INTRODUCTION
Faut-il s'en réjouir? Faut-il le regretter? Nous voici par-
venus à un point critique de l'Histoire où il nous devient
impossible de penser en profondeur — et de créer, j'ima-
gine — si nous nous isolons dans l'aventure de notre race et
refusons de demander aux expressions verbales ou figurées que
les autres races ont donné d'elles, une confirmation de nos
propres pressentiments. Je dis « une confirmation », bien qu'au
premier abord ce soient les contradictions, ou du moins les
différences qui nous frappent. En apparence, un abîme sépare
de l'idole nègre ou polynésienne, par exemple, la sculpture
grecque à son apogée ou la grande peinture européenne dont
l'école de Venise nous a révélé les moyens et les possibilités.
Cependant, l'un des miracles de ce temps est qu'un nombre
croissant d'esprits soient devenus capables non seulement de
goûter, avec une égale ivresse, la délicate ou violente saveur de
ces œuvres réputées antinomiques, mais même de saisir dans les
caractères opposés qu'elles paraissent offrir, des accords inté-
rieurs qui nous conduisent à l'homme et nous le montrent par-
tout animé de passions dont toutes les idoles, en accusant l'accent,
révèlent les analogies.
Je n'ignore pas le danger de ces reconnaissances-là. A cer-
taines époques — l'époque classique grecque ou française, par
exemple — il était bon que le poète ignorât qu'il représentait
seulement un aspect de l'âme divine, et qu'il poussât toutes les
puissances diffuses déposées en lui par la culture, ses intuitions
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Faut-il s'en réjouir? Faut-il le regretter? Nous voici par-
venus à un point critique de l'Histoire où il nous devient
impossible de penser en profondeur — et de créer, j'ima-
gine — si nous nous isolons dans l'aventure de notre race et
refusons de demander aux expressions verbales ou figurées que
les autres races ont donné d'elles, une confirmation de nos
propres pressentiments. Je dis « une confirmation », bien qu'au
premier abord ce soient les contradictions, ou du moins les
différences qui nous frappent. En apparence, un abîme sépare
de l'idole nègre ou polynésienne, par exemple, la sculpture
grecque à son apogée ou la grande peinture européenne dont
l'école de Venise nous a révélé les moyens et les possibilités.
Cependant, l'un des miracles de ce temps est qu'un nombre
croissant d'esprits soient devenus capables non seulement de
goûter, avec une égale ivresse, la délicate ou violente saveur de
ces œuvres réputées antinomiques, mais même de saisir dans les
caractères opposés qu'elles paraissent offrir, des accords inté-
rieurs qui nous conduisent à l'homme et nous le montrent par-
tout animé de passions dont toutes les idoles, en accusant l'accent,
révèlent les analogies.
Je n'ignore pas le danger de ces reconnaissances-là. A cer-
taines époques — l'époque classique grecque ou française, par
exemple — il était bon que le poète ignorât qu'il représentait
seulement un aspect de l'âme divine, et qu'il poussât toutes les
puissances diffuses déposées en lui par la culture, ses intuitions
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