontaire à haute paie,
dont la diseorde augmenta jusqu a obliger les bourguèmaîtres de la ville â mettre la bour-
geoisie sous les armes pour faire cesser le tumulte ; il continua â dessiner proche de sâ fenê-
tre avec tant de soin qu’il ne s’en apperçut pas, & qu’il n’y fit point plus de réssexion que
si c’eut été une quérelle étrangère, qui n’interessat point ses concitoyens. Cet échantillon
suffira pour convaincre le leéteur combien il étoit attentif â sbn travail, 6c ses tableaux le
persuaderont de sbn habileté.
Ce fut vers ce tems-lâ qu’il fit le portrait de sâ mère , où il réussit merveilleusèment.
Mais ce qui acheva d’établir sâ réputation, fut un tableau de sbn invention de grandeur
naturelle , représèntant une étudiant sbn bonnet sur la tête , enveloppé dans sès habits 6c
assis près d’un feu de tourbe, lisànt dans un livre. Cette pièce fi t tant de bruit par la naï-
veté avec laquelle elle rendoit la nature, le grand goût qui y régnoit, 6c l’art avec lequel
elle étoit exécutée, que le Prince d’Orange Frédéric Henri en ayant oui louer le mérite la
fit acheter , 6c en fit présènt ensuite â l’ambassâdeur de Sa Majesté Britannique, comme
d’un chef-d’œuvre de la peinture. Celui-ci étant de retour en Angleterre 6c voyant l’esti-
me que sbn prince faisbit de ce tableau, lui en fit présènt â sbn tour : ainsi Livens voyant
ses ouvrages recherchés dans sbn païs 6c chez les étrangers , conçut le dessèin de voyager
â l’exemple de la plûpart des peintres. Ses talents étant connus â la cour de Londre, il s’y
rendit. Son étudiant avoit prévenu le Roi en sâ faveur. Dès son arrivée il vit Sa Majesté
dans la disposition d’employer sbn pinceau , 6c peu après il eut l’honneur de faire le por-
trait de ce Prince, celui de la Reine sâ femme, du Prince de Galles 6c de toute la famille
Royale.
Les courtisâns suivirent l’exemple du Prince, la plûpart d’entre eux se firent peindre par
Z z r Li-