!" Octobre 1876.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTREE
111
mêmes de ce grand drame. Aussi bien l'Histoire de
la Révolution de d 870-71 restera, et ce livre populaire
devait évidemment bientôt revêtir une forme nou-
velle, plus durable, plus digne de lui, c'est celle
qu'il aura désormais, complète et enrichie de gra-
vures.
Mais Jules Claretie vient de donner un pendant
moins volumineux, mais tout aussi important, sur
cette période de notre histoire. Il a visité l'Al-
sace, laLorraine, Metz, Strasbourg, les champs de
bataille, les villages ; il a interrogé les tombes et
les paysans, et de ce voyage, de ce pèlerinage, il a
rapporté un des livres les plus intéressants et les
plus émouvants qu'on puisse lire. Ce livre sera
bientôt dans toutes les mains. Il a pour titre : Cinq
ans après : L'Alsace et la Lorraine depuis l'annexion.
Et que de douleurs, de drames, que de larmes tien-
nent dans ces seuls mots! Il n'est point de roman
qui se fasse lire avec plus de passion. Les soldats
de 1870 y trouveront la trace de leurs combats, les
parents de nos morts y trouveront le souvenir - de
ceux qui ne sont plus ; les Prussiens y trouveront la
preuve du patriotisme de l'Alsace et de la Lorraine
éloquemment donnée par un écrivain qui ne se con-
tente pas d'avoir du talent, mais qui y joint l'amour
profond de sa patrie.
Jules Glaretie avait publié bien avant le livre si
justement connu et apprécié de Victor ïissot, un
livre contre et sur l'Allemagne : les Frussiens chez
eux. La même verve et la même haine de l'étranger
animent ces pages sur l'Alsace et la Lorraine, et
toute âme vraiment française et républicaine tres-
saillera aux tableaux de Cinq ans après.
On dit parfois que la France oublie ses épreuves
et ses blessures. Jules Claretie n'en croit rien, et il
a écrit ce livre pour nous faire souvenir de notre
sang versé. Noble entreprise et bien digne de l'au-
teur de tant de pages vibrantes de patriotisme.
Ce dernier ouvrage, Cinq ans après, classe décidé-
ment Jules Glaretie , le populaire écrivain de lTïïs-
toire de la Révolution de 1870-71, parmi ceux qui font
vaillamment et à la fois acte d'éminents artistes et
de bons citoyens.
J. Knox.
CHRONIQUE DE LA SEMAINE
Bourgeois de Paris, gens paisibles, pères de la-
4 mille pacifiques, veuves et orphelins sans défense,
on ne peut pas vous le cacher plus longtemps, don
Carlos est dans vos murs! et les familles cléricales
et royalistes nous annoncent qu'il a l'intention de
fixer sa résidence à Paris jusqu'à ce qu'il juge le
moment favorable pour reprendre son petit travail
dans le nord de l'Espagne.
Cette nouvelle peu rassurante a jeté un froid parmi
les gens qui rentrent tard. Voici les soirées qui devien-
nent longues, et vraiment nous n'avions pas besoin
de ce nouveau sujet d'inquiétude. M. le préfet de
police est averti, et sans doute qu'il organisera des
services supplémentaires ; la brigade de sûreté sera
sur les dents ; car si ce prétendant de grande route
a amené avec lui ses dignitaires et ses grands corps
de l'Etat, amaigris par une saison de chômage, gare
aux étalages et aux attaques nocturnes ! La rue Vi-
vienne deviendra une sierra où l'on ne pourra pas-
ser à dix heures du soir sans artillerie.
Enfin, les commerçants sont prévenus ; c'est à
eux de soigner leurs fermetures. Les défenseuirs de
la religion, les conservateurs qui gagnent leur vie
à coups de couteau nous honorent de leur présenee !
citoyens, garde à vous ! serrez vos couverts, et ne
rentrez pas du spectacle sans escorte !
