L'BCLIPSB
mu.» ■trinuM»
A PROPOS DE NOTRE DESSIN
Les susceptibilités de la déesse Anastasie Fulbert sont de-
venues, depuis quelque temps, si énormes, que déjà vingt fois
nous avons eu le projet de faire pour les dessins de notre ami
Gill ce que l'Illustration fait pour ses rébus :
Lee publier, sans commentaires, tels qu'ils nous reviennent
de la censure, et offrir une prime à ceux de nos lecteurs qui en
comprendraient le sens.
Nous serons obligés d'en venir là.
Aujourd'hui encore, cependant, nous allons essayer d'expli-
quer au public le dessin que « nous venons d'avoir l'honneur
« de représenter devant lui. » et qui est, pour la partie intelli-
gente, de M. André Gill, et pour la partie... (soyons poli) inin-
telligible, de Mm8 Anastasie, née Debonvouloir.
Voici l'historique de notre nouveau forfait :
On se souvient qu'au début de la séance du 11 juillet, M. le
président Buffet éprouva le désn bien légitime d'exhaler dans
un pieux cantique l'enthousiasme qui l'avait saisi la veille, à
la vue de notre splendide armée passée en revue par Nasser-
Eddin.
On se souvient aussi qu'en cette circonstance l'émotion,
trahissant la verve habituelle de l'honorable président, lui fit
commettre une asse* grave confusion ou, tout au moins, un
grave oubli.
Ne se souvenant plus que M. Thiers avait été pendant deux
ans au pouvoir, M. Buffet sembla croire que le relèvement
éclatant de l'armée française avait été opéré en cinq semaines
par M. Mac-Mahon,. qu'il inonda, à ce propos, de louanges re-
tentissantes, à la face du pays.
L'Assemblée, victime sans doute de la même émotion,
acclama naturellement le maréchal et ne pensa pas, sur le
moment, qu'il était peut-être bien un peu indécent de chanter
si.haut la gloire d'un homme qui venait de trouver un trésor
dans la housse d'un fauteuil, et de ne pas seulement avoir l'air
de faire attention à celui qui l'y avait péniblement entassé
pièce à pièce.
Quant au pays, qui a, lui, la têté assez solide pour que le
bonheur qu'il éprouve ne lui fasse pas complètement perdre de
vue à qui il le doit, il trouva q«e lé président et l'Assemblée
avaient bien peu de mémoire quand il faut se souvenir, pour
des gens qui en ont tant quand il faudrait peut-être un peu
oublier. i
Cependant, le lendemain, un jeune député, M. Horace de
Choiseul, monta à la tribune et voulut signaler à M. Buffet
son... absence de là veille.
Il prononça le6 paroles suivantes, que nous transcrivons
scrupuleusement :
« m. horagb de choiseuIi. — Au début de la dernière «éance, alors
« qu'un très-grand nombre d'entre nous n'avaient point encore gagné
« leurs places, notre honorable président a prononcé un discours élo-
a quent. S'il ne «'agissait que d'accorder des louanges à l'armée et de
« rendre hommage à ses dignes chefs, j« crois qu'il y aurait eu unani-
me mité dans l'approbation.
«c Mais permettez-moi de vous dire que j'ai remarqué, et je voudrais
« m'ètre trompé, que par une réserve et une habileté de langage, notre
k honorable président s'est fait, il faut le reconnaître, l'écho du parti
a qui a triomphé dans cette Assemblée.
a Dans son discours, M. le président Buffet, par une réserve habile
a de langage, a semblé attribuer au nouveau gouvernement établi
a depuis cinq semaines le mérite que tout gouvernement a le droit de
a revendiquer pour la reconstitution d'une armée aussi belle que l'est la
« nôtre.
<c Messieurs, j'avais l'honneur de vous dire que j'avais le regret de
a. retrouver dans les réserves de langage deM. le président, la politique
oc d'une partie de l'Assemblée qni veut attribuer au nouveau gouverne-
a ment les résultats qui sont dus, en grande partie, il faut le reconnai-
« tre, au gouvernement qui l'a précédé. j>
Il est bien entendu que ces paroles ne furent pas dites aussi
aisément que vous venez de lôs lire, et que nous avons suppri-
mé, pour gagner un peu de place, les interruptions furibon-
des de tout un côté de l'Assemblée.
