L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (1.1868)

L'ECLIPSE

L'OPÉRA BOUFFE A NEW-YORK





Une expédition formidable va bientôt prendre la mer et se
diriger vers les côtes du nouveau monde.

En* dépit de Monroë, la France intervient encore en Amérique.

Mais il ne s'agit plus aujourd'hui d'un changement de forme do
gouvernement au Mexique ; pour notre revanche il noua fallait une
plus difficile entreprise : il s'agit de la conquête des Etats-Unis.

Un moment, à vrai dire, il fut question d'une alliance avec la
grande duchesse de Gérolstein. La princesse Schneider refusant
les offres pyramidales qui lui furent faites, voulut rester fidèle à
Ees premiers traités, et la noble altesBe allemande ne figurera pas
dans cette expédition.

Que l'on ne parle pas de folies et d'aventures. Toutes les me-
sures sont prises, la victoire est assurée, et ce sont les vaincus
qui payeront au centuple les frais de la guerre.

Le général en chef, M. Grau, directeur du théâtre français de
New-York, étudie depuis longtemps, sur les lieux mêmes, le
terrain de son f<itur champ de bataille, pendant que son chef
d'état-major, M. Juignet, recrute les meilleures troupes et s'oc-
cupe des munitions et des vivres.

■ Ce n'est ni du canon rayé, ni du fusil à aiguille, ni de la mi-
trailleuse que dépendra le succès de cette campagne. L'arme
dont se serviront les soldats de M. Grau est foudroyante et n'a
plus besoin de faire merveille : on a vu dans les dock3 du Havre
des caisses énormes bourrées jusqu'à la gueule des partitions
d'Offenbach.

Le général a juré de culbuter l'ennemi dès la première ren-
contre, don plan est de ceux qui réussissent toujours. Comme le
général Fritz, il divise son armée en trois corps : au centre, il

place ses vieilles bandes aguerries; Carrier, le fameux Carrier»
dont le seul nom fait trembler Dupuis; Beckers, de l'Opéra-Comi-
que, le gendarme Gabel, Goby, Bourgoing, Génot et beaucoup d au-
tres ; — à droite, l'artillerie, munie de fusées à la congrève et de
feu grégeois. Les batteries sont commandées par Rose-BeU, «
bien nommée, Desclauzas, aux grands yeux, et Fontanel, victo-
rieuse avant d'avoir combattu ; — à gauche enfin piaffa la cava-
lerie : danseuses, choristes et figurantes appelées au dernier mo-
ment à compléter la victoire.

Ajoutez que Robert Stœpel commande la musique, que Cambon
et Fromont ont décoré le champ de bataille, et vous direz avec
nous : a L'Amérique est finie. »

Dans huitjours le Saint-Laurent met à la voile, emportant cette
grande armée. Jonathan n'a qu'à bien se tenir.

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