mais lézardé qu'ils détruisent, confrontant leur simplicité,
leur santé, leur ordre sommaire avec une culture supérieure
à la leur, cependant énervée, pourrie par des siècles de domi-
nation devenue facile et sombrant dans l'anarchie morale de
l'individualisme et de la sécurité. D'abord englouti dans la
masse, leur esprit en émerge, un jour, mêlé à celui de la
masse, sous forme d'images inconnues où se fondent et se
font valoir, dans un fulgurant équilibre, les qualités de l'es-
pèce nouvelle créée par quelques siècles de brassage entre
les éléments jusqu'alors hostiles, et dans tous les cas séparés.
C'est une opération chimique, où la volonté n'est pour rien.
Elle en naît, au contraire, pour diriger les nouveaux venus, à
travers mille tragédies, vers des formes pressenties destinées
à leur tour à se décomposer pour éprouver d'autres contacts
et subir d'autres refontes. Il y a dans ces pénétrations, ces
fermentations, ces flux, ces reflux perpétuels, une garantie
de renouvellement, et par conséquent d'amour des images,
susceptible de consoler l'homme, avidement attaché à la
forme qui le tourmente, de ne jamais la saisir.
Il
Supposez maintenant que la tribu noire primitive se soit
peu à peu délayée dans quelque groupe européen par l'émi-
gration vers des climats moins torrides, par la conquête,
l'esclavage, par l'entrée de ses femmes dans le harem des
chefs blancs. Supposez que l'élan lyrique ait été imprimé
ainsi à ce groupe renouvelé où le sang blanc domine encore.
Le poème qui va jaillir gardera-t-il l'accent de la plastique
mélanienne, ou modifié dans ses inspirations et ses expressions
coutumières par les paysages intérieurs que retient l'ata-
visme noir, par les paysages extérieurs que subit la nouvelle
espèce, prendra-t-il un accent spécial où le son du départ
ne se retrouvera pas? L'élément que Taine invoque et que
méconnaît Gobineau vient précisément de surgir. Il exerce
œ 71—
leur santé, leur ordre sommaire avec une culture supérieure
à la leur, cependant énervée, pourrie par des siècles de domi-
nation devenue facile et sombrant dans l'anarchie morale de
l'individualisme et de la sécurité. D'abord englouti dans la
masse, leur esprit en émerge, un jour, mêlé à celui de la
masse, sous forme d'images inconnues où se fondent et se
font valoir, dans un fulgurant équilibre, les qualités de l'es-
pèce nouvelle créée par quelques siècles de brassage entre
les éléments jusqu'alors hostiles, et dans tous les cas séparés.
C'est une opération chimique, où la volonté n'est pour rien.
Elle en naît, au contraire, pour diriger les nouveaux venus, à
travers mille tragédies, vers des formes pressenties destinées
à leur tour à se décomposer pour éprouver d'autres contacts
et subir d'autres refontes. Il y a dans ces pénétrations, ces
fermentations, ces flux, ces reflux perpétuels, une garantie
de renouvellement, et par conséquent d'amour des images,
susceptible de consoler l'homme, avidement attaché à la
forme qui le tourmente, de ne jamais la saisir.
Il
Supposez maintenant que la tribu noire primitive se soit
peu à peu délayée dans quelque groupe européen par l'émi-
gration vers des climats moins torrides, par la conquête,
l'esclavage, par l'entrée de ses femmes dans le harem des
chefs blancs. Supposez que l'élan lyrique ait été imprimé
ainsi à ce groupe renouvelé où le sang blanc domine encore.
Le poème qui va jaillir gardera-t-il l'accent de la plastique
mélanienne, ou modifié dans ses inspirations et ses expressions
coutumières par les paysages intérieurs que retient l'ata-
visme noir, par les paysages extérieurs que subit la nouvelle
espèce, prendra-t-il un accent spécial où le son du départ
ne se retrouvera pas? L'élément que Taine invoque et que
méconnaît Gobineau vient précisément de surgir. Il exerce
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