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II

Est-ce à dire que le grand homme, toujours, partout, en
toutes circonstances, ne s'affirme qu'en se plaçant en opposi-
tion diamétrale avec l'esprit du peuple dont il germe comme
une fleur? En aucune façon. D'abord, il parle sa langue.
Plongé comme lui dans un milieu géographique et historique
auquel il ne peut s'arracher qu'en condamnant ses dons origi-
naux à la chlorose et très vite à la mort, il exprime, par des
paroles éclatantes, ses obscurs désirs de continuité dans
l'action. Il porte, dans les passions et les instincts qu'il
éprouve et satisfait comme la multitude même dont il n'est
que l'une des voix, le besoin impérieux de les organiser pour
les mieux entendre et de découvrir en eux le principe qui les
sublime et donne à leur désordre une héroïque unité. J'ai lu,
sous la plume d'un écrivain espagnol (i), que le réalisme de
sa race n'est que « la saine réaction d'une collectivité contre
son propre penchant à dissimuler les aspects déplaisants de
sa vie ». Et c'est exact. Car si le pouilleux se drape dans sa
cape effilochée comme en un manteau royal, Velasquez,
qui lui ressemble, vient décrire cette cape sans en oublier un
trou. Sans doute, c'est pour purifier le monde que don Qui-
chotte quitte sa nièce et ses amis, mais son cheval est une
rosse, et le sublime chevalier porte un plat à barbe sur la
tête et une armure de carton.
Ces contrastes puissants, qui ne font qu'affirmer avec plus
d'accent le désir profond de l'espèce, Vélasquez, Zurbaran,
Goya les transportent d'un seul élan dans le domaine plas-
tique en jetant le voile aérien des harmonies errantes qui
donnent à l'atmosphère d'Espagne, par l'intermédiaire de
la poussière et du soir, une qualité de joyaux, — argent,
perle, rosée tremblante, — sur l'épouvantable aridité de la
(i) M. de Madariaga.

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