M. Buffet répondit, donna de très-mauvaises raisons que la
droite trouva excellentes, et finalement s'attira, le 12 juillet,
cette verte réplique de M. Horace de Choiseul :
<a m. de choiseul. — Je tiens à me pronoucer, non-seulement en
« mon nom, mais au nom de tout un côté de l'Assemblée (Oui I oui ! à
a gauche) au sujet du dévouement, de l'admiration et de la reconnais-
« sauce que nous témoignons tous à l'armée et, en particulier, à l'illustre
a maréchal qui est à sa tête. Je voudrais écarter son "nom de la poli-
o: tique, mais puisque vous m'y poussez, je' dirai que si nous nous som-
a mes rattachés unanimement à, son nom, c'est précisément parce qu'il
a est au dessus de toutes les intrigues de partis, et parce que sa parole
a d'honnête homme l'engage p,lns que toutes les intrigues qui pourraient
a surgir autour de lui.
a Oui, le président avait le droit d'exprimer ses sentiments au nom de
•. la majorité, et il a bien fait d'user de ce droit. Mais ijuand le senti-
<c ment de la majorité.»*! été exprimé, surtout du haut 'du fautsuil du
«c président, la minorité a le droit de taire consigner son opinion au
a procès-verbal. Ofc ici la minorité est considérable, presque aussi con-
« sidérable que 1^-majorité, et elle peut redevenir la majorité.
«c Une chose m# surprend, c'est que vous soyez aussi peu indulgents
« pour l'expressi<>h de sentiments que voué devriez comprendre. Si la
c politique ne vous dirigeait pas, vous seriez moins irrités. (Réclama-
a tions à droite.) Vbuïsauriez que non-seulement le pays, mais l'Europe
a attache le pliîS grand prix à exprimer sa reconnaissance à l'ancien
a gouvernemehti (Apptaudisseméntsà gauche. — Bruit,— Aux voix!) »
Cet incident nous à**it semblé digne d'être consigné à la
première page de VÈcHpte, fefc Gill fit le dessin que vous savez
ou plutôt non, que vous ne savez pas^5"'
Il représentai^ M. Horace de Choiseul en marchand d'oublis,
la boîte au dos ; de cette boîte sortait M, Thiers en lunettes
et en bonnet à poil.
"*** -
On porta cette feuille à Mme Anastasie-Fulbert, qui, à
première vue, se cacha la tête dans son tablier pour ne pas
voir une pareille horreur I...
Un instant, on craignit l'évanouissement.
Enfin, Anastasie-Fulbert risqua un œil; mais son pre-
mier mot fut, en nous montrant la porte :
— Jamais 1...
On essaya de la calmer, en lui expliquant que ce dessin n'é-
tait pas commandé par l'Internationale, qu'il s'agissait tout
simplement de montrer au public le ferme et courageux- député
tirant de la boite aux oublis, le grand citoyen dont l'Assemblée
feignait de ne plus vouloir se 80Uv«i1ir-iT™^B|
* *
Enfin, pour lever ses scrupuleSj om lui mit sous les yeux la
lettre suivante :
On veut qu'on n'en parle plus jamais.
M. de Broglie ne sera content que le jour où il entendra
quelqu'un dire dans la rue :
— M. Thiers?... Qu'est-ce que c'est que jfet... Conikis pas.
Dieu fasse que la France ne dise pas un jour :
— M. de Broglie?... Connais trop I...
Le gouvernement du sacré cœur de Jésus et sa censure auront
beau faire.
Le 5 septembre prochain, quand le dernier centime des cinq
milliards passera en Prusse en même temps que le dernier des
Prussiens, je seiaisbien étonné que le cri de joie poussé par
toute la France fût :
— Vive Batbiel...
LÉON BIENVENU.
----- ■ ■ ■ . ,.-.(.
Iqiate Horace de Chojskul
depute
La verte appréciation de la censure du crayon eonteaue en
ces lignes, firent faire une forte grimace à Anastasie Fulbert,
mais ne put l'attendrir.