Un amateur extrêmement original a été condamné
ces jours derniers à deux mois de prison pour avoir
refusé de recevoir son fusil de réserviste, sous le
prétexte ingénieux qu'il est quaker et que sa reli-
gion lui défend l'usage des armes. C'est à peu près
la même raison qui est invoquée en faveur de nos
frères les séminaristes. Rien de plus commode
qu'une pareille théorie : avec un verset de la Bible,
on pourrait se débarrasser de toutes les charges so-
ciales, les laisser spirituellement sur le dos des gens
qui ont des relations plus froides avec le bon
Dieu.
Cet impayable quaker est bien amusant : il est
probablement tout seul de sa secte en France, en
sorte qu'il faudrait faire une loi particulière pour
lui et ses descendants, si toutefois sa religion ne lui
défend pas d'en avoir sous son nom, comme à d'au-
tres amis du Seigneur.
Cet homme pratique est négociant ; on aime à
penser qu'il ne pousserait pas le rigorisme jusqu'à
interdire aux nombreux Français qui ont négligé de
se faire quakers de défendre sa boutique contre les
I Prussiens.
Toujours est-il que sa méthode est assez at-
trayante. Elle met sur la voie du parfait bonheur
chrétien. On pourrait de la même manière s'affran-
chir d'une foule de corvées désagréables et former
diverses communions religieuses qui vous défen-
draient, sous peine de damnation éternelle :
De payer son terme ;
Item son tailleur;
Item ses impositions;
De remplir le devoir conjugal, sauf ira partibus in-
fideiium, ce qu'on nomme vulgairement « en ville »,
etc., etc.
C'est une idée qui est à creuser.
Il faut avouer que nous autres conservateurs nous
avons bien frémi en apprenant que des élections
municipales complémentaires allaient avoir lieu
dans 12.000 communes de France. Nous n'en dor-
mions plus, nous en desséchions sur pied. Les
feuilles conservatrices, qui sont nos oracles, nous
avaient annoncé qu'une agitation formidable se pro-
duisait; l'hydre de l'anarchie rentrait en scène avec
toutes ses tètes et toutes ses gueules ; nous nous
sentions perdus, la terre manquait sous nos pieds.
Ces terribles élections ont eu lieu, et il parait
qu'elles ont été en majorité républicaines; il est
vrai qu'il ne s'est rien passé du tout d'extraordi-
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTREE
111
mêmes de ce grand drame. Aussi bien l'Histoire de
la Révolution de d 870-71 restera, et ce livre populaire
devait évidemment bientôt revêtir une forme nou-
velle, plus durable, plus digne de lui, c'est celle
qu'il aura désormais, complète et enrichie de gra-
vures.
Mais Jules Claretie vient de donner un pendant
moins volumineux, mais tout aussi important, sur
cette période de notre histoire. Il a visité l'Al-
sace, laLorraine, Metz, Strasbourg, les champs de
bataille, les villages ; il a interrogé les tombes et
les paysans, et de ce voyage, de ce pèlerinage, il a
rapporté un des livres les plus intéressants et les
plus émouvants qu'on puisse lire. Ce livre sera
bientôt dans toutes les mains. Il a pour titre : Cinq
ans après : L'Alsace et la Lorraine depuis l'annexion.
Et que de douleurs, de drames, que de larmes tien-
nent dans ces seuls mots! Il n'est point de roman
qui se fasse lire avec plus de passion. Les soldats
de 1870 y trouveront la trace de leurs combats, les
parents de nos morts y trouveront le souvenir - de
ceux qui ne sont plus ; les Prussiens y trouveront la
preuve du patriotisme de l'Alsace et de la Lorraine
éloquemment donnée par un écrivain qui ne se con-
tente pas d'avoir du talent, mais qui y joint l'amour
profond de sa patrie.
Jules Glaretie avait publié bien avant le livre si
justement connu et apprécié de Victor ïissot, un
livre contre et sur l'Allemagne : les Frussiens chez
eux. La même verve et la même haine de l'étranger
animent ces pages sur l'Alsace et la Lorraine, et
toute âme vraiment française et républicaine tres-
saillera aux tableaux de Cinq ans après.
On dit parfois que la France oublie ses épreuves
et ses blessures. Jules Claretie n'en croit rien, et il
a écrit ce livre pour nous faire souvenir de notre
sang versé. Noble entreprise et bien digne de l'au-
teur de tant de pages vibrantes de patriotisme.
