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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 1.1868

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https://doi.org/10.11588/diglit.3702#0180
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L'ECLIPSE

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7fr. «

8 80

PRIMES DE L'ÊCliïPSl

Toute personne qui enverra dEi-eeteinont en mandat on
timbres-poste au directeur du journal, 16, rue du Croissant, a
Paris - le montant d'un abonnement d'un an a l'Eclipsé,

jouira des primes ci-dessous énoncées, au* conditions suivantes :

1" PRIME

Quarante-cinq charges d'And. Gill :
■ L'abonnement pour Paris, avec cette prime .

Pour les départements.........

2» PRIME

Une boite remplie do bâton de vanille, bonbons fondants, par-
fumés, savoureux, fabriqués spécialement pour les abonnes de
l'Eclipsé par M. Berbey-Couturier, de Saint-Seme-1 Abbaye
(Côlo-d Or).

1,'aboiinement pour Paris, avec cette prime . . . . o t. »

Pour les départements..........- *

AVIS
- 1» Avoir soin de bien indiquer celle des deux primes qu'on

choisit. " .

2° L'abonnement, avec les deux primes, coûte, pour Paris,
7 fr. 50 c, et pour les départements, 9 fr.

3» Tout abonné peut, recevoir la seconde prime en envoyant
1 Ir. 50

NOUVELLE PRIME EXCEPTIONNELLE

Une excellente Mokthe en argent. (Voir aux annonces.)

LA TRIBUNE
. (Côté des dames.)

Dans les rues voisines, les infortunées qui n'ontpu trouver place
dans la salle, se lamentent sur des tons aigres et stridents.

Leur seule consolation est d'entendre de temps en temps une
voix grêle s'écrier : Guerre- aux hommes ! Egalisé ! Egalité I Gu-
nécralie!

Cette voix est celle du sieur Gagne, avocat, poète inextinguible,
auteur de brochures aux titres effraijdnts et incompréhensibles :
les charmantes tribunes adorent ce vieillard, et ne disent pas de
mal de lui : il est si peu homme, barbe à part, dame 1

Les habitants de la rue Jean-Jacques Rousseau sont furieux. La
paix régnait dans le quartier. Et voilà leur tranquillité troublée
à tout jamais. Les loges des portières se transforment ; en
succursale de la Redoute. On y discute les droits de la femme, le
petit verre de vieille en main. Les nez s'allument.Le désordre est
comble. — A l'heure où nous mettons sous presse, — on
m'apprend qu'un jeune journaliste de bonne tournure a été mis à
mort, comme Orphée, par les bacchantes littéraires de la Redoute.
S'agirait-il de Jules Claretie? — J'attends les détails avec la plus
poignante anxiété.

Accablé1 par cette affreuse nouvelle, que je donne sous toutes
réserves, je laisse tomber la plume....

Le Cousin Jacques,

MENUS PLOMBS

Je viens de lire quelque part que l'Orangerie de Versailles a été
décimée par une grosse épidémie.

Est-ce du nouveau qu'on prétend nous apprendre ?

Espérons que non.

Il a été, depuis belle lurette, en effet, constaté que les fleurs
d'orangers sont, plus souvent qu'à leur tour, mises à mal.

Les jolies tribunes, — pourquoi pas ? je vais m'expHquer tout à
l'heure, — qui depuis bientôt trois mois font, au figuré comme au
propre, un bruit d'enfer à 'Paris, viennent de déménager.
Elles quittent ïe Wauxhall.

Terpsychafe, dirait un académicien, a chasse Minerve, et les
borborygmes de la contrebasse ont remplacé les-accents émus de
M. Horn, économiste, président de la parlotte féminine.

Bref„-ces dames maintenant exposent leurs théories et dévelop-
pent leurs plans, tous les jours, rue Jean-Jaeques-Rousseau, salle
de la Redoute.

Je vous engage, mais là, en ami sincère, à aller entendre les
discours des jolies tribunes. Vous ne perdrez pas votre soirée. Cela
vaut infiniment mieux que d'aller au cabaret, et c'est moins
cher.
Ah ! les jolies tribunes I

Je les appelle des tribunes, ces chères bavardes, parce que blond
fait blonde au féminin, et que tribun doit faire tribune.

Charles Sauves tre, le digne cœur, a mis en circulation le mot
oratrice, à propos de ces dames. Il était dans son droit.
Mais je ne trouve pas ce vocable assez austère.
Tribune me semble cadrer parfaitement avec la gravité du rôle que
nos épouses veulent jouer.
Va donc pour tribune !

