L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (9.1876)

M Octobre 1870.

L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

135

SCÈNES PARISIENNES.

SUBI. IMPERIALE DE L OMNIBUS.'

Gavroche a rigolé toute la nuit ; et ses récits scandalisent l'automédnn de. la O Gênerai. — Monsieur Bittermann, allemand de Vienne <
à ce qu'il assure; et tailleur, comme chacun sait, va porter chez le seul de ses clients qui paie exactement ses notes, un pon redin^otte,
il n'est pas encore assis, et le conducteur réclame déjà : Vos places, S V I\ !!!

Le bon nègre disparaissait enfin, en serrant la.
main précipitamment à tout le monde à la fois.

— Il est si occupé, ce charmant docteur! disait-
on partout..

— Et l'on dit encore que la race nègre nous est
inférieure, grognait nerveusement le pharmacien,
voyez donc ce brave C... c'est un homme d'élite
véritablement.

Le docteur ne tarda pas, à ce manège, à rassem-
bler une petite fortune assez ronde. Sa clientèle était
considérable, il ne lui manquait plus qu'une femme;
il n'avait que l'embarras du choix, à vrai dire, car
les jeunes filles à marier — suivant l'exemple des
jeunes femmes — croyaient de bon ton et de goût
exquis de paraître amourachées du docteur.

Il régnait dans la petite ville, comme une épidé-
mie « d'amour de nègre. »

Parmi les plus empressées clientes de la célébrité
noire, une madame de B..., très-jeune, mère de deux
jumeaux, paraissait moins éprise par curiosité et
par genre de G... elle avait de temps à autre une
petite mine rêveuse, quand on prononçait le nom du
docteur. Elle avait été fort soutirante à la suite de sa
couche, et sans l'habileté du nègre, elle aurait peut-
être succombé. Aussi était-il plus assidu auprès de
Mm0 de B... qu'auprès des autres, fier de son œuvre.
D'ailleurs, cette cure avait contribué plus puissam-
ment que les autres encore, à établir sa réputa-
tion.

Mmc de B... était charmante, un peu frêle et d'une
nature légèrement triste. Mariée très-jeune à un
gentilhomme campagnard, robuste et brutal, qui ne

s'occupait guère que de ses chevaux et de ses chiens
Mmo de B... souffrait un peu des allures grossières de
son mari, mais ne paraissait pas moins l'aimer.

Un beau jour, M. de B..., dans une battue, de san-
gliers, fut éventré. La pauvre femme restait veuve
avec ses deux jumeaux ; de plus, elle était enceinte
de trois mois.

— Ce pauvre de B..., disait le docteur C..., quel
malheur! Mais, entre nous (et il baissai' la voix),
c'est presque un bien pour sa femme, car elle n'est
pas faite pour avoir des enfants, et moi qui l'ai soi-
gnée, je redoute fort l'instant fatal.

Six mois après ce sinistre événement, le docteur
C... était appelé en toute hâte auprès de sa jolie
cliente ; l'instant fatal était arrivé.

Depuis la mort de M. de B..., il jure ne pas éveil-
ler des jalousies, et pour ne pas prêtera des moyens
méchants, si fréquents dans les petites villes, C...
avait eule bon goût de n'aller que discrètement chez
Mmo de B...; et l'on avait, encore en cette occasion,
fait plus bruyamment son éloge.

Le jour même de la délivrance de Mm0 de B..., le
docteur C... qui était auprès d'un malade à la cam-
pagne, ne put arriver à temps, on avait été forcé
d'avoir recours à son confrère le plus proche.

Tout était fini quand il se présente à la porte de la
chambre à coucher de Mmc de B..., où il fut accueilli
d'un air narquois par son concurrent.

Mystère et dérision de la nature'! M"*0 de B... venait
de mettre au monde un négrillon, luisant comme
des souliers vernis. — Pas même un mulâtre, un
vrai néerillon !