L'ÉCOLE I
a gauche, le terrain accidenté se relève en forme de
tertre et va se perdre dans l'ombre d'un bosquet voi-
sin ; au fond un horizon boisé termine le paysage ; sur
le second plan, deux petites ligures, a peine indiquées,
s'éloignent et vont bientôt disparaître dans quelque
pli du terrain; encore un instant, et rien ne troublera
plus le calme et le recueillement de cette fraîche soli-
tude! Ne serait-il pas bien doux , par une belle jour-
née d'été, à l'heure où le soleil darde ses plus chauds
rayons, de rencontrer ces beaux arbres sur son pas-
sage, et d'aller chercher sous leur ombre épaisse et
mystérieuse un abri contre les ardeurs du midi, une
heure de repos après la fatigue d'une longue marche?
— Mais je m'abandonne au sentiment poétique que
le site m'inspire ! — Admirez un peu la puissance de
l'art ! Il a suffi d'un simple croquis, de quelques coups
de crayon donnés par une main habile, pour me ren-
dre la nature présente et faire vibrer en moi les mê-
mes sentiments, les mêmes impressions, les mêmes
désirs que la réalité me ferait éprouver. — Voila le
véritable, le grand but de l'art, et qu'il faut toujours
se proposer d'atteindre : émouvoir, intéresser par la
représentation des scènes de la nature ; mais on n'y
parvient qu'après beaucoup de labeur et d'épreuves ;
je ne crois guère aux grands artistes improvisés. —
Revenons donc modestement au technique, ou, en
d'autres termes, a ce que j'appellerai la grammaire de
l'art, en attendant que nous ayons acquis assez de ta-
lent et de facilité d'exécution pour nous permettre de
viser plus haut et plus loin.
La forme générale de ce beau groupe d'arbres est
nette et précise; il faudra dans l'esquisse s'appliquer
a en reproduire fidèlement la silhouette élégante ; en-
suile on indiquera le branchage ; il va sans dire que
les deux tiges principales auxquelles il se rattache
auront été tracées d'abord. Passant aux masses lumi-
neuses du feuillage, on en déterminera le plus exacte-
ment possible la place, les contours et les détails, non
point feuille a feuille, mais bouquet par bouquet, au
moins pour les groupes les plus apparents; puis on
ombrera, à la manière ordinaire , en ayant soin de
donner aux teintes la même valeur, et aux hachures j
la même direction qu'elles ont dans le modèle. A cette !
E DESSIN. 15
occasion nous ferons une remarque, savoir, que les
élèves éprouvent une certaine difficulté à faire ces ha-
chures lorsqu'elles ne sont pas, comme on dit, à la
main, c'est-à-dire lorsqu'au lieu d'être dirigées de la
droite a la gauche elles le sont de la gauche à la droite,
comme ici dans les arbres du fond et dans les dessous
du feuillage des deux noyers du premier plan. Cette
difficulté ne vient que du défaut d'habitude. Il faut,
dès le commencement, rompre sa main à ce travail
des hachures fait indifféremment dans tous les sens.
Après un peu de pratique, on verra (pie le crayon
obéissant ne sera pas plus rétif a marcher de gauche
à droite que de droite à gauche.
Quant au feuille, il est bon d'observer que les
caractères en sont légèrement arrondis et tendent ii
se grouper en forme d'éventail, ce qui est en effet
l'aspect le plus ordinaire que présente le feuillage du
noyer. Nous conseillons a nos élèves de faire à pari
quelques exercices préliminaires et de se le bien met-
Ire dans la main avant de passer a l'exécution défi-
nitive.
Pl. 165. — Porte du château de Montforl en Bour-
gogne, étude d'architecture pittoresque, par M. Victor
Petit.
Nous avons ici sous les yeux un spécimen de l'ar-
chitecture militaire au quinzième siècle; voici bien la
vieille porte surbaissée, protégée par deux tourelles,
percées de meurtrières, où se tenaient les archers qui
en surveillaient les approches. De pareilles forlifica-
lions ont perdu leur puissance depuis l'invention du
canon ; elles offrent trop de prise au boulet ; mais il
faut convenir qu'au point de vue pittoresque elles va-
lent bien mieux que nos bastions modernes. C'est
sous ce dernier rapport qu'elles méritent d'intéresser
l'artiste.