Mais il est nécessaire de faire précéder le mot d'un qualificatif
moins solennel que Y honorable, réservé d'ailleurs aux hommes.
Charmante vous plairait-il ? Oui, n'est-ce pas.

Et même, quand il s'agira d'une demoiselle à la fleur de ses ans,
e n'hésiterai pas do parler d'elle en ces termes :

— Notre charmante tribunette.....

Pour en revenir aux dames à la langue bien pendue qui « font
tenir le crachoir à l'auditoire 'pendant des huîtres entières, « selon l'ai-
mable expression d'un jeune ébéniste de ma connaissance, je vous
déclare qu'une soirée passée à la salle de la Redoute est tout ce
qu'on peut offrir de plus utile à un jeune homme qui aurait la fa-
tale intention de se précipiter dans le gouffre toujours béant du
mariage.

En sortant de ce temple, où les consommations brillent trop
Vivement par leur absence, je l'avoue, le jeune homme de qui je
parle grSJjffitourné à tout jamais de son projet sinistre.

Le s Nombre s horreurs d'une union à vie avec l'une de nos char-
manteatabunettes, lui apparaîtront soudain avec la clarté terri-
fiante ial'éclair. Et d'un pas rapide il se rendra chez Célibat lui-
même acheter une concession à perpétuité !

Ce ïj'|st pas que nos charmantes tribunes, ' mesdames ou
mesdemoiselles Bouquet, André Léo, Manz, 0. Audouard, de
Breuill itdfi soient des épouvantails brevetés ; non, au con-
traire ï manieurs récriminations qui pourraient à merveille rem-
placer le jus;de citron ou le filet de vinaigre dans les assaisonne-
ments^ — ogit singulièrement de grâces à leur personne appé-
tissante.'! ^

Leuij pprsïs&nce à réclamer d'une voix aiguë des droits qu'elles
n'ont rias-encore-bien nettement définis, déforme l'agréable visage
de cesjdames, et donne à leur bouche séduisante l'aspect du gosier
vorace;dè. la grenouille en bronze du jeu de tonneau.
C'est bien fâcheux. Cela rend tout triste.

Les tendres mouvements qu'on éprouve tout d'abord à la vue de
ces tribuhettes adorables cessent immédiatement et l'on devient
froid et marmoréen en les regardant, absolument comme le
bon Mj Èorn, leur héraut, leur frère, que dis-je? leur père t

Et Buife, réellement, on est par trop mis en purée dans cette
assemblée. Les ateliers parisiens — coté des femmes toujours —
sont en éhullition. — Ils délaissent le flan et la galette, et, par
bandes1; on les voit s'introduira dans l'auguste salle.

Les parénts^Tes amis, ac. ïompagnent naturellement' ces jeunes
vierges acides dg s'instruire,, avides surtout d'entendre dire un
mal affreux dJSpexe débonnaire auquel j'appartiens, et leur nom-
bre considérable, emplit bientôt l'enceinte sacrée.
Qud-presspîr^giit massacre de pieds innocents!

Encore un exemple de notre manie d'imitation ,

L'association des bottiers de Cologne n'a pas plulôt organisé
sa tombola, que. vite et vite, une tombola est organisée à Paris
parla Société des gens de lettres.

Mais les ouailles de saint Crépin n'offrent que des chaussures
de leur fabrication aux numéros gagnants.

Les ouailles du baron Taylor oseront-elles pousser le pastiche
jusqu'à donner, pour lots, des c-uirs de leur façon 1

L'entreprise des « Courses de taureaux, » du Havre, se solde
par un mignon déficit de 18,000 fr.

Donc, le bœuf, en tout cela, c'est l'entrepreneur.

Moins à plaindre pourtant que tous les autres ruminants de son
espèce, puisqu'il a, sur eux, l'avantage de boire lui-même son
bouillon.

M'importe! toutes les vieilleries d'Espagne vont bien mal pour
le quart-d'heure. — Et si quelqu'un de vous a quelques paires de
castagnettes en portefeuile, m'est avis qu'il fera bien de les ven-
dre au plus tût...

Il n'est que temps.

Un Américain, connu par l'état civil sous le nom euphonique
de Edwin Stewens Hoboken, vient de mourir, laissant un magot
de deux cent soixante-trois millions.

Et dire qu'il suffit d'un petit million tout sec au premier coffre-
fort français venu, pour qu'il commence à faire sa tète...

