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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0021
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du moins que nous savons qu'elle tourne sans lassitude autour
d'un centre qui existe en nous comme en elle, bien que nous
soyons incapables de le situer et de le fixer pour toujours. Ainsi
le drame reste ouvert, et cette angoisse indéfinie de l'homme
qui lui offre, jusqu'à ce que l'univers ait cessé d'exister pour
lui d'abord, pour son espèce ensuite, un champ sans limite visible
d'émotion et d'activité. Je pense que c'est le caractère à la
fois logique et flottant, tragique et consolant de l'art qui veut
que toutes les définitions qu'on en a données et en donnera
soient restées et doivent rester incomplètes. L'art, qui est notre
raison d'être, ne périra qu'avec nous. C'est lui qui nourrit et
maintient notre énergie spirituelle. C'est lui qui nous livre le
secret de l'effort sans espoir mais nécessaire de Sisyphe. L'homme
sort des cendres de l'homme et revoit la face divine dès qu'il
surprend des germes dans les cendres de l'autel qu'il a renversé.
Je crains de ne pas être parvenu à maintenir, entre les pages
de ce livre, cette circulation grandiose d'énergie qui rend aussi
sûrement solidaire la moindre image d'oiseau trouvée dans les
sables d'Égypte d'un aéroplane actuel, que la plus effacée des
silhouettes de mammouth gravée sur les parois du Fond de
Gaume de la pagode de Sriringam ou du Parthénon de Péri-
clès. J'aurais aussi voulu montrer comment la statue arrachée
d'un temple quelconque reproduit les profils mêmes de ce temple
entre ses plans dont les ondes mouvantes vont saisir dans l'es-
pace, pour les incorporer à elles, les passages et les reflets qui
déterminent la peinture et font naître de la peinture, par leurs
rythmes enchevêtrés, des harmonies invisibles d'où la musique
jaillira. J'aurais voulu, enfin, réduire à quelques rapports évi-
dents l'innombrable complexité des relations révélées par la
variété innombrable des images, et la profondeur des abîmes
que leur étude creuse en nous. Il me semble en effet probable
que les rapports exprimés par Phidias, par exemple, bien qu'ils
nous paraissent simples, n'en restent pas moins essentiels, et
que si l'ébranlement qu'inflige une cathédrale ou une symphonie
de Beethoven à notre sensibilité est plus nombreux et plus
intense, c'est que les éléments analytiques exprimés par elles
ne font pas encore aussi intimement partie de nous que les idées
où l'esprit de Phidias reconnut autrefois ses sources. Ce que

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