Cependant, l'heure pressait, on allait mettre le journal sous
presse.
On n'a pas toujours prêt un dessin représentant la future
église du sacré cœur de Jésus sur la butte Montmartre.
* *
Madame Anastasie Fulbert demanda la suppression de
M. Thiers.
A cette condition, elle autoriserait le dessin.
Il fallut se soumettre.
Et voilà pourquoi, chers lecteurs, nous vous offrons encore
aujourd'hui un dessin dont la censure a presque fait une
énigme.
Le dessin complet de Gill va retrouver ses aînés' dans notre
carton des refusés, qui e3t devenu, nous pouvons le dire sans
trop de vanité, une curiosité artistique d'un très-grand attrait.
' Nos amis le disent du moins.
Et le cadenas qui fermé le carton des refusés a'ouvre assez fa-
cilement pour que la réputatioa de la galerie qu'il renferme
soit déjà grande.
Si nous avons donné quelque importance S cette nouvelle
escapade grincheuse de madame Anastasie Fulbert, ce n'est
pas sans molif.
Un dessin de plus de mutilé sur cinq ou six cents, ce n'est
pas une affaire ; mais la mutilation d aujourd'hui méritait une
attention toute spéciale.
En supprimant de notre dessin la figure de M. Thiers sor-
tant de la boîte aux oublis, dame Anastasie avoue clairemen t
et sans détours qu'elle s'associe à la politique de combat du
24 Mai.
On veut, par tous les moyens possible/depuis le bruit des
couteaux à papier à l'Assemblée jùsqU'aux coups de crayon
rouge de la censure des dessins, effacei- e& France jusqu'au
souvenir de l'homme qui s'était voué aU salut du pays.
LE POISSON RÉCALCITRANT
histoire p'tjn peuple de ma connaissance
En vérité, c'est une histoire bien singulière que l'histoire du
Poisson récalcitrant.
Il y a trois ans, le Poisson en question n'avait rien du tout de
récalcitrant. •
Il était alors traqué dans sa rivière natale par des régiments de
brochets qui lui cherchaient des querelles d'allemand, toutes les
deux minutes.
Après plusieurs mois de luttes, de combats, hélas ! rarement
couronnés de succès, le pauvre petit Poisson avait demandé à
subir la paix, au nord, au midi, à l'est ci à l'ouest.
Mais comme les poissons ne peuvent pas faire la paix tout seuls,
ils avaient chargé les premiers et même les derniers pêcheurs
venus d'aller s'entendre avec les généraux des régiments de bro-
chets. ,:' ;-,-•). - •-Sjgyaj'V j
Donc, à cétte époque, notre Poisson, le poisson dont je vous
raconte l'histoire singulière, s'é tait laissé prendre par de beaux
messieurs qui avaient eu l'aplomb de mettre au bout de leur
ligne un, hameçon sur lequel on lisait : « Paix et République. »
1 * * . ■ .
Quelque* mois plus tard, la paix faite et signée, les divers beaux
messieurs qui avaient mis au bout de leur ligne le mot Hépubliquef
■jfcO&r attraper le petit Poisson, choisirent pour. pêcheur en che
,un petit homme fort habile; déjà sur le retouf, et qui lit le ser-
ment de respecter lu liépiMitjtw des poissons, bien qu'il ne les
aimât, pas yutre mesure.
Ce serment, il le tint, surtout après un essai loyal infiniment
trop prolongé.
De là, grande colère des beaux messieurs qui avaient remplacé,
sans succès d'ailleurs, au bout de leur ligne le. mot République par
le mot Monarchie.
Ce voyant, les petits poissons devinrent peu à peu récalcitrants.
Et quand, après le décès de plusieurs beaux messieurs, on vint
de nouveau leur tendre la ligne, ils vinrent frétiller tous, tous,
tous autour des hameçons qui portaient le mot : radical.
Et pas un hameçon monarchique ne fut gobé 1
*
* *
De là, nouvelle grande colère, oh! mais très-grande colère de la
part de tous les autres beaux messieurs restés vivants.
