56 L U C V À N UDEN, &c.
combien peu il étoic fàvorifé de la fortune, il résolut de lui rendre lervice. Des qu’il l’eût
rencontré, il lui témoigna de l’estime, l’introduisit chez les connoisseurs & lui procura de
l’occupation. Van Uden commença à débiter les ouvrages, son sort s’adoucissoit & sa ré-
putation te répandoit : mais Rubens acheva de l’établir en te tervant de son pinceau pour
peindre les ciels & les paysàges de tes tableaux. Il n’en falloir point davantage pour accré-
diter van Uden, qui îàvoit parfaitement accommoder là maniéré & son ton de couleur à
celui de Rubens : mais celui-ci voulant étendre là protection encore plus outre, peignit
lui-même quelques belles figures dans les tableaux de notre paysagiste: ce qui eut un tel
effet, que dès lors van Uden eut toujours de quoi s’occuper, & faire valoir son talent.
Appuié du crédit de Rubens &: éclairé de les làges conseils, il forma de grandes entre-
prîtes qui lui firent un grand nom. La ville de Gand lui demanda plulieurs grands ta-
bleaux, pour la décoration des chapelles de son églite cathédrale. C’est ici que le pinceau
de van Uden étala une bonne partie des beautés qu’il làvoit produire, en rangeant avec au-
tant d’ordre que d’agrément les richessès &: l’abondance de la nature. Ici ce sont des co-
teaux charmants, des vues enchantées & une agréable verdure qui y régnent. Là ce sont
des lointains admirables, variés quelquefois d’un grand nombre d’objets différents, des bois,
des rochers, ayant tantôt des arbres crûs dans leurs fentes, tantôt des ruisseaux qui te préci-
pitent. Des cieux clairs contribuent à en dévoiler les charmes, tout y estintéressant, tout s’y
soutient, & par tout régne une touche légère avec laquelle il feuille parfaitement tes ar-
bres , ensorte qu’il ne leur manque que le mouvement, pour faire décider que c’est la na-
ture même. Ces belles pièces exposées aux yeux du public 6c chargées de plusieurs figu-
res très bien faites, méritèrent l’approbation de tous les connoisseurs, firent connoître van
Uden pour un excellent maître & lui assignerent une place honorable dans les cabinets des
curieux. C’est ainsi que la protection de Rubens fit sortir les talents de van Uden de l’ob-
seurité où ils languissoient, pour les mettre au plus beau jour: mais après la mort de Ru-
bens nous perdons encore notre artiste de vue. Cependant la multitude de les ouvrages
peut persoader qu’il n’a point demeuré oisif, 6c qu’il éprouva pendant toute sà vie com-
bien il est avantageux d’être protégé des grands hommes, quoiqu’on ait le bonheur de pos
séder de beaux talents.
11 mourut vers l’an mil six cent soixante, âgé d’environ soixante-cinq ans. C’est ce que
nous avons pu découvrir par rapport à sa personne. Ceux qui ont écrit sa vie ou qui ont
parlé de lui ne paroîssent point mieux instruits de ces faits, tous, exceptez un seul, dont nous
avons parlé ici, n’en faisànt aucune mention. Il est aussi incertain s’il a formé des élevés
ou non, on sait seulement qu’un de tes frères nommé Jaques s’adonna au même genre de
peinture : mais qu’à beaucoup près il ne l’égala point. On ne peut rien voir de plus pro-
pre que la maniéré de dessiner de Luc van Uden , tes desseins sont des plus finis, on ne
peut y méconnoitre la nature. Il y a deux cabinets à Paris, un à Gand & un à Anvers, ou
on garde bien précieusement quelques-uns de tes tableaux, & où on admire aussi bien qu’à
la cathédrale de Gand sà maniéré grande & moëlleuse , qui le distingue des autres paysà-
gistes, une touche légère élégante & précite la caraCtérife. Des figures parfàitement dessi-
nées ajoûtent quelque chofe à la beauté de tes ouvrages, où il paroît toujours fin & piquant
dans les petits, large 6c décidé dans les grands.