As-tu fini, va-nu-pieds 1

ECHO DU C A SIft 0

— C'est son habitude, à cette grande perche, de vomir autour
d'elle des torrents d'injures, certaine qu'elle est de l'impunité.

— Comment cela.

— Tu ne vois pas comme elle est plate?

— Eh bien?

— Eh bien ! elle en dit tant, qu'il lui serait impossible de lui
faire tout rentrer dans la gorge.

Jules Dementïie.

D'ISPAHAN A BATIGNOLLES,

Dans les papiers du Persan} mort dernièrement et que tout
Paris a connu, on a trouvé les cent lignes qui suivent.

Elles expliquent une des manies de ce vieillard dont le haut
bonnet noir et la longue barbe blanche se voyaient les jours de
Terme, a côté des voitures de déménagement, sur les trottoirs
encombrés d'ustensiles.

Ces jours-là, l'étranger à la robe flottante apparaissait successi-
vement dans tous les quartiers de Paris.

On le rencontrait, examinant d'un œil attendri les vieux débris
de tapisseries épars aux portes des maisons, et qui servent de
capitons entre les meubles plus ou moins précieux.

Vous savez, ces petits carrés aux couleurs foncées, toutéffilochés
qui gisent sur le pavé émailfé de brins do paille ?

Le mystère des stations prolongées, et sans cause apparente,
du Persan auprès des charriots de Bailly et G0, est enfin dé-
voilé !

Voici le court récit, écrit de sa main tremblante, quelques jours
avant sa mort et qu'on a découvert dans son domicile; nous
l'avons fait traduire par un de ses compatriotes, drogman fort dis-
tingué.

« Le 8 juillet dernier, dans la grand,) rue des Bâtie
comme je passais, suivi de gamins infâmes, derrière un fourgon
de la maison Bailly, qu'on était en train de charger, j'entendis
avec un battement de cœur très-concevable, un dialogue échangé
entre deux fragments de tapis : ils s'exprimaient dans ma langue
maternelle. Quelques néologismes récoltés dans leur séjour à
Paris juraient, je l'avoue, dans leur discours, à côté des vocables
persans; j'y prêtais néanmoins une oreille émue.

L'un de ces tapis, véritable haillon de derviche, tout déchiré et
crasseux, disait à son compagnon d'infortune ;

—En quel état je te retrouve, frère ! Par le ciel, vingt ans de sé-
paration ! D'où viens-tu ?

L'autre répondi t :

— Mon histoire n'est pas gale, je vais te la dire. Mais toi-même,
frère,'tu n'as guère meilleure tournure que moi. Qu'as-tu fais de-
puis vingt ans ?

— Dis-moi tes aventures, reprit le premier fragment, je parlerai
après toi s'il plaît à Dieu I

— Eh bien, commença l'autre, si tu te souviens, nous vînmes
d'Ispahan jadis, ensemble, étroitement ' unis. Nous ne faisions
même à nous deux qu'un superbe tapis de Perse. On nous appor-
tait en présent au roi. — Drapés avec respect dans le château du
souverain, nous promettions de vivre cent ans, lorsqu'un jour,
hélas, le peuple se rua dans le salon que nous décorions, et nous
foula sous ses rudes souliers. En trois jours, notre éclat se perdit.
Les gens du palais, plus tard, prétendirent que nous montrions la
corde. On nous vendit alors à un tapissier habile et ..rusé.. Il fit
deux parts de notre ampleur. De là date notre séparation. On
nous mit en vente, bordés de neuf, purifiés, reprisés. Tu partis le
premier ! Où ? Je le saurai tout à l'heure. Pour moi. peu d'heures
après ton départ, je fus acheté par un maître d'hôtel garni du
quartier latin.—Mon reste de splendeur le séduisit. Il m'emporta.
Pendant dix ans je fis l'ornement du n° 7, au premier, sur la
place de l'Odéon. Quelle existence tourmentée j'eus alors ! Allah !
La cendre des pipes, les bouts de cigares, le punch, etc., etc, me'
souillèrent sans relâche; je n'ose te dire tout, frère ! —Les dynas
ties de garçons qui se succédèrent dans le n° 7, détruisirent mes
couleurssans pitié. On me balayait parfois cependant.

