110
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
1" Octobre 1876.
L'HOMME DU JOUR
JULES CLARETIE
Voici un de nos contemporains les plus connus et
— ceci n'est pas un paradoxe — les moins connus
qu'on puisse trouver. Je m'explique : Jules Glaretie1
passe pour un écrivain qui improvise, avec une fa-
cilité prestigieuse, une foule d'écrits de tout genre,
histoire, romans, drames, comédies, articles de cri-
tique littéraire,
et artistique..
Certes, il a beau-
coup publié ,
sans qu'osa
puisse d'ail -
leurs trouver
dans lia seul de
ses livres une
phrase coupable
au double poin t
de vue de la
pensée et de, la
forme. Mais s'il
a beaucoup pro-
duit, c'est qu'il
a beaucoup tra-
vaillé, et non-
seulement en
écrivant , mais
avant d'écrire.
Jules Glaretie
a vécu, on peut
le dire, en lisant
touj ours, en
prenant des
notes, en cou-
rant les archi-
ves , en déni-
chant de Y inédit
partout où i 1
peut en trou-
ver. C'est tout
simplement ce
qu'on appelle
être un érudit.
S nous mon-
trait un jour,
dans son cabinet, de travail, enfouis dans une cré-
dence, à côté de sa bibliothèque pleine de livres sur
la Révolution à reliure tricolore qu'il a inventée, des
tas de manuscrits couverts d'une fine écriture ratu-
rée, surchargée, indiquant un travail patient et
acharné. « Qu'est cela? lui disions-nous. — Ça '1 ré-
pondit-il , c'est ma salle d'armes. C'est en écrivant
ça que je me suis appris cette escrime de la plume,
où tant de gens font le mur toute leur vie sans deve-
nir des tireurs habiles. Ce sont mes premiers écrit-',
mes premiers romans, mes premiers airs!» (R il
feuilletait ces cahiers jaunis, portant des titres très-
simples ou très-bizarres : Armand Lambert, Daniel
Lenner, la Vieillesse du philosophe (un roman sur Rous-
seau), laFoHe du Luxembourg, Fil/ppo Lippi ; il y avait
des nouvelles philosophiques, des élégies romanti-
ques, des comédies satiriques.. Dix volumes peut-
être, écrits à dix-huit ou vingt ans, au sortir du col-
lège, dans le quartier latin ou la maison paternelle,
le soir, entre deux préparations d'examen.
— Et vous ne publierez pas tout cela ? demandâ-
mes-nous à- Jules Claretie. — Certes non ! Ce sont les
croquis et les ébauches, les études qui m'ont permis
de faire, quinse ou seize ans après, des tableaux. Je
les laissa' da.u- un coin, sans y toucher jamais.
Seulement quand on me dit que j'écris beaucoup et
que j'écris vite, j'ouvre cel te crédence, je prends ces
manuscrite d'autrefois, ces humbles essais qui res-
teront dans la
poussière et que
je brûlerai un
jour, et je ré-
ponds : — Si
.; écris beaucoup
à*r»ute-sixans,
c'est que j'ai
déjà travaillé à
seize , et si j'é-
cris facilement
auj oard'hui ,
c'est que j'ai
laborieusement
âpremeat con-
quis autrefois
cette facilité !
Julee Claretie
y si est , en effet,
I) / \ri_ 'i jjj le contraire de
l'imp rovisa-
teur. Doué
d'une façon
toute particu-
lière, il fait sans
peine , il est
vrai, ce qui coû-
terait nombre
d'efforts àd'aai-
tres, mais tout
cela a été pen-
sé, senti, voulu,
et chaque ligne
est pesée
comme si elle
sentait la fati-
gue. Certes, son
style ne répand
poin* «ne odeur d'huile, il est alerte et de prime-
saut'. .Mais il est nerveux, vigoureux et souple. Clare-
tie fait tous ses romans d'après nature et tous ses
livres d'histoire sur des pièces authentiques. Il a
mis dix ans à rassembler toutes ses notes et tous ses
documents sur Camille Desmoulins. Il a visité toutes
les maisons habitées par son héros, depuis celle où
Camille est né jusqu'à celle qu'il a quittée pour
aller à la mort. Il a conduit une locomotive pour
composer le Train 17. Lorsqu'il a dû écrire cette His-
toire de la Révolution 1870-1871, dont la première édi-
tion, en livraisons, a été un véritable événement de
librairie, et dont la deuxième édition, en cinq vo-
lumes in-8°, avec cartes et plans, prendra place
dans toutes les bibliothèques, il a compulsé les jour-
naux, rassemblé les preuves, et, après avoir suivi
notre armée en campagne, il a interrogé les acteurs
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
1" Octobre 1876.