Si nos leçons de perspective ont porté profit à nos
élèves, le tracé de ce joli monument leur en paraîtra
d'autant plus facile. L'édifice est vu de front ; l'hori-
zon fixé a peu près a la hauteur de la seconde mou-
lure qui enceint les tours a partir du sol; les lignes
de la moulure inférieure tendent à monter; celles des
deux moulures supérieures et de la corniche inclinent
au contraire vers l'horizon (voyez pl. 158, fig. 15 et
a gauche, le terrain accidenté se relève en forme de
tertre et va se perdre dans l'ombre d'un bosquet voi-
sin ; au fond un horizon boisé termine le paysage ; sur
le second plan, deux petites ligures, a peine indiquées,
s'éloignent et vont bientôt disparaître dans quelque
pli du terrain; encore un instant, et rien ne troublera
plus le calme et le recueillement de cette fraîche soli-
tude! Ne serait-il pas bien doux , par une belle jour-
née d'été, à l'heure où le soleil darde ses plus chauds
rayons, de rencontrer ces beaux arbres sur son pas-
sage, et d'aller chercher sous leur ombre épaisse et
mystérieuse un abri contre les ardeurs du midi, une
heure de repos après la fatigue d'une longue marche?
— Mais je m'abandonne au sentiment poétique que
le site m'inspire ! — Admirez un peu la puissance de
l'art ! Il a suffi d'un simple croquis, de quelques coups
de crayon donnés par une main habile, pour me ren-
dre la nature présente et faire vibrer en moi les mê-
mes sentiments, les mêmes impressions, les mêmes
désirs que la réalité me ferait éprouver. — Voila le
véritable, le grand but de l'art, et qu'il faut toujours
se proposer d'atteindre : émouvoir, intéresser par la
représentation des scènes de la nature ; mais on n'y
parvient qu'après beaucoup de labeur et d'épreuves ;
je ne crois guère aux grands artistes improvisés. —
Revenons donc modestement au technique, ou, en
d'autres termes, a ce que j'appellerai la grammaire de
l'art, en attendant que nous ayons acquis assez de ta-
lent et de facilité d'exécution pour nous permettre de
viser plus haut et plus loin.
La forme générale de ce beau groupe d'arbres est
nette et précise; il faudra dans l'esquisse s'appliquer
a en reproduire fidèlement la silhouette élégante ; en-
suile on indiquera le branchage ; il va sans dire que
les deux tiges principales auxquelles il se rattache
auront été tracées d'abord. Passant aux masses lumi-
neuses du feuillage, on en déterminera le plus exacte-
ment possible la place, les contours et les détails, non
point feuille a feuille, mais bouquet par bouquet, au
moins pour les groupes les plus apparents; puis on
ombrera, à la manière ordinaire , en ayant soin de
donner aux teintes la même valeur, et aux hachures j
la même direction qu'elles ont dans le modèle. A cette !
E DESSIN. 15
occasion nous ferons une remarque, savoir, que les
élèves éprouvent une certaine difficulté à faire ces ha-
chures lorsqu'elles ne sont pas, comme on dit, à la
main, c'est-à-dire lorsqu'au lieu d'être dirigées de la
droite a la gauche elles le sont de la gauche à la droite,
comme ici dans les arbres du fond et dans les dessous
du feuillage des deux noyers du premier plan. Cette
difficulté ne vient que du défaut d'habitude. Il faut,
dès le commencement, rompre sa main à ce travail
des hachures fait indifféremment dans tous les sens.
Après un peu de pratique, on verra (pie le crayon
obéissant ne sera pas plus rétif a marcher de gauche
à droite que de droite à gauche.
Quant au feuille, il est bon d'observer que les
caractères en sont légèrement arrondis et tendent ii
se grouper en forme d'éventail, ce qui est en effet
l'aspect le plus ordinaire que présente le feuillage du
noyer. Nous conseillons a nos élèves de faire à pari
quelques exercices préliminaires et de se le bien met-
Ire dans la main avant de passer a l'exécution défi-
nitive.
Pl. 165. — Porte du château de Montforl en Bour-
gogne, étude d'architecture pittoresque, par M. Victor
Petit.
Nous avons ici sous les yeux un spécimen de l'ar-
chitecture militaire au quinzième siècle; voici bien la
vieille porte surbaissée, protégée par deux tourelles,
percées de meurtrières, où se tenaient les archers qui
en surveillaient les approches. De pareilles forlifica-
lions ont perdu leur puissance depuis l'invention du
canon ; elles offrent trop de prise au boulet ; mais il
faut convenir qu'au point de vue pittoresque elles va-
lent bien mieux que nos bastions modernes. C'est
sous ce dernier rapport qu'elles méritent d'intéresser
l'artiste.
Si nos leçons de perspective ont porté profit à nos
élèves, le tracé de ce joli monument leur en paraîtra
d'autant plus facile. L'édifice est vu de front ; l'hori-
zon fixé a peu près a la hauteur de la seconde mou-
lure qui enceint les tours a partir du sol; les lignes
de la moulure inférieure tendent à monter; celles des
deux moulures supérieures et de la corniche inclinent
au contraire vers l'horizon (voyez pl. 158, fig. 15 et