Un vilain matin, vers octobre, avant la rentrée, on me jeta
dehors. Un homme qui criait je ne sais quoi, me roula et me mit
sur son épaule. Il me vendit au marché des choses esclaves, au
Temple. Là, trois hivers, j'eus à souffrir des tourments inimaginables
la pluie, la neige, le soleil et... les chiens cyniques me brûlèrent.
Enfin quelqu'un, un saltimbanque, eut pitié de moi, et m'arracha a
cette géhenne. Mais je tombais de mal en pis. Ce saltimbanque m'é-
talait, dans la boue, sur les places publiques, et se livrait sur ma
laine à des contorsions affreuses. Les sous vert-dc-grisés tom-
baient sur moi à son appel : — Allons ^ messieurs, il manque encore
cinquante centimes, et je fais le tour annoncé ! Triste t

Ah! j'ai été rudement secoué à cette époque. Cela dura longtemps.
Aussi ma santé devenait précaire. Ma vie ne tenait plus qu'à un fil.
La trame de mes jours était bien usée. Après je ne sais combien
de mois de cette existence hideuse, je revins au Temple, dans l'é-
tat où tu me vois, une loque l Un déménageur sans cœur m'a acheté
trois sous ce matin. Et voilà.

— Pauvre frère, murmura l'autre parcelle maculée du glorieux
tapis tissé avec amour sous le bon soleil de l'Iran ! Pauvre frère
— Pour moi, camarade, je tombai entre les mains fort blanches
d'une dame qui aimait son prochain plus qu'elle-même. Nous de-
meurions aux environs d'une église, dans le quartier des Martyrs.
Ahl les Parisiennes! — Que de genoux alticrs se sont posés dans
ma laine, humblement, au seul son de la voix exquise de cette
dame. Un poète me fit même des vers :

Je t'aime ! oh oui, je l'aimé avec rage, tapis

Où les pieds innocents d'un angj sont lapîs. Eté,

C'était bien joli, mais ça ne pouvait pas durer.

Un huissier, armé de toutes pièces, me fit déclouer de mon par
quet. Et je revins, où? chez le même marchand de meubles où
nous avions vécu côte à côte. Je respirais déjà, espérant avoir ga-
gné mes Invalides, mais, sort fatal, un maître de pension qui s'é-
tablissait eut la cruauté de me trouver passable. Dame, j'étais
soigné chez la dame sensible ! On fit de moi six carrés égaux, et
j'allai, fort ennuyé,-figurer de microscopiques descentes de lit, dans
un dortoir. Horreur !

La vengeance fut prompte à venir, quoique boiteuse. Le mar-
chand de soupe fit faillite. On nous vendit à l'encan. Que sont de-
venus mes cinq compagnons? je n'en sais rien. Mais moi, hélas, je
devins l* proie d'un commissionnaire qui me cloua sur son crochet.
Dur'destinI ah! j'ai souffert comme toi, autant que toi.

L'enfant de l'Auvergne, enrichi, me céda, en partant pour ses
montagnes, à un des confrères. Celui-ci me trouva trop vieux, et
me jeta à la boue. Oui, à la*boue! Un chiffonnier m'a ramassé. Il
m'a examiné avec mépris, et comme, au moment où il me tenait
à la main, passait une voiture de déménagement, il m'a offert gra-
vement, pour micanon, aux hommes qui la suivaient. Ils ont accepté*
C'est ainsi, frère, que je me retrouve à tes côtés, bien diminué
malheureusement, après vingt ans d'absence.

Le dialogue de ces deux,tapis, nés dans la magnifique contrée où
moi-même j'ai vu le jour, me fit à la fois peine et plaisir; j'écou-
tais avec ravissement l'accent de mon pays, et le récit des deux
infortunés tissus me déchirait le cœur.

Pour quelques sous j'obtins la permission de les emporter chez
moi. Cette action étonna beaucoup le vulgaire. Pourtant ce n'était
pas la première fois que pareille chose m'arrivait. J'ai toujours
aimé, le jour où sortent des habitations qui me sont fermées les
meubles précieux qu'elles contiennent, me promener autour des
voitures de déménagement. Souvent je rencontre là des objets,
vases ou meubles, qui me parlent de la Perse.

Et c'est pour moi un vif plaisir de leur demander des nouvelles
du pays. >

Ne suis-je pas leur frère! La destinée mystérieuse ne s est-elle
pas jouée de moi aussi. Ne suis-je pas venu également sans savoir
pourquoi, d'Ispahan à Batignolles, poussé par la fatalité? »





..■■■





«31 -



Sir

W



Pour copie conforme,

EKNESI d'HïRVIUY.




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