C'est alors que les beaux messieurs, qui s'étaient transportés, sur
mu.» ■trinuM»
A PROPOS DE NOTRE DESSIN
Les susceptibilités de la déesse Anastasie Fulbert sont de-
venues, depuis quelque temps, si énormes, que déjà vingt fois
nous avons eu le projet de faire pour les dessins de notre ami
Gill ce que l'Illustration fait pour ses rébus :
Lee publier, sans commentaires, tels qu'ils nous reviennent
de la censure, et offrir une prime à ceux de nos lecteurs qui en
comprendraient le sens.
Nous serons obligés d'en venir là.
Aujourd'hui encore, cependant, nous allons essayer d'expli-
quer au public le dessin que « nous venons d'avoir l'honneur
« de représenter devant lui. » et qui est, pour la partie intelli-
gente, de M. André Gill, et pour la partie... (soyons poli) inin-
telligible, de Mm8 Anastasie, née Debonvouloir.
Voici l'historique de notre nouveau forfait :
On se souvient qu'au début de la séance du 11 juillet, M. le
président Buffet éprouva le désn bien légitime d'exhaler dans
un pieux cantique l'enthousiasme qui l'avait saisi la veille, à
la vue de notre splendide armée passée en revue par Nasser-
Eddin.
On se souvient aussi qu'en cette circonstance l'émotion,
trahissant la verve habituelle de l'honorable président, lui fit
commettre une asse* grave confusion ou, tout au moins, un
grave oubli.
Ne se souvenant plus que M. Thiers avait été pendant deux
ans au pouvoir, M. Buffet sembla croire que le relèvement
éclatant de l'armée française avait été opéré en cinq semaines
par M. Mac-Mahon,. qu'il inonda, à ce propos, de louanges re-
tentissantes, à la face du pays.
L'Assemblée, victime sans doute de la même émotion,
acclama naturellement le maréchal et ne pensa pas, sur le
moment, qu'il était peut-être bien un peu indécent de chanter
si.haut la gloire d'un homme qui venait de trouver un trésor
dans la housse d'un fauteuil, et de ne pas seulement avoir l'air
de faire attention à celui qui l'y avait péniblement entassé
pièce à pièce.
Quant au pays, qui a, lui, la têté assez solide pour que le
bonheur qu'il éprouve ne lui fasse pas complètement perdre de
vue à qui il le doit, il trouva q«e lé président et l'Assemblée
avaient bien peu de mémoire quand il faut se souvenir, pour
des gens qui en ont tant quand il faudrait peut-être un peu
oublier. i
Cependant, le lendemain, un jeune député, M. Horace de
Choiseul, monta à la tribune et voulut signaler à M. Buffet
son... absence de là veille.
Il prononça le6 paroles suivantes, que nous transcrivons
scrupuleusement :
« m. horagb de choiseuIi. — Au début de la dernière «éance, alors
« qu'un très-grand nombre d'entre nous n'avaient point encore gagné
« leurs places, notre honorable président a prononcé un discours élo-
a quent. S'il ne «'agissait que d'accorder des louanges à l'armée et de
« rendre hommage à ses dignes chefs, j« crois qu'il y aurait eu unani-
me mité dans l'approbation.
«c Mais permettez-moi de vous dire que j'ai remarqué, et je voudrais
« m'ètre trompé, que par une réserve et une habileté de langage, notre
k honorable président s'est fait, il faut le reconnaître, l'écho du parti
a qui a triomphé dans cette Assemblée.
a Dans son discours, M. le président Buffet, par une réserve habile
a de langage, a semblé attribuer au nouveau gouvernement établi
a depuis cinq semaines le mérite que tout gouvernement a le droit de
a revendiquer pour la reconstitution d'une armée aussi belle que l'est la
« nôtre.
<c Messieurs, j'avais l'honneur de vous dire que j'avais le regret de
a. retrouver dans les réserves de langage deM. le président, la politique
oc d'une partie de l'Assemblée qni veut attribuer au nouveau gouverne-
a ment les résultats qui sont dus, en grande partie, il faut le reconnai-
« tre, au gouvernement qui l'a précédé. j>
Il est bien entendu que ces paroles ne furent pas dites aussi
aisément que vous venez de lôs lire, et que nous avons suppri-
mé, pour gagner un peu de place, les interruptions furibon-
des de tout un côté de l'Assemblée.
