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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0075
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d'élever, au Cambodge, à Java (i), les féeries monumentales
où l'univers commun aux hommes, aux forêts, aux bêtes
entra pour y tourbillonner, y danser, disparaître comme une
apsara emportée par les mille voix réunies des violons, des
cuivres, des tambourins, des voix humaines, des murmures
indistincts et des parfums mélangés. Le bouddhisme devait
traverser le pessimisme hindou et le positivisme chinois par
le moyen de la sculpture, parce qu'il se développait autour
d'un besoin d'idéalisme social qui conditionnait la décou-
verte et la culture de l'individu. Mais, en Chine comme aux
Indes, l'unité de l'édifice idéal était telle qu'on assista, durant
quatre ou cinq siècles, comme on y assista en Égypte durant
quatre ou cinq millénaires à ce formidable événement : cent
hommes, mille hommes peut-être, taillant dans une même
roche l'image du même dieu, sans que l'image de ce dieu
sortît d'une unité si fortement liée à leur structure spirituelle
qu'elle semblait jaillir d'un même cœur, être conçue par une
même tête, réalisée par une même main. C'est un phéno-
mène analogue qui se produit, quelques siècles plus tard,
dans l'Occident chrétien et plus spécialement en France, si
l'on rapproche du colosse ou de la grotte ouvragée la cathé-
drale aux mille voix. Et c'est un phénomène inverse qu'ap-
porte, comme la décadence grecque, la Renaissance d'Occi-
dent : souvent mille individus anarchiques semblent avoir
sculpté la plus fragile statuette, composé le plus petit tableau.
L'unité symphonique a quitté la multitude et ses éléments
dispersés pour se réfugier tout entière dans le cœur, la tête,
la main du héros.
En Chine, aux Indes, comme au Mexique ou en Islam,
comme en Égypte, comme dans la Grèce dorienne et l'Eu-
rope médiévale, le héros est presque inconnu. La légende de
Rama apparaît avec le bouddhisme et c'est bien son histoire
qui fleurit le palais d'Angkor. Mais c'est le seul instant et le
seul lieu d'Orient qu'on puisse comparer au Parthénon et à
la cathédrale pour l'équilibre qu'ils cherchent entre l'aven-
ture de l'homme et l'immobilité du dieu. En Orient, le héros,
(i) Fig. 51, 56.

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