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le crée à chaque minute et l'engloutit l'instant d'après.
La sculpture hindoue (i) est l'image de ce mouvement uni-
versel qui ne sort pas de ses frontières imprécises et dont
l'imprécision même lui interdit de sortir. Comme, là-bas,
l'esprit pictural ondulant avec subtilité dans la masse de la
statue refusait de quitter l'édifice social, ici l'esprit pictural
tente à tout instant de déborder la sculpture, pour y rentrer
aussitôt avec une espèce de douleur. Ici, pas plus que les
dieux, pas plus que les individus, pas plus que l'architecture
elle-même, la sculpture n'est arrêtée. Un mouvement désor-
donné et tragique l'anime. Par grands coups de lumières,
d'ombres, par contrastes puissants incessamment provoqués
et rompus, il bouleverse le rocher nuancé à la façon d'une
peinture, en fait sortir et rentrer les saillies comme des ondu-
lations de reptiles, des soubresauts de fauves ou des spasmes
amoureux. La sculpture reste noyée dans son atmosphère de
pierre. L'âme enfiévrée se rue à des tentatives excentriques
condamnées sans cesse à l'échec, mais infligeant à la matière
sculptée l'esprit de la grande peinture. C'est le contraire de
l'Égypte où la matière sculptée s'inflige incessamment l'esprit
de l'architecture pour vivre concentriquement. Mais, ici
comme là, tout le problème tourne autour de l'individu émer-
geant du moule social et se résout dans la sculpture qui là
refuse de sortir du temple et ici ne peut en sortir. Et comme
il fallut à l'Egypte, pour quitter son bloc hermétique, l'in-
vasion gréco-romaine, ce n'est guère qu'à partir du xe siècle,
quand surviennent aux Indes le musulman, puis le chrétien,
qu'un peu d'air étrànger entre dans cette atmosphère eni-
vrante, mais aussi que l'architecture, tout en se spirituali-
sant au début, s'amincit très vite, s'épuise, se vulgarise et
que la sculpture, qui changeait autrefois la forme des mon-
tagnes, commence de se perdre dans l'anecdote, le pitto-
resque et l'ornement.
C'est d'ailleurs au moment de la grande époque boud-
dhique que la sculpture hindoue changea la forme des mon-
tagnes, comme elle la changea en Chine et eut la force
(i) Fig. 26, 78 et 105.

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