M. Buffet répondit, donna de très-mauvaises raisons que la
droite trouva excellentes, et finalement s'attira, le 12 juillet,
cette verte réplique de M. Horace de Choiseul :
<a m. de choiseul. — Je tiens à me pronoucer, non-seulement en
« mon nom, mais au nom de tout un côté de l'Assemblée (Oui I oui ! à
a gauche) au sujet du dévouement, de l'admiration et de la reconnais-
« sauce que nous témoignons tous à l'armée et, en particulier, à l'illustre
a maréchal qui est à sa tête. Je voudrais écarter son "nom de la poli-
o: tique, mais puisque vous m'y poussez, je' dirai que si nous nous som-
a mes rattachés unanimement à, son nom, c'est précisément parce qu'il
a est au dessus de toutes les intrigues de partis, et parce que sa parole
a d'honnête homme l'engage p,lns que toutes les intrigues qui pourraient
a surgir autour de lui.
a Oui, le président avait le droit d'exprimer ses sentiments au nom de
•. la majorité, et il a bien fait d'user de ce droit. Mais ijuand le senti-
<c ment de la majorité.»*! été exprimé, surtout du haut 'du fautsuil du
«c président, la minorité a le droit de taire consigner son opinion au
a procès-verbal. Ofc ici la minorité est considérable, presque aussi con-
« sidérable que 1^-majorité, et elle peut redevenir la majorité.
«c Une chose m# surprend, c'est que vous soyez aussi peu indulgents
« pour l'expressi<>h de sentiments que voué devriez comprendre. Si la
c politique ne vous dirigeait pas, vous seriez moins irrités. (Réclama-
a tions à droite.) Vbuïsauriez que non-seulement le pays, mais l'Europe
a attache le pliîS grand prix à exprimer sa reconnaissance à l'ancien
a gouvernemehti (Apptaudisseméntsà gauche. — Bruit,— Aux voix!) »
Cet incident nous à**it semblé digne d'être consigné à la
première page de VÈcHpte, fefc Gill fit le dessin que vous savez
ou plutôt non, que vous ne savez pas^5"'
Il représentai^ M. Horace de Choiseul en marchand d'oublis,
la boîte au dos ; de cette boîte sortait M, Thiers en lunettes
et en bonnet à poil.
"*** -
On porta cette feuille à Mme Anastasie-Fulbert, qui, à
première vue, se cacha la tête dans son tablier pour ne pas
voir une pareille horreur I...
Un instant, on craignit l'évanouissement.
Enfin, Anastasie-Fulbert risqua un œil; mais son pre-
mier mot fut, en nous montrant la porte :
— Jamais 1...
On essaya de la calmer, en lui expliquant que ce dessin n'é-
tait pas commandé par l'Internationale, qu'il s'agissait tout
simplement de montrer au public le ferme et courageux- député
tirant de la boite aux oublis, le grand citoyen dont l'Assemblée
feignait de ne plus vouloir se 80Uv«i1ir-iT™^B|
* *
Enfin, pour lever ses scrupuleSj om lui mit sous les yeux la
lettre suivante :
On veut qu'on n'en parle plus jamais.
M. de Broglie ne sera content que le jour où il entendra
quelqu'un dire dans la rue :
— M. Thiers?... Qu'est-ce que c'est que jfet... Conikis pas.
Dieu fasse que la France ne dise pas un jour :
— M. de Broglie?... Connais trop I...
Le gouvernement du sacré cœur de Jésus et sa censure auront
beau faire.
Le 5 septembre prochain, quand le dernier centime des cinq
milliards passera en Prusse en même temps que le dernier des
Prussiens, je seiaisbien étonné que le cri de joie poussé par
toute la France fût :
— Vive Batbiel...
LÉON BIENVENU.
----- ■ ■ ■ . ,.-.(.
Iqiate Horace de Chojskul
depute
La verte appréciation de la censure du crayon eonteaue en
ces lignes, firent faire une forte grimace à Anastasie Fulbert,
mais ne put l'attendrir.
