la foule au combat. Le protestantisme et le catholicisme sont
des moyens de gouverner plus ou moins heureux, plus ou
moins durables, convenant plus ou moins aux peuples qui
les adoptent, et l'un n'a pas plus voulu la musique alle-
mande que l'autre n'a voulu l'église ogivale des provinces
françaises du Nord. Quant au christianisme dans sa pureté
primitive, il a fallu son contact profond et prolongé avec les
âmes populaires formées par leur sol et leur mystérieux ata-
visme, leurs joies, leur nourriture, leurs malheurs, pour qu'il
se transformât, dans l'intimité de ces âmes, au point de les
exprimer par des moyens dont l'usage et l'abus avaient
précisément, par réaction, suscité sa naissance.
III
Mais il y a plus. Il s'en faut de beaucoup que la plus
haute et la plus pure tension de l'esprit religieux coïncide
partout avec la plus haute et la plus pure expression du senti-
ment esthétique d'un peuple. Les exemples en sont innom-
brables, du polythéisme égyptien aux monothéismes mo-
dernes, de la religion de Brahma à l'anthropomorphisme
grec. La religion ritualisée et hiérarchisée par un puissant
sacerdoce n'existe réellement en Égypte qu'après les grandes
invasions, c'est-à-dire au cours de la décadence artistique
du Nouvel Empire. Le fétichisme rudimentaire, assez confus
et multiforme des Ancien et Moyen Empires, y a vu naître
les plus belles œuvres dont la plupart, d'ailleurs, n'ont aucun
caractère religieux (i). C'est l'époque qui s'étend entre les
grandes pyramides et le grand temple de Karnak, celle de
ces hypogées innombrables qu'ornent des fresques de ver-
millon et d'émeraude où le geste est si pur qu'il semble
exprimer le silence, celle des ces scribes assis et de ces
statues en marche auprès de qui tout paraît mort. La reli-
(i) Fig. 98 et 106.
— 252 —
des moyens de gouverner plus ou moins heureux, plus ou
moins durables, convenant plus ou moins aux peuples qui
les adoptent, et l'un n'a pas plus voulu la musique alle-
mande que l'autre n'a voulu l'église ogivale des provinces
françaises du Nord. Quant au christianisme dans sa pureté
primitive, il a fallu son contact profond et prolongé avec les
âmes populaires formées par leur sol et leur mystérieux ata-
visme, leurs joies, leur nourriture, leurs malheurs, pour qu'il
se transformât, dans l'intimité de ces âmes, au point de les
exprimer par des moyens dont l'usage et l'abus avaient
précisément, par réaction, suscité sa naissance.
III
Mais il y a plus. Il s'en faut de beaucoup que la plus
haute et la plus pure tension de l'esprit religieux coïncide
partout avec la plus haute et la plus pure expression du senti-
ment esthétique d'un peuple. Les exemples en sont innom-
brables, du polythéisme égyptien aux monothéismes mo-
dernes, de la religion de Brahma à l'anthropomorphisme
grec. La religion ritualisée et hiérarchisée par un puissant
sacerdoce n'existe réellement en Égypte qu'après les grandes
invasions, c'est-à-dire au cours de la décadence artistique
du Nouvel Empire. Le fétichisme rudimentaire, assez confus
et multiforme des Ancien et Moyen Empires, y a vu naître
les plus belles œuvres dont la plupart, d'ailleurs, n'ont aucun
caractère religieux (i). C'est l'époque qui s'étend entre les
grandes pyramides et le grand temple de Karnak, celle de
ces hypogées innombrables qu'ornent des fresques de ver-
millon et d'émeraude où le geste est si pur qu'il semble
exprimer le silence, celle des ces scribes assis et de ces
statues en marche auprès de qui tout paraît mort. La reli-
(i) Fig. 98 et 106.
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