et des griffes se mêlent, ne font qu'accentuer l'expression
d'attente anxieuse du dieu Tlaloc, espérant la pluie comme
un pauvre homme dont le soleil a calciné le champ. Il est
aisé de découvrir dans l'art nègre, ou polynésien, un contraste
tendu à l'extrême entre la violence ingénue et désordonnée
des appétits de ces races et la simplicité schématique de leur
organisation intellectuelle (i). Et quant aux Indes, si quelque
chose est aussi permanent dans son immuabilité que leur art
dans son mouvement éternel de flot qui roule, c'est bien le
régime des castes, dont les frontières implacables ne se
peuvent jamais franchir. Mais la métaphysique du brahmane,
en les fixant pour toujours, livre à celui qui sculpte les
cavernes et les montagnes la doctrine libératrice de la trans-
migration : et comme toute forme, aussi arrêtée qu'elle soit,
peut ainsi passer dans une autre, ce contraste — le plus accusé
qui soit, peut-être — n'apparaît pas (2).
IV
Allons plus loin, et concluons. L'artiste nous apparaît
comme la conscience des peuples, chargé par eux en même
temps de réagir contre les désordres et les excès de leurs ins-
tincts et de trouver, dans ces excès et ces désordres mêmes,
le signe de leurs plus constants et de leurs plus réels désirs.
Il les organise, en un mot, ce qu'il ne saurait faire s'il ne les
acceptait d'abord. Et, par la trace du pas qu'il imprime sur
le sol où a vécu, souffert, œuvré sa race, il en reste le prin-
cipal et le plus irrécusable héraut. Mais ces temples, ces
statues, toutes ces choses compactes qu'il laisse comme des
bornes le long des routes du désert pour montrer aux hommes
qui viendront que d'autres ont passé là, nous introduisent,
dès qu'on les regarde d'un peu haut et qu'on cherche, après
(1) Fig. 29, 30 et 112.
(2) Fig. 26, 77 et 78.
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d'attente anxieuse du dieu Tlaloc, espérant la pluie comme
un pauvre homme dont le soleil a calciné le champ. Il est
aisé de découvrir dans l'art nègre, ou polynésien, un contraste
tendu à l'extrême entre la violence ingénue et désordonnée
des appétits de ces races et la simplicité schématique de leur
organisation intellectuelle (i). Et quant aux Indes, si quelque
chose est aussi permanent dans son immuabilité que leur art
dans son mouvement éternel de flot qui roule, c'est bien le
régime des castes, dont les frontières implacables ne se
peuvent jamais franchir. Mais la métaphysique du brahmane,
en les fixant pour toujours, livre à celui qui sculpte les
cavernes et les montagnes la doctrine libératrice de la trans-
migration : et comme toute forme, aussi arrêtée qu'elle soit,
peut ainsi passer dans une autre, ce contraste — le plus accusé
qui soit, peut-être — n'apparaît pas (2).
IV
Allons plus loin, et concluons. L'artiste nous apparaît
comme la conscience des peuples, chargé par eux en même
temps de réagir contre les désordres et les excès de leurs ins-
tincts et de trouver, dans ces excès et ces désordres mêmes,
le signe de leurs plus constants et de leurs plus réels désirs.
Il les organise, en un mot, ce qu'il ne saurait faire s'il ne les
acceptait d'abord. Et, par la trace du pas qu'il imprime sur
le sol où a vécu, souffert, œuvré sa race, il en reste le prin-
cipal et le plus irrécusable héraut. Mais ces temples, ces
statues, toutes ces choses compactes qu'il laisse comme des
bornes le long des routes du désert pour montrer aux hommes
qui viendront que d'autres ont passé là, nous introduisent,
dès qu'on les regarde d'un peu haut et qu'on cherche, après
(1) Fig. 29, 30 et 112.
(2) Fig. 26, 77 et 78.
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