L'HOMME DU JOUR
JULES CLARETIE
Voici un de nos contemporains les plus connus et
— ceci n'est pas un paradoxe — les moins connus
qu'on puisse trouver. Je m'explique : Jules Glaretie1
passe pour un écrivain qui improvise, avec une fa-
cilité prestigieuse, une foule d'écrits de tout genre,
histoire, romans, drames, comédies, articles de cri-
tique littéraire,
et artistique..
Certes, il a beau-
coup publié ,
sans qu'osa
puisse d'ail -
leurs trouver
dans lia seul de
ses livres une
phrase coupable
au double poin t
de vue de la
pensée et de, la
forme. Mais s'il
a beaucoup pro-
duit, c'est qu'il
a beaucoup tra-
vaillé, et non-
seulement en
écrivant , mais
avant d'écrire.
Jules Glaretie
a vécu, on peut
le dire, en lisant
touj ours, en
prenant des
notes, en cou-
rant les archi-
ves , en déni-
chant de Y inédit
partout où i 1
peut en trou-
ver. C'est tout
simplement ce
qu'on appelle
être un érudit.
S nous mon-
trait un jour,
dans son cabinet, de travail, enfouis dans une cré-
dence, à côté de sa bibliothèque pleine de livres sur
la Révolution à reliure tricolore qu'il a inventée, des
tas de manuscrits couverts d'une fine écriture ratu-
rée, surchargée, indiquant un travail patient et
acharné. « Qu'est cela? lui disions-nous. — Ça '1 ré-
pondit-il , c'est ma salle d'armes. C'est en écrivant
ça que je me suis appris cette escrime de la plume,
où tant de gens font le mur toute leur vie sans deve-
nir des tireurs habiles. Ce sont mes premiers écrit-',
mes premiers romans, mes premiers airs!» (R il
feuilletait ces cahiers jaunis, portant des titres très-
simples ou très-bizarres : Armand Lambert, Daniel
Lenner, la Vieillesse du philosophe (un roman sur Rous-
seau), laFoHe du Luxembourg, Fil/ppo Lippi ; il y avait
des nouvelles philosophiques, des élégies romanti-
ques, des comédies satiriques.. Dix volumes peut-
être, écrits à dix-huit ou vingt ans, au sortir du col-
lège, dans le quartier latin ou la maison paternelle,
le soir, entre deux préparations d'examen.
— Et vous ne publierez pas tout cela ? demandâ-
mes-nous à- Jules Claretie. — Certes non ! Ce sont les
croquis et les ébauches, les études qui m'ont permis
de faire, quinse ou seize ans après, des tableaux. Je
les laissa' da.u- un coin, sans y toucher jamais.
Seulement quand on me dit que j'écris beaucoup et
que j'écris vite, j'ouvre cel te crédence, je prends ces
manuscrite d'autrefois, ces humbles essais qui res-
teront dans la
poussière et que
je brûlerai un
jour, et je ré-
ponds : — Si
.; écris beaucoup
à*r»ute-sixans,
c'est que j'ai
déjà travaillé à
seize , et si j'é-
cris facilement
auj oard'hui ,
c'est que j'ai
laborieusement
âpremeat con-
quis autrefois
cette facilité !
Julee Claretie
y si est , en effet,
I) / \ri_ 'i jjj le contraire de
l'imp rovisa-
teur. Doué
d'une façon
toute particu-
lière, il fait sans
peine , il est
vrai, ce qui coû-
terait nombre
d'efforts àd'aai-
tres, mais tout
cela a été pen-
sé, senti, voulu,
et chaque ligne
est pesée
comme si elle
sentait la fati-
gue. Certes, son
style ne répand
poin* «ne odeur d'huile, il est alerte et de prime-
saut'. .Mais il est nerveux, vigoureux et souple. Clare-
tie fait tous ses romans d'après nature et tous ses
livres d'histoire sur des pièces authentiques. Il a
mis dix ans à rassembler toutes ses notes et tous ses
documents sur Camille Desmoulins. Il a visité toutes
les maisons habitées par son héros, depuis celle où
Camille est né jusqu'à celle qu'il a quittée pour
aller à la mort. Il a conduit une locomotive pour
composer le Train 17. Lorsqu'il a dû écrire cette His-
toire de la Révolution 1870-1871, dont la première édi-
tion, en livraisons, a été un véritable événement de
librairie, et dont la deuxième édition, en cinq vo-
lumes in-8°, avec cartes et plans, prendra place
dans toutes les bibliothèques, il a compulsé les jour-
naux, rassemblé les preuves, et, après avoir suivi
notre armée en campagne, il a interrogé les acteurs
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
L'homme du jour
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: "Jules Claretie" Signatur: "And. G." Sonstige Angaben: "Lef. Sc"
Kommentar
verknüpfen
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 9.1878, S. 27_110
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg