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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 9.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6770#0237
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184

L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

±> Octobre 1876.

vous n'avez, certes, rien à voir, et moi-même, je
suis loin de rien dire de blessant à ces étrangers,
parmi lesquels un ou deux ont du talent; je les
trouve seulement bizarres et un peu prétentieux de
vouloir nous diriger, avant de 'commencer par leur
pays et par eux-mêmes.

Mais où vous avez le droit d'intervenir, c'est quand
le ministre des prétendus Beaux-Arts vous demande
de l'argent pour les Français, YOdéoh, le Lyrique,
V'Opéra-Comique, lesquels ont d'autres charges que
celles d'engraisser des Busses ou des Allemands
avec les impôts prélevés sur la nation entière.

■UOdéon joue depuis six mois M. Nevsky, un
boyard qui déguise son nom de Korvyn, comme s'il en
avait honte, sous un faux ner et un taux sky. De son
côté, M. Perrin, qui n'est du reste à citer comme mo-
dèle dans rien de propre, se moque de toute la
France en jouant, dans la maison traditionnelle de
la langue pure, M. Parodi, un Grec, qui écrit comme
un casseur de pierres.

Au Lyrique, M. Vizentini, à qui ses promesses ne
pèsent guère, l'aulile déjà parmi ses auteurs M. Ja-
cobi, un Prussien..

En un mat, les étrangers commandent partout en
imiHres, el il devient plus aisé à un Français de pé-
nélrer dans les harems de Constantinople que dans
le cabinet d'un directeur, tant ces messieurs pren-
nent avec nous des airs bouffis, importants et même
jaloux.

Je pourrais également vous donner la liste des
premiers peintres français qui ont baissé leurs prix
de moitié, tandis que leurs confrères étrangers, vi
vant à Paris, augmentent sans cesse les leurs.

Ne venez pas me dire que c'est tant pis si les
Français sont inférieurs. Bien de plus injuste, vous
le savez bien.

Seulement, comme le goût délcat des Français s'é-
moussede plus en plus, le public ne s'engoue des
étrangers que parce que les classes dirigeantes qui
lui donnent le ton sont assez communes, et parfois
assez vénales, pour ne mettre en avant que des
étrangers qui ont plus de savoir-faire que de
savoir.

Ne me répétez pas non plus la bourde que les arts
n'ont pas de patrie. Il n'y a qu'une buse dénuée de
sens artistique, qui ignore que les patries grecque,
italienne,.espagnole, flamande, allemande, française
même, n'ont été lumineuses et vivantes que par
leurs arts. Les grands pays sont ceux qui ont de
grands artistes pour les exalter et les purifier.

Enfin un dernier point à éclaircir serait celui de la
naturalisation plus ou moins sincère.

Tous ces étrangers qui nous envahissent, ne man-
quent jamais de répéter à l'envi : « Nous autres Pa-
risiens » ou : " Nous autres français, » pour donner
le change -au public et parfois, si leur masque se
découvre, -les journaux qu'ils dirigent les excusent
en s'écriamEf:

— Oh ! — un tel — il aime tant la France! C'est un
Français de coeur !

Ah! çà, monsieur le ministre, et nous? Pensez-
vous que nous la détestions, la France?

Nous avons ainsi un tas de Nevsky, de Parodi, de
maître Jacques, de Wolff, tous Français de cœur !

Parbleu ! Il ne manquerait plus qu'ils se réu-
nissent tous les soirs sur la place du Carrousel et

courussent les rues en insultant le pays qui leur
paie des revenus princiers.

Comme commentaire, je me bornerai à dire que ces
messieurs n'oublient pourtant jamais de reprendre
leur peau de Belge ou d'Allemand dès qu'ils sont
entre eux, et qu'ils savent se gausser admirablement
des badauds français toujours prêts à payer les fla-
gorneries.

En résumé, j'éprouve peu d'estime pour ces rené-
gats de la patrie. Leur amour, pour nous, ressemble
à celui des cocottes qui « aiment bien leur gros tou-
tou chéri » tant qu'il leur paie des écrevisses à tous
les repas et'qu'il dépose délicatement cinquante
louis tous les matins dans la coupe japonaise négli-
gemment placée tout exprès pour ça, sur la chemi-
née.

En style d'alcôve, qui est généralement celui que
ces messieurs connaissent le mieux, c'est ce qui
s'appelle: értairer, et c'est bien dans ce sens qu'il
faut le prendre quand ils disent que la France
éclaire le monde.

Candide.

UN « BON NÈGRE »

Le docteur C... était venu s'établir, il y a quelques
années dans une petite ville de province, aptes
avoir achevé ses études à Paris d'une façon bril-
lante.

originaire des Antilles, le docteur possédait la
tète la plus luisante et la plus noire qu'on puisse
imaginer, une vraie tète de pipe culottée par un
flamand ; eu outre, comme il jouissait d'une santé
de fer, il avait un ventre légèrement bedonnant, il
ne lui manquait qu'un cadran pour ressembler en
tous points au nègre célèbre de la Porte Saint-
Martin.

Sa qualité de nègre lui fit d'abord une assez forte
réclame, puis, quelques cures adroites continuèrent
à le mettre en lumière dans la petite ville, enfin, le
docteur C... était gai, bien élevé, dévoué à ses mala-
des et quoiqu'il eût beaucoup des ridicules de ses
compatriotes, et qu'il avalât tous les r de la langue
française en parlant, il paraît qu'il possédait un
charme fascinateur; car sa principale clientèle se
recrutait parmi les femmes les plus charmantes.

Les maris n'étaient d'ailleurs pas fâchés sans doute
que leurs femmes eussent affaire à un homme de
couleur, cela inspirait confiance.

Le pharmacien allait jusqu'à prétendre que C...
descendait de Toussaint-Louverture.

Pour nous résumer, au bout de dix-huit mois
d'exercice notre homme était le médecin à la mode,
et on le rencontrait sans cesse affairé, pressé, sa-
luant à la ha te ; il courait de ci, de là, se rendant
aux ordres dune cliente en couches ou en proie à la
migraine.

Quand il y avait soirée ou bal intime chez quel-
que éminent habitant, c'était le docteur C... à qui
l'on envoyait la première invitation ; il arrivait alors,
le chapeau a la main ; il n'avait disait-il, que le
temj>S'de faire une courte apparition — par poli-
tesse. — Les dames l'entouraient, le pressaient de
questions, lui laissaient à peine le temps de ré-
pondre.

L'une l'attendait le lendemain pour sa petite der-
nière qui avait un flux de ventre, l'autre l'aurait
désiré ""à la même heure parce que sa femme de
chambre avait des nausées. Consultation sur consul-
tation.
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