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Faure, Élie
Histoire de l'art (1): L' art antique — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librairie Plon, 1939

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https://doi.org/10.11588/diglit.70254#0023
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grands courants de l’esprit et nous avons pu invoquer des arguments
de valeur à peu près égale pour justifier nos penchants. Ce que nous
appelons l’art idéaliste, ce que nous appelons l’art réaliste sont des
formes momentanées de notre éternelle action. A nous de saisir la
minute immortelle où les forces conservatrices et les forces révolution-
naires de la vie s’épousent pour réaliser l’équilibre de l’âme humaine.
Ainsi, quelle que soit la forme sous laquelle il nous est offert, qu’il
soit actuellement vrai ou vrai dans notre désir, qu’il soit vrai à la fois
dans son apparence immédiate et dans ses destinées possibles, l’objet
par lui-même, le fait par lui-même ne sont rien. Ils ne valent que par
leurs relations infiniment nombreuses avec une ambiance infiniment
complexe et jamais semblable à une autre, qui traduisent des senti-
ments universels d’une infinie simplicité. Chaque fragment de l’œuvre,
parce qu’adapté lui-même à sa fin, si humble que soit cette fin, doit
retentir en échos silencieux dans toute sa profondeur et dans toute
son étendue. Ses tendances sentimentales, au fond, sont d’ordre secon-
daire : « La belle peinture, disait Michel-Ange, est pieuse en elle-même,
car l’âme s’élève par l’effort qu’il lui faut donner pour atteindre la per-
fection et se confondre en Dieu ; la belle peinture est un reflet de cette
perfection divine, une ombre du pinceau de Dieu » !... Idéaliste ou
réaliste, actuelle ou générale, que l’œuvre vive, et pour vivre, que
l’œuvre soit une, d’abord ! L’œuvre qui n’est pas une meurt comme
les êtres mal venus que l’espèce, évoluant vers ses destinées supé-
rieures, doit éliminer peu à peu. L’œuvre une, au contraire, vit dans
le moindre de ses fragments. Une poitrine de statue antique, un pied,
un bras, même à demi rongé par l’humidité souterraine, frémit et
paraît tiède au contact de la main, comme si les forces vitales le mode-
laient encore par le dedans. Le morceau déterré est vivant. Il saigne
comme une blessure. Par-dessus le gouffre des siècles, l’esprit retrouve
ses rapports avec les débris pulvérisés, anime l’organisme tout entier
d’une existence imaginaire, mais présente à notre émotion. C’est le
témoignage magnifique de l’importance humaine de l’art, gravant
l’effort de notre intelligence dans les assises de la terre, comme les
ossements y déposent la trace de l’ascension de nos organes matériels.
Réaliser l’unité dans l’esprit et la transporter dans l’œuvre, c’est obéir
à ce besoin d’ordre général et durable que notre univers nous impose
et que le savant exprime par la loi de continuité, l’artiste par la loi
d’harmonie, le juste par la loi de solidarité.

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