Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 4]): L'art moderne — Paris: Librarie Plon, 1948

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.71101#0140
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
arbres, les chapiteaux découronnés qu'il inonde d'or sombre
au moment où il va mourir. Ce pauvre paysan est au cœur
d'une minute impressionnante, qu'il n'entend pas sonner.
L'astre décline, l'ombre encore enflammée s'étend sur la
jeunesse bouillonnante des sociétés occidentales, mais elle
dore une féerie hautaine et régulière d'édifices et de colon-
nades, un monde de pierre et de marbre sortant des rivages
dallés où le navire de l'esprit qui se croit enfin et pour tou-
jours maître de lui-même aborde avec majesté, noir sur le
rougeoiement du ciel.

Chez Nicolas Poussin, cela s'écrit avec bien plus de puis-
sance. Lui sait où il va, quelquefois trop, il dispose et démontre
avec une éloquence où son compatriote Corneille eût pu
reconnaître sa force à frapper des maximes et à enfermer
dans un rythme uniforme et vigoureux tout ce qu'il y a
d'imprécis et de fugitif dans la vie pour lui imposer la forme
de la volonté. L'unité héroïque et lyrique est le seul point
de départ, tout se groupe et s'ordonne autour. L'unité plas-
tique n'est que le résultat d'un travail intellectuel d'éli-
mination consciente et de construction idéaliste où la forme
et le geste, le ton local, la tonalité générale et la répartition
du volume et de l'arabesque répondent à l'appel central de
la raison. Seulement, quand on a longtemps regardé ses
études directes, les formes sculptant le néant comme des
bas-reliefs fouillés par la lumière et l'ombre, quand on sait
qu'au retour de ses excursions dans la campagne où les
aqueducs éventrés, les édifices circulaires, les pins parasols,
la ligne des collines pures imposent à l'intelligence des con-
tours nets et des formules décisives, « il rapportait dans son
mouchoir des cailloux, de la mousse, des fleurs et d'autres
choses semblables qu'il voulait peindre exactement d'après
nature », on ne peut qu'obéir comme lui à ce tout-puissant

— 106 —
 
Annotationen