13 Août 1876.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE "COMIQUE ILLUSTRÉE
«* UNE VEUVE
— J'ai une maîtresse charmante , une jeune
veuve, dont le mari a disparu en mer, me dit un
jour mon ami Contran ; si tu veux, nous irons de-
main faire une partie avec elle à Gamaret ; le temps
sera beau sans doute et la mer douce, tu verras :
un vrai pilote, mon Olympe !
Pareille partie ne se refuse pas. Je devais être prêt
au petit jour (la jeune veuve ne voulant pas trop se
compromettre) et l'on reviendrait à la nuit close.
Mon ami Contran, disons-le tout de suite, était
employé au Câble transatlantique à Brest ; il avait
jadis navigué, et de ses anciens voyages il conser-
vait la passion de la mer; aussi, en dehors du travail
de bureau, ne s'occupait-il que de son canot, la
Dorade, une petite chaloupe gréée en baleinière qui
se comportait solidement à la lame et tenait le vent
comme un véritable yacht.
L'autre passion de mon ami Gontran, c'était cette
veuve Olympe, une délicieuse petite bourgeoise de
Landerneau qui s'était établie mercière à Brest
lors de son mariage avec un capitaine au long cours,
natif d'Ouessant, un vieux loup de mer.
Exact comme un Parisien en voyage, j'étais à
bord de la Durade au soleil levant.
Je salue la dame-pilote aussi gracieusement que
possible ; ils étaient occupés, elle et mon ami, à
préparer voile et cordages en gens du métier.
C'était une petite femme b.ondelette, à l'œil vif,
toute jeune, vingt-deux ans à peine. Elle n'avait
point fait grands frais de toilette, et sa tète fine et
délicate — presque une tète de Parisienne — était
rendue plus charmante encore par la coiffe coquette
du pays qu'elle préférait,me dit-elle, à tous les cha-
peaux delà rue de la Paix, et ede raisonnait juste
en effet.
Gomme me l'avait dit Gontran, la veuve possédait
une véritable hardiesse de coup d'œil à la lame ;
nous filions grand'largue à travers les vaisseaux-
écoles et les embarcations de la rade; autour denous,
des bandes de marsouins pirouettaient gaiement
et les oiseaux de mer échappés des cavernes de la
falaise venaient planer au-dessus des mâtures gigan-
tesques des navires.
Il s'agissait de traverser la rade et d'aller déjeuner
à Camaret.
Après trois heures de route, nous nous trouvâmes
en face de Camaret. Notre gentil pilote mélancolique
n'avait guère desserré les dents que pour donner à
Gontran des ordres brusques quand il fallait, selon
les brises, tantôt serrer, tantôt lâcher la toile.
Camaret est un petit port important a cause de
sa situation : enfoncé dans une vaste crique presque
L'ÉCLIPSÉ, REVUE "COMIQUE ILLUSTRÉE
«* UNE VEUVE
— J'ai une maîtresse charmante , une jeune
veuve, dont le mari a disparu en mer, me dit un
jour mon ami Contran ; si tu veux, nous irons de-
main faire une partie avec elle à Gamaret ; le temps
sera beau sans doute et la mer douce, tu verras :
un vrai pilote, mon Olympe !
Pareille partie ne se refuse pas. Je devais être prêt
au petit jour (la jeune veuve ne voulant pas trop se
compromettre) et l'on reviendrait à la nuit close.
Mon ami Contran, disons-le tout de suite, était
employé au Câble transatlantique à Brest ; il avait
jadis navigué, et de ses anciens voyages il conser-
vait la passion de la mer; aussi, en dehors du travail
de bureau, ne s'occupait-il que de son canot, la
Dorade, une petite chaloupe gréée en baleinière qui
se comportait solidement à la lame et tenait le vent
comme un véritable yacht.
L'autre passion de mon ami Gontran, c'était cette
veuve Olympe, une délicieuse petite bourgeoise de
Landerneau qui s'était établie mercière à Brest
lors de son mariage avec un capitaine au long cours,
natif d'Ouessant, un vieux loup de mer.
Exact comme un Parisien en voyage, j'étais à
bord de la Durade au soleil levant.
Je salue la dame-pilote aussi gracieusement que
possible ; ils étaient occupés, elle et mon ami, à
préparer voile et cordages en gens du métier.
C'était une petite femme b.ondelette, à l'œil vif,
toute jeune, vingt-deux ans à peine. Elle n'avait
point fait grands frais de toilette, et sa tète fine et
délicate — presque une tète de Parisienne — était
rendue plus charmante encore par la coiffe coquette
du pays qu'elle préférait,me dit-elle, à tous les cha-
peaux delà rue de la Paix, et ede raisonnait juste
en effet.
Gomme me l'avait dit Gontran, la veuve possédait
une véritable hardiesse de coup d'œil à la lame ;
nous filions grand'largue à travers les vaisseaux-
écoles et les embarcations de la rade; autour denous,
des bandes de marsouins pirouettaient gaiement
et les oiseaux de mer échappés des cavernes de la
falaise venaient planer au-dessus des mâtures gigan-
tesques des navires.
Il s'agissait de traverser la rade et d'aller déjeuner
à Camaret.
Après trois heures de route, nous nous trouvâmes
en face de Camaret. Notre gentil pilote mélancolique
n'avait guère desserré les dents que pour donner à
Gontran des ordres brusques quand il fallait, selon
les brises, tantôt serrer, tantôt lâcher la toile.
Camaret est un petit port important a cause de
sa situation : enfoncé dans une vaste crique presque
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La semaine comique
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)