POÉSIE
DE LA CONNAISSANCE
I
y y N pas de plus, et nous voici au seuil de la pensée de
Baudelaire, où l'apparente antinomie entre l'art et
/la science est résolue en quelques mots : « L'imagi-
nation est la plus scientifique des facultés, parce que seule elle
comprend l'analogie universelle. » Ce poète n'ignorait pas que
le savant c'est le poète, et ce n'est pas la faute du savant, ni
la faute du poète, si nous commençons nous-mêmes à nous
en apercevoir. Le savant méprise le poète, le poète redoute
et respecte le savant. L'un et l'autre les yeux fermés. Celui-là
n'est pas loin d'envisager le mystère comme un ensemble de
phénomènes réductibles à des rapports mathématiques, ce
qui est vrai, peut-être, mais prouve qu'il ne le sent pas. Et
celui-ci, s'il le croyait, cesserait de le sentir. Je parle du
poète-oiseau, posé n'importe où sur la route, ou dans les
champs, ou dans la ville comme une harpe éolienne atten-
dant les souffles du ciel, — les chanteurs anglais, par exemple,
ou Verlaine chez nous. Car le tourment métaphysique
n'habite pas toujours le cœur de ceux qui désirent passion-
nément fixer l'harmonie dispersée. Pour connaître le déses-
poir où précipite l'idée qu'un géomètre puisse seul atteindre
— I56 œ
DE LA CONNAISSANCE
I
y y N pas de plus, et nous voici au seuil de la pensée de
Baudelaire, où l'apparente antinomie entre l'art et
/la science est résolue en quelques mots : « L'imagi-
nation est la plus scientifique des facultés, parce que seule elle
comprend l'analogie universelle. » Ce poète n'ignorait pas que
le savant c'est le poète, et ce n'est pas la faute du savant, ni
la faute du poète, si nous commençons nous-mêmes à nous
en apercevoir. Le savant méprise le poète, le poète redoute
et respecte le savant. L'un et l'autre les yeux fermés. Celui-là
n'est pas loin d'envisager le mystère comme un ensemble de
phénomènes réductibles à des rapports mathématiques, ce
qui est vrai, peut-être, mais prouve qu'il ne le sent pas. Et
celui-ci, s'il le croyait, cesserait de le sentir. Je parle du
poète-oiseau, posé n'importe où sur la route, ou dans les
champs, ou dans la ville comme une harpe éolienne atten-
dant les souffles du ciel, — les chanteurs anglais, par exemple,
ou Verlaine chez nous. Car le tourment métaphysique
n'habite pas toujours le cœur de ceux qui désirent passion-
nément fixer l'harmonie dispersée. Pour connaître le déses-
poir où précipite l'idée qu'un géomètre puisse seul atteindre
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