THEO-
combien peu il étoic fàvorifé de la fortune, il résolut de lui rendre lervice. Des qu’il l’eût
rencontré, il lui témoigna de l’estime, l’introduisit chez les connoisseurs & lui procura de
l’occupation. Van Uden commença à débiter les ouvrages, son sort s’adoucissoit & sa ré-
putation te répandoit : mais Rubens acheva de l’établir en te tervant de son pinceau pour
peindre les ciels & les paysàges de tes tableaux. Il n’en falloir point davantage pour accré-
diter van Uden, qui îàvoit parfaitement accommoder là maniéré & son ton de couleur à
celui de Rubens : mais celui-ci voulant étendre là protection encore plus outre, peignit
lui-même quelques belles figures dans les tableaux de notre paysagiste: ce qui eut un tel
effet, que dès lors van Uden eut toujours de quoi s’occuper, & faire valoir son talent.
Appuié du crédit de Rubens &: éclairé de les làges conseils, il forma de grandes entre-
prîtes qui lui firent un grand nom. La ville de Gand lui demanda plulieurs grands ta-
bleaux, pour la décoration des chapelles de son églite cathédrale. C’est ici que le pinceau
de van Uden étala une bonne partie des beautés qu’il làvoit produire, en rangeant avec au-
tant d’ordre que d’agrément les richessès &: l’abondance de la nature. Ici ce sont des co-
teaux charmants, des vues enchantées & une agréable verdure qui y régnent. Là ce sont
des lointains admirables, variés quelquefois d’un grand nombre d’objets différents, des bois,
des rochers, ayant tantôt des arbres crûs dans leurs fentes, tantôt des ruisseaux qui te préci-
pitent. Des cieux clairs contribuent à en dévoiler les charmes, tout y estintéressant, tout s’y
soutient, & par tout régne une touche légère avec laquelle il feuille parfaitement tes ar-
bres , ensorte qu’il ne leur manque que le mouvement, pour faire décider que c’est la na-
ture même. Ces belles pièces exposées aux yeux du public 6c chargées de plusieurs figu-
res très bien faites, méritèrent l’approbation de tous les connoisseurs, firent connoître van
Uden pour un excellent maître & lui assignerent une place honorable dans les cabinets des
curieux. C’est ainsi que la protection de Rubens fit sortir les talents de van Uden de l’ob-
seurité où ils languissoient, pour les mettre au plus beau jour: mais après la mort de Ru-
bens nous perdons encore notre artiste de vue. Cependant la multitude de les ouvrages
peut persoader qu’il n’a point demeuré oisif, 6c qu’il éprouva pendant toute sà vie com-
bien il est avantageux d’être protégé des grands hommes, quoiqu’on ait le bonheur de pos
séder de beaux talents.
11 mourut vers l’an mil six cent soixante, âgé d’environ soixante-cinq ans. C’est ce que
nous avons pu découvrir par rapport à sa personne. Ceux qui ont écrit sa vie ou qui ont
parlé de lui ne paroîssent point mieux instruits de ces faits, tous, exceptez un seul, dont nous
avons parlé ici, n’en faisànt aucune mention. Il est aussi incertain s’il a formé des élevés
ou non, on sait seulement qu’un de tes frères nommé Jaques s’adonna au même genre de
peinture : mais qu’à beaucoup près il ne l’égala point. On ne peut rien voir de plus pro-
pre que la maniéré de dessiner de Luc van Uden , tes desseins sont des plus finis, on ne
peut y méconnoitre la nature. Il y a deux cabinets à Paris, un à Gand & un à Anvers, ou
on garde bien précieusement quelques-uns de tes tableaux, & où on admire aussi bien qu’à
la cathédrale de Gand sà maniéré grande & moëlleuse , qui le distingue des autres paysà-
gistes, une touche légère élégante & précite la caraCtérife. Des figures parfàitement dessi-
nées ajoûtent quelque chofe à la beauté de tes ouvrages, où il paroît toujours fin & piquant
dans les petits, large 6c décidé dans les grands.
THEO-