Ce dernier ouvrage, Cinq ans après, classe décidé-
ment Jules Glaretie , le populaire écrivain de lTïïs-
toire de la Révolution de 1870-71, parmi ceux qui font
vaillamment et à la fois acte d'éminents artistes et
de bons citoyens.
J. Knox.
CHRONIQUE DE LA SEMAINE
Bourgeois de Paris, gens paisibles, pères de la-
4 mille pacifiques, veuves et orphelins sans défense,
on ne peut pas vous le cacher plus longtemps, don
Carlos est dans vos murs! et les familles cléricales
et royalistes nous annoncent qu'il a l'intention de
fixer sa résidence à Paris jusqu'à ce qu'il juge le
moment favorable pour reprendre son petit travail
dans le nord de l'Espagne.
Cette nouvelle peu rassurante a jeté un froid parmi
les gens qui rentrent tard. Voici les soirées qui devien-
nent longues, et vraiment nous n'avions pas besoin
de ce nouveau sujet d'inquiétude. M. le préfet de
police est averti, et sans doute qu'il organisera des
services supplémentaires ; la brigade de sûreté sera
sur les dents ; car si ce prétendant de grande route
a amené avec lui ses dignitaires et ses grands corps
de l'Etat, amaigris par une saison de chômage, gare
aux étalages et aux attaques nocturnes ! La rue Vi-
vienne deviendra une sierra où l'on ne pourra pas-
ser à dix heures du soir sans artillerie.
Enfin, les commerçants sont prévenus ; c'est à
eux de soigner leurs fermetures. Les défenseuirs de
la religion, les conservateurs qui gagnent leur vie
à coups de couteau nous honorent de leur présenee !
citoyens, garde à vous ! serrez vos couverts, et ne
rentrez pas du spectacle sans escorte !
Un amateur extrêmement original a été condamné
ces jours derniers à deux mois de prison pour avoir
refusé de recevoir son fusil de réserviste, sous le
prétexte ingénieux qu'il est quaker et que sa reli-
gion lui défend l'usage des armes. C'est à peu près
la même raison qui est invoquée en faveur de nos
frères les séminaristes. Rien de plus commode
qu'une pareille théorie : avec un verset de la Bible,
on pourrait se débarrasser de toutes les charges so-
ciales, les laisser spirituellement sur le dos des gens
qui ont des relations plus froides avec le bon
Dieu.
Cet impayable quaker est bien amusant : il est
probablement tout seul de sa secte en France, en
sorte qu'il faudrait faire une loi particulière pour
lui et ses descendants, si toutefois sa religion ne lui
défend pas d'en avoir sous son nom, comme à d'au-
tres amis du Seigneur.
Cet homme pratique est négociant ; on aime à
penser qu'il ne pousserait pas le rigorisme jusqu'à
interdire aux nombreux Français qui ont négligé de
se faire quakers de défendre sa boutique contre les
I Prussiens.
Toujours est-il que sa méthode est assez at-
trayante. Elle met sur la voie du parfait bonheur
chrétien. On pourrait de la même manière s'affran-
chir d'une foule de corvées désagréables et former
diverses communions religieuses qui vous défen-
draient, sous peine de damnation éternelle :
De payer son terme ;
Item son tailleur;
Item ses impositions;
De remplir le devoir conjugal, sauf ira partibus in-
fideiium, ce qu'on nomme vulgairement « en ville »,
etc., etc.
C'est une idée qui est à creuser.
Il faut avouer que nous autres conservateurs nous
avons bien frémi en apprenant que des élections
municipales complémentaires allaient avoir lieu
dans 12.000 communes de France. Nous n'en dor-
mions plus, nous en desséchions sur pied. Les
feuilles conservatrices, qui sont nos oracles, nous
avaient annoncé qu'une agitation formidable se pro-
duisait; l'hydre de l'anarchie rentrait en scène avec
toutes ses tètes et toutes ses gueules ; nous nous
sentions perdus, la terre manquait sous nos pieds.
Ces terribles élections ont eu lieu, et il parait
qu'elles ont été en majorité républicaines; il est
vrai qu'il ne s'est rien passé du tout d'extraordi-