Cependant, l'heure pressait, on allait mettre le journal sous
presse.
On n'a pas toujours prêt un dessin représentant la future
église du sacré cœur de Jésus sur la butte Montmartre.
* *
Madame Anastasie Fulbert demanda la suppression de
M. Thiers.
A cette condition, elle autoriserait le dessin.
Il fallut se soumettre.
Et voilà pourquoi, chers lecteurs, nous vous offrons encore
aujourd'hui un dessin dont la censure a presque fait une
énigme.
Le dessin complet de Gill va retrouver ses aînés' dans notre
carton des refusés, qui e3t devenu, nous pouvons le dire sans
trop de vanité, une curiosité artistique d'un très-grand attrait.
' Nos amis le disent du moins.
Et le cadenas qui fermé le carton des refusés a'ouvre assez fa-
cilement pour que la réputatioa de la galerie qu'il renferme
soit déjà grande.
Si nous avons donné quelque importance S cette nouvelle
escapade grincheuse de madame Anastasie Fulbert, ce n'est
pas sans molif.
Un dessin de plus de mutilé sur cinq ou six cents, ce n'est
pas une affaire ; mais la mutilation d aujourd'hui méritait une
attention toute spéciale.
En supprimant de notre dessin la figure de M. Thiers sor-
tant de la boîte aux oublis, dame Anastasie avoue clairemen t
et sans détours qu'elle s'associe à la politique de combat du
24 Mai.
On veut, par tous les moyens possible/depuis le bruit des
couteaux à papier à l'Assemblée jùsqU'aux coups de crayon
rouge de la censure des dessins, effacei- e& France jusqu'au
souvenir de l'homme qui s'était voué aU salut du pays.
LE POISSON RÉCALCITRANT
histoire p'tjn peuple de ma connaissance
En vérité, c'est une histoire bien singulière que l'histoire du
Poisson récalcitrant.
Il y a trois ans, le Poisson en question n'avait rien du tout de
récalcitrant. •
Il était alors traqué dans sa rivière natale par des régiments de
brochets qui lui cherchaient des querelles d'allemand, toutes les
deux minutes.
Après plusieurs mois de luttes, de combats, hélas ! rarement
couronnés de succès, le pauvre petit Poisson avait demandé à
subir la paix, au nord, au midi, à l'est ci à l'ouest.
Mais comme les poissons ne peuvent pas faire la paix tout seuls,
ils avaient chargé les premiers et même les derniers pêcheurs
venus d'aller s'entendre avec les généraux des régiments de bro-
chets. ,:' ;-,-•). - •-Sjgyaj'V j
Donc, à cétte époque, notre Poisson, le poisson dont je vous
raconte l'histoire singulière, s'é tait laissé prendre par de beaux
messieurs qui avaient eu l'aplomb de mettre au bout de leur
ligne un, hameçon sur lequel on lisait : « Paix et République. »
1 * * . ■ .
Quelque* mois plus tard, la paix faite et signée, les divers beaux
messieurs qui avaient mis au bout de leur ligne le mot Hépubliquef
■jfcO&r attraper le petit Poisson, choisirent pour. pêcheur en che
,un petit homme fort habile; déjà sur le retouf, et qui lit le ser-
ment de respecter lu liépiMitjtw des poissons, bien qu'il ne les
aimât, pas yutre mesure.
Ce serment, il le tint, surtout après un essai loyal infiniment
trop prolongé.
De là, grande colère des beaux messieurs qui avaient remplacé,
sans succès d'ailleurs, au bout de leur ligne le. mot République par
le mot Monarchie.
Ce voyant, les petits poissons devinrent peu à peu récalcitrants.
Et quand, après le décès de plusieurs beaux messieurs, on vint
de nouveau leur tendre la ligne, ils vinrent frétiller tous, tous,
tous autour des hameçons qui portaient le mot : radical.
Et pas un hameçon monarchique ne fut gobé 1
*
* *
De là, nouvelle grande colère, oh! mais très-grande colère de la
part de tous les autres beaux messieurs restés vivants.
C'est alors que les beaux messieurs, qui s'